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Macron tente le «coup Mattarella» : «Je laisse le temps aux partis de trouver un accord, il nous faut un rassemblement large, solide et pluriel»

(Rome, 11 juillet 2024). «Personne n’a gagné» et la seule solution est une grande coalition, (dit en français un grand rassemblement). C’est en ces termes que le président de la République française Emmanuel Macron, dans une «lettre aux Français», envisage le prochain gouvernement. Le locataire de l’Elysée, dans cette première sortie formelle après les élections législatives qui se sont soldées par une impasse à la mexicaine, semble pour l’heure exclure l’option d’un gouvernement minoritaire. «Aucune force politique ne dispose à elle seule d’une majorité suffisante, écrit Macron, et les blocs ou coalitions issus de ces élections sont tous minoritaires». Il évoque toutefois une voie possible : une alliance qui se rassemblerait sous l’égide du front républicain, le barrage démocratique qui a accepté de faire face à l’extrême droite de Marine Le Pen. «Divisés au premier tour, unis par des désistements mutuels au second, élus grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, poursuit le président français, seules les forces républicaines représentent la majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige à construire un large ‘rassemblement’», écrit le quotidien «Il Fatto Quotidiano».

Sur le ton de celui qui se montre en dehors des jeux politiques, Emmanuel Macron écrit à ses concitoyens que «nous plaçons notre espoir dans la capacité de nos dirigeants politiques à faire preuve d’un sens d’harmonie, de concorde et d’apaisement dans votre intérêt et celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme tant de nos voisins européens, cet esprit de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux. Votre vote exige que chacun soit à la hauteur. A travailler ensemble. Dimanche dernier, vous avez appelé à l’invention d’une nouvelle culture politique française. Pour vous, je serai vigilent. En votre nom, j’en serai le garant».

Plusieurs cadres de gauche ont fustigé ce message. «Le peuple français a parlé, il faut maintenant respecter son choix», a réagi le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur le plateau de France 2. Le «déni» d’Emmanuel Macron «abîme le pays et la démocratie», a pour sa part vomi sur X la secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, Marine Tondelier. «Le président refuse de reconnaître le résultat des urnes qui a placé le Nouveau Front populaire en tête des votes et des sièges à l’Assemblée», a détoné sur le réseau social Jean-Luc Mélenchon.

Au Rassemblement national, l’amie de Poutine a dénoncé un «cirque indigne» du Président Macron. «Si je comprends bien, dans sa lettre, Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI qu’il a contribué à faire élire il y a trois jours et grâce à qui les députés Renaissance ont été élus, il y a également trois jours», a publié sur X Marine Le Pen, la patronne des députés RN à l’Assemblée nationale.

D’où la demande du Président de la République «à toutes les forces politiques qui se reconnaissent dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, l’orientation européenne et la défense de l’indépendance de la France, d’engager un dialogue sincère et loyal pour construire une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays». Macron dit qu’il donnera «plus de temps» aux forces politiques pour trouver cet entente qui, il faut le dire d’emblée, semble impossible sur le papier : une stratégie «à l’italienne» de laisser la situation se décanter, à laquelle le chef de l’Etat Sergio Mattarella a dû recourir à plusieurs reprises au cours de la dernière législature. C’est pour cette raison que le Président Macron a rejeté la démission du Premier ministre Gabriel Attal. D’autant plus qu’à partir du 26 juillet Paris sera sous les yeux du monde entier puisque ce jour-là est prévue la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Le chef de l’Etat a précisé qu’il ne nommerait un Premier ministre qu’après que les forces républicaines aient «trouvé un compromis» respectant «quelques grands principes pour le pays». Dans cette attente, les parties pourront «construire des compromis dans la sérénité et le respect de chacun». En attendant et «d’ici là», a-t-il expliqué, «le gouvernement actuel continuera à exercer ses responsabilités et traitera ensuite les affaires courantes comme la tradition républicaine l’exige».

