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Désormais en ligne de front de l’OTAN contre la Russie, la Scandinavie n’est plus pacifiste

(Rome, 22 septembre 2024). La militarisation croissante de la Scandinavie compromet considérablement la sécurité de la région, pouvant conduire à de nouveaux conflits, la Russie étant contrainte de réagir à ce qui pourrait être perçu comme une menace existentielle. La Norvège a accepté d’héberger plusieurs bases militaires américaines, tandis que la Finlande et la Suède, récemment devenues membres de l’OTAN, transfèrent le contrôle de certaines parties de leur territoire. Dans ce contexte, des infrastructures stratégiques seront construites pour faciliter le mouvement rapide de l’armée américaine vers les frontières russes, la mer Baltique et l’Arctique devenant des zones d’influence de l’OTAN, nous explique Giuseppe Gagliano dans son décryptage dans «Inside Over».

Bien que la Scandinavie, autrefois considérée comme une zone de paix, soit rapidement transformée en ligne de front américaine, ce changement radical ne fait l’objet d’aucun débat public. Les élites politiques et médiatiques semblent s’accorder sur le fait que l’expansion de l’OTAN renforcera la sécurité par le biais d’une plus grande capacité militaire et d’une dissuasion renforcée. Cependant, la réalité montre que davantage d’armes conduisent rarement à plus de paix, bien que la logique qui prévaut parmi les politiciens d’aujourd’hui, qui adoptent une vision de «paix hégémonique». La concurrence pour la sécurité, dans laquelle l’augmentation de la sécurité d’un pays réduit celle d’un autre, est au cœur des tensions actuelles.

Pendant la guerre froide, la Scandinavie avait réussi à maintenir un équilibre entre dissuasion et réassurance, la Finlande et la Suède restant neutres, et la Norvège, bien que membre de l’OTAN, évitant d’héberger des bases militaires étrangères permanentes, limitant ainsi les activités militaires de ses alliés dans l’Arctique. Aujourd’hui, cet équilibre semble s’être dissous, remplacé par une logique d’affrontement qui transforme la région en un théâtre de compétition stratégique entre l’OTAN et la Russie.

Historiquement, la Scandinavie a toujours été une région cruciale pour la sécurité de la Russie. Depuis l’éclatement de la «Kievan Rus’» au XIIIe siècle, la Russie a constamment lutté pour garantir un accès sûr aux mers, vital pour son développement économique et son commerce international. Des puissances hégémoniques telles que la Suède ont tenté de limiter l’accès de la Russie à la mer Baltique aux XVIIe et XVIIIe siècles, provoquant des conflits qui ont culminé avec la Grande Guerre du Nord. Le Traité de Stolbova de 1617, qui a sanctionné la perte de l’accès de la Russie à la mer Baltique, représente un exemple historique de la tentative d’endiguement de la Russie, un objectif également poursuivi plus tard par des puissances maritimes telles que la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Aujourd’hui, l’expansion de l’OTAN en Scandinavie menace de reproduire cette même dynamique. Avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, l’Alliance atlantique acquiert la capacité de bloquer potentiellement l’accès de la Russie à la mer Baltique, comme l’a déclaré l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen. En outre, l’influence de l’OTAN sur l’Arctique, une région stratégique pour la Russie, s’accroît. Ce changement pourrait raviver les tensions historiques et conduire à une nouvelle phase de conflits similaires à ceux de la Grande Guerre du Nord. Les États baltes et la Pologne parlent déjà de la mer Baltique comme une «mer de l’OTAN», soulignant la pression croissante sur Kaliningrad, l’enclave russe, qui sera de plus en plus isolée à mesure que la Finlande et la Suède rejoindront l’OTAN. La militarisation de la Scandinavie menace ainsi d’inverser l’issue de la Grande Guerre du Nord de 1721, qui avait assuré à la Russie un accès stratégique aux mers, un aspect fondamental de sa sécurité nationale.

Le contexte géopolitique actuel s’inscrit également dans le cadre plus large de la rivalité entre les États-Unis et la Russie. Les puissances occidentales cherchent depuis longtemps à contenir l’expansion russe, comme l’ont démontré les événements de la guerre de Crimée et, plus récemment, les tensions en Ukraine. Le coup d’État de 2014 en Ukraine et l’annexion de la Crimée par la Russie ont été des épisodes emblématiques de cette compétition. Le sabotage des accords de Minsk et d’Istanbul par les États-Unis, dans le but de militariser l’Ukraine pour menacer la flotte russe en mer Noire, s’inscrit dans la même logique d’endiguement. L’expansion de l’OTAN en Scandinavie s’inscrit donc dans ce contexte à long terme, dans lequel le contrôle des mers et l’accès aux ressources maritimes représentent des enjeux d’importance stratégique fondamentale pour Moscou. La présence militaire américaine croissante en Scandinavie et la possibilité de bloquer l’accès russe à la mer Baltique constituent une menace directe pour la sécurité de la Fédération, qui sera contrainte de réagir.

L’attaque du gazoduc Nord Stream, attribuée aux États-Unis, montre à quel point il est important pour Washington de limiter la connectivité économique entre la Russie et l’Europe, en particulier avec l’Allemagne. L’attitude des États-Unis à l’égard de l’Europe, de plus en plus considérée comme un pion dans la dynamique géopolitique mondiale, révèle une réalité dans laquelle les intérêts européens sont sacrifiés au nom des objectifs stratégiques américains. La décision de la Finlande d’adhérer à l’OTAN, malgré l’absence de menace immédiate pour le pays, s’inscrit dans cette logique de subordination aux intérêts américains. La militarisation du nord de la Finlande et la menace qui pèse sur la flotte russe à Arkhangelsk en sont un exemple clair. La Norvège, qui a suivi une voie progressive de militarisation, se retrouve désormais dans une position similaire, les bases militaires américaines transformant son territoire en un avant-poste stratégique face à la Russie. En fin de compte, la militarisation de la Scandinavie n’est rien d’autre qu’une étape supplémentaire dans la compétition entre grandes puissances, l’Europe et les pays scandinaves risquant d’être entraînés dans un conflit à grande échelle.

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