Une visite courageuse de Giorgia Meloni au Liban qui doit déboucher sur des décisions concrètes

0
85

(Rome, 18 octobre 2024). La mission diplomatique de Giorgia Meloni au Liban s’annonce comme une visite politique importante et loin d’être prévisible, dont les effets devront toutefois être évalués de manière concrète. Aujourd’hui, Meloni se rendra à Aqaba, en Jordanie, où elle rencontrera le roi Abdallah II, l’important interlocuteur de l’Italie dans la région, avant d’arriver à Beyrouth pour s’entretenir avec le Premier ministre, Najib Mikati, et le président de l’Assemblée nationale du Pays du Cèdre, Nabih Berri.

La mission de Meloni au Liban

Deux étapes et trois rencontres pour un voyage certes courageux, qui mènera la Première ministre dans une ville devenue en réalité un théâtre de guerre, écrit Andrea Muratore dans «Inside Over». Il s’agira de la première visite d’un dirigeant européen et du G7 au Liban depuis le début de l’escalade entre Israël et le Hezbollah, culminant avec l’invasion du Pays des Cèdres par les forces de défense israéliennes, et du premier voyage d’un chef de gouvernement en exercice sur un théâtre de guerre non contrôlé par des forces liées aux pays de l’OTAN ou, en général, aux pays occidentaux. Dans lequel, en effet, les troupes italiennes incluses dans le contingent de la FINUL, qui opère au sud du pays, ont été bombardées à plusieurs reprises par Israël, qui a demandé le retrait des casques bleus, recevant une réponse négative et une réaction claire du Gouvernement de Rome.

Après la confrontation politique à distance, l’heure de la concrétisation est arrivée. Il s’agit d’un test important pour la diplomatie italienne qui, en vertu de la projection garantie par la FINUL, de son rôle en Méditerranée et de l’intérêt pour la stabilité régionale, ainsi que de l’équidistance substantielle manifestée en une année de guerre à Gaza, peut et doit jouer un rôle constructif pour l’avenir du Liban, et donc pour celui du Moyen-Orient. Soutenir les fragiles institutions libanaises, assurer le respect de la communauté internationale, fixer des lignes rouges pour Israël : telles doivent être les stratégies politiques avec lesquelles l’Italie peut montrer positivement son drapeau au Liban.

L’engagement en faveur de la stabilité et de l’avenir de la FINUL

De ce point de vue, il ne faut pas sous-estimer le fait que Giorgia Meloni arrive au Liban en tant que présidente sortante du G7, dans une phase critique après le risque créé par Israël de détériorer les relations avec l’un des pays d’Europe occidentale les plus enclins à jouer le rôle de bâtisseur de ponts dans la région. L’Italie peut assumer ses responsabilités en Méditerranée, dans un quadrant géopolitique critique pour les intérêts nationaux, entre les routes énergétiques et commerciales et l’engagement d’agir face à toute escalade de la guerre et de la menace terroriste. La stabilité est le mot d’ordre et, dans cette perspective, il est primordial que Meloni soit présente : rencontrer les institutions libanaises, signifie les légitimer, leur donner un répit et leur permettre de contribuer à l’unité au moins temporaire, tandis que Benyamin Netanyahu attise les flammes du conflit sectaire et bombarde, avec le Hezbollah, les civils du pays.

Pour défendre la FINUL, l’engagement de Rome, la communauté internationale et son action, il est nécessaire de rappeler que l’État souverain du Liban, désigné comme le premier à mettre en œuvre la résolution 1701 des Nations Unies, datée de 2006, existe et est un véritable acteur non seulement sur le papier. Il vaut la peine d’ouvrir la voie à cette «guerre de tous contre tous» qui, comme le disait l’ancien chef d’état-major Vincenzo Camporini, pourrait être la conséquence d’un effondrement de la mission et d’un désengagement de la communauté internationale.

Le Conseil européen, une occasion manquée ?

La visite de Meloni est courageuse. C’est précisément pour cette raison qu’il aurait été politiquement plus pragmatique de placer le Liban et sa stabilité, ainsi que la question du conflit au Moyen-Orient dans son ensemble, au centre de la récente session du Conseil européen. Meloni a plutôt réuni les leaders les plus durs contre l’immigration clandestine pour donner à ce dossier, important au niveau électoral, mais politiquement et stratégiquement secondaire, le rôle central dans le sommet des chefs d’État et de gouvernement européens. Un axe avec Emmanuel Macron et Pedro Sanchez aurait été souhaitable pour mettre l’Allemagne d’Olaf Scholz et la présidente allemande de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, face aux responsabilités de leur tolérance excessive dans leur soutien à Israël.

Une manœuvre qui aurait eu plus de sens, en termes de grande politique, qu’un axe avec Viktor Orban, qui gouverne une Hongrie très éloignée du théâtre de la Méditerranée, sur des points chauds extérieurs pour les migrants. Mais le climat politique européen, très divisé sur de nombreux dossiers, et la difficulté objective de nombreux acteurs, comme la France, à trouver une ligne précise sur le dossier libanais et sur les relations avec Israël contribuent à rendre ce processus difficile.

Après tout, Meloni réussira si elle sait donner l’exemple. Si elle donne une ligne politique claire aux autres pays pour qu’ils manifestent explicitement leur soutien à Beyrouth et à son intégrité territoriale. L’Espagne de Sanchez a illustré ses lignes rouges envers Israël en reconnaissant la Palestine. L’Italie peut en faire de même en garantissant l’intégrité territoriale du Liban : ce serait un message perturbateur, d’autant plus qu’il est lancé par un pays gouverné par une coalition de conservateurs, donc sur le papier idéologiquement proche du Likoud de Benyamin Netanyahu. Ce dernier espère que la victoire d’un autre conservateur, Donald Trump, aux élections présidentielles américaines afin d’obtenir un feu vert substantiel à une nouvelle offensive militaire au Moyen-Orient (l’Iran). Meloni, en substance, devra commencer un voyage et ne pas faire de sa visite un cas isolé. De ce point de vue, la valeur régionale de la visite est également garantie par la rencontre avec le roi de Jordanie, qui permettra à la Première ministre d’avoir des informations de première main sur la crise en cours à Gaza.

L’exemple d’Andreotti et Craxi

L’Italie peut agir de manière constructive : dans le passé, au Liban, elle a déjà démontré qu’elle en était capable. L’ancien président libanais Amine Gemayel l’a rappelé en 2013 lorsqu’il s’adressait au quotidien «Avvenire» à l’occasion de la mort de Giulio Andreotti, rappelant l’époque où «Il Divo» était ministre des Affaires étrangères. Gemayel a rappelé l’arrivée d’Andreotti au Liban en 1982, peu après son élection à la suite d’un conflit sanglant déclenché par la brutale invasion israélienne : «Quand j’ai été élu, l’aéroport de Beyrouth était encore fermé au trafic et Andreotti a dû atterrir à Chypre, pour ensuite rejoindre le Liban à bord d’un hélicoptère militaire». Un contexte qui rappelle beaucoup celui d’aujourd’hui.

Gemayel a ensuite souligné comment Andreotti et le futur Premier ministre Bettino Craxi ont pu voir clairement le rôle de l’Italie dans la pacification du Liban et de la Palestine : «L’Italie, grâce au duo Andreotti-Craxi, avait agi pour créer les conditions d’une normalisation de notre pays non seulement en favorisant la réconciliation entre les Libanais, mais aussi en œuvrant pour un rapprochement entre nous et les Palestiniens. Le tout sans sacrifier les relations avec les Palestiniens. Être un pont, hier comme aujourd’hui, est l’objectif italien. Un pont pour la stabilité au Liban ; un pont pour une harmonie qui semble lointaine au Moyen-Orient ; un pont pour que d’autres pays suivent l’exemple.

Bien sûr, Andreotti et Craxi auraient moins pensé aux barques, aux bateaux et aux contrebandiers à la veille d’une visite aussi importante. Mais le temps de ces hommes d’État est révolu et, aujourd’hui, il ne reviendra pas : Nous nous contentons donc de constater ce qui existe et de souligner la valeur du pas que l’Italie fait en avance sur le reste de l’Occident. Giorgia Meloni porte le poids d’une grande responsabilité dans sa visite : et nous en jugerons par les faits concrets, conclut l’auteur Andrea Muratore.