Un «grand rassemblement» depuis «Ensemble» (sa coalition) jusqu’à La France Insoumise (LFI, menée par Jean-Luc Mélenchon), vu d’ici, relève de la science-fiction. Et si, jusqu’à présent, tout le monde a misé sur la désintégration de la coalition de gauche pour la formation d’un grand centre capable de former une nouvelle majorité politique modérée (des socialistes aux macronistes en passant par les néo-centres-droits, Républicains gaullistes), certains messages vont actuellement dans des directions très différentes. Les quatre dirigeants des partis du Nouveau Front populaire (outre LFI, socialistes, verts et communistes) ont signé une déclaration commune à l’attention du président pour qu’il «se tourne vers le NFP afin de lui permettre de former un gouvernement, conformément à la coutume républicaine, en période de cohabitation, dans un délai raisonnable». En substance, ils formalisent la demande de voir un gouvernement minoritaire tenter de recueillir des voix avant même que l’Assemblée ne soit réunie.

Il semble y avoir davantage de problèmes au sein d’«Ensemble», l’alliance qui représente la soi-disant majorité présidentielle (réduite). Certains députés de Renaissance (macronistes «purs») se disent dans un document rendu public aujourd’hui favorables à un «projet de coalition allant des sociaux-démocrates à la droite». En substance, ils disent tout haut ce que Macron pense tout bas (et ne peut pas dire) : la nouvelle majorité gouvernementale devrait être formée en excluant La France Insoumise de Mélenchon. « Et ils s’efforcent, ​​lit-on dans un document, ​​avec détermination et sincérité, de parvenir à un projet de coalition allant des sociaux-démocrates à la droite». Mais au sein de la galaxie des parlementaires qui soutiennent le locataire de l’Elysée, la situation est très mouvante. «Le Monde» fait état d’une scission «imminente». Il existe une aile droite de la coalition, dirigée par le puissant ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui souhaiterait une alliance exclusive avec les Républicains (LR-son ancienne famille politique). Le même ministre a déclaré aujourd’hui qu’il ne pouvait pas accepter un gouvernement non seulement avec Mélenchon, mais aussi avec les écologistes Sandrine Rousseau et Marine Tondelier, cette dernière étant l’une des révélations de la campagne électorale.

En revanche, certains élus de la coalition de Macron ont déjà déclaré qu’ils préféreraient se tourner vers la gauche. En effet, la députée Stella Dupont parle explicitement de vouloir créer un groupe «social-démocrate» distinct de «Renaissance» du Président. Sacha Houlié, ancien président de la commission, a déclaré dans une interview qu’il ne siégerait pas au sein du groupe macroniste dans l’hémicycle car il se sent «proche» de Raphaël Gluksmann, socialiste, nouvelle figure du centre-gauche. La même conception est exprimée par le centriste libéral François Bayrou qui (toujours fidèle à ses anciennes intentions) souhaiterait un accord avec tout le monde sauf LFI, ouvrant une table «des socialistes aux communistes».

Et Mélenchon ? Aujourd’hui encore, il a envoyé plusieurs messages, notamment en direction de l’Elysée. Il souligne par exemple que «dans les démocraties parlementaires, le vote a une certaine importance» et donc Macron devrait également en tenir compte lors de la prochaine nomination française à la Commission européenne (en tête de liste du président se trouve le sortant Thierry Breton qui devrait devenir l’adjoint d’Ursula Von Der Leyen). Mais il rassure en revanche sur sa vision de la relation entre Paris et Bruxelles : «Nous sommes suffisamment capables et intelligents pour comprendre que nous n’avons aucun intérêt à nous heurter frontalement à une institution capable de tout comme la Commission européenne, déclare-t-il de manière énigmatique. Il n’existe qu’une seule façon de résoudre le problème du déficit excessif, c’est d’augmenter les recettes : je peux vous dire qu’il n’y aura pas de nouvelles dépenses, je m’engage ici devant vous au nom de la coalition» qu’il y aura pas de nouvelles dépenses qui ne soient couvertes par des recettes supplémentaires. Et Mélenchon de hurler : Parmi celles-ci, le rétablissement de la fiscalité progressive sur le patrimoine, la modification des aides accordées aux entreprises, qui atteignent le chiffre impressionnant de 223 milliards d’euros par an».

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