(Paris, Rome, 19 avril 2024). Il existe encore peu d’éléments clairs sur l’attaque israélienne de la nuit dernière contre la base d’Ispahan, mais une chose semble certaine : l’opération n’est pas partie du territoire israélien. Les drones qui se sont abattus sur l’une des principales installations de défense iraniennes n’ont pas décollé des bases de Tsahal ni d’autres régions d’Israël. Cela a été soutenu ces dernières heures par les Iraniens eux-mêmes, qui ont expliqué qu’Ispahan était ciblée par des micro-drones qui avaient probablement parcouru beaucoup moins de kilomètres que la distance qui sépare le territoire iranien du territoire israélien. Les véhicules sans pilote seraient notamment arrivés du nord. Depuis Tabriz, l’une des villes les plus importantes des régions du nord-ouest de l’Iran, ou directement depuis l’Azerbaïdjan. Là où la présence de responsables israéliens en lien avec l’étroite collaboration militaire entre Bakou et Tel-Aviv n’est pas un mystère, rapporte «Inside Over».
L’implication de l’Azerbaïdjan
Les Iraniens, en évoquant une attaque ennemie provenant de leur propre territoire, n’y ont pas grand-chose à gagner : admettre qu’ils ont été frappés de l’intérieur est toujours la dernière des priorités pour un pays engagé dans une confrontation avec une autre force militaire. Par conséquent, si certains officiels ont ainsi relaté, cela signifie qu’un tel scénario est pour le moins plausible. Ces dernières heures, le New York Times a réussi à joindre certains généraux iraniens qui ont expliqué que leurs radars n’avaient pas détecté l’intrusion d’avions ennemis pendant la nuit. Une circonstance qui joue en faveur de l’effet de surprise recherché et obtenu par Israël, mais qui prouverait aussi que les avions ennemis décollaient directement du territoire iranien. Dans leur témoignage, les officiers iraniens ont également affirmé que plusieurs groupes de micro-drones avaient été abattus dans la région de Tabriz, signe supplémentaire d’une attaque partant du nord-ouest du pays.
Toutefois, l’hypothèse d’une action initiée depuis le territoire azerbaïdjanais n’est cependant pas à exclure. Depuis Tabriz, les frontières avec l’Azerbaïdjan ne sont pas si loin et, comme mentionné précédemment, la présence des forces opérationnelles israéliennes y est bien connue. Quoi qu’il en soit, que l’opération ait son origine en Iran ou dans le pays voisin du Caucase, un mouvement important sur l’axe entre Tel-Aviv-Bakou apparaît clairement à l’horizon. Les responsables de l’État hébreu sont présents sur le territoire azerbaïdjanais depuis un certain temps, cette nuit ils ont peut-être demandé une collaboration directe ou indirecte aux Azéris eux-mêmes. En outre, il est beaucoup plus facile de frapper le territoire iranