(Rome, Paris, 17 juillet 2024). Les manœuvres militaires conjointes entre les États-Unis et l’Arménie se déroulent à un moment difficile entre ce pays du Caucase et son (ex) protecteur russe. Une trajectoire inverse à celle de la Géorgie voisine
La distance entre l’Arménie et son désormais ancien allié historique, la Fédération de Russie, ne cesse de se creuser. Lundi dernier, 15 juillet, les forces armées d’Erevan ont commencé des exercices militaires conjoints avec celles des États-Unis, une décision qui, il y a encore quelques années, aurait été considérée comme impensable par les observateurs internationaux. Selon ce qu’a déclaré le ministre arménien de la Défense Suren Papikyan, ces exercices, baptisés «Eagle Partner», visent à accroître l’interopérabilité des unités participant aux missions internationales de maintien de la paix, à partager les meilleures pratiques en termes de commandement et de contrôle et de communication tactique, et à améliorer l’état de préparation des forces arméniennes. La durée prévue de ces manœuvres est connue, soit jusqu’au 24 juillet, ainsi que les unités auxquelles appartiennent les soldats qui y sont engagés : casques bleus arméniens ; soldats de l’armée américaine stationnés en Europe et en Afrique ; et garde nationale du Kansas, mais le nombre exact de soldats impliqués n’a pas été clarifiée, nous explique Lorenzo Piccioli dans son décryptage dans «Formiche.net».
Bien qu’’il ne s’agisse pas de la première édition de cet exercice spécifique, qui a déjà eu lieu l’année dernière (il a déjà été qualifié de démarche «hostile» par les russes), il se déroule dans un contexte particulier en raison du brusque revirement des relations diplomatiques entre Erevan et Moscou, qui ont commencé lorsque l’Azerbaïdjan s’est lancé l’année dernière dans une campagne militaire fulgurante pour achever sa conquête de la région du Karabakh. Les autorités arméniennes ont accusé les soldats russes de maintien de la paix, déployés dans la zone à la suite du conflit qui a éclaté en 2020, de n’avoir rien fait pour repousser l’assaut de l’Azerbaïdjan. Moscou a rejeté ces accusations, arguant que ses troupes n’avaient aucun mandat pour intervenir.
Sur cette base, des échanges entre les deux pays se sont développés dans les mois suivants. En février, le Premier ministre arménien Nikol Pashynian a annoncé la suspension de la participation de l’Arménie à l’Organisation du Traité de sécurité collective (que l’on pourrait qualifier de manière simpliste comme d’équivalent post-soviétique de l’OTAN), dénonçant son incapacité à garantir la sécurité de ses membres. Quelques semaines plus tôt, dans autre geste peu apprécié par le Kremlin, Tbilissi était devenue membre officiel de la Cour pénale internationale qui avait émis un an auparavant un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crimes de guerre (et émettrait le même mandat contre l’ancien ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valéry Gerasimov en juin 2024). Il n’est donc pas surprenant qu’au printemps Moscou ait décidé de retirer l’ensemble du contingent de maintien de la paix déployé au Haut-Karabakh, en violation des accords de cessez-le-feu datant de 2020. Poussant l’exécutif de Pashynian à même envisager la fermeture de la base militaire permanente dont disposent les forces armées russes en territoire arménien. Parallèlement à ce processus de désengagement vis-à-vis de Moscou, le pays du Caucase s’est rapproché plus du bloc euro-atlantique. C’est pourquoi cette édition de «Eagle Partner» a une signification différente des autres.
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Il est intéressant de noter que, toujours dans le Caucase, une situation similaire mais opposée se produit. Il y a une dizaine de jours, les États-Unis ont décidé d’annuler l’exercice militaire «Noble Partner», qui devait se dérouler conjointement avec les forces armées géorgiennes du 25 juillet au 6 août, suite à la décision du parlement géorgien d’approuver des lois peu libérales, comme celle sur les agents étrangers, dans une démarche de rapprochement plus général avec le Kremlin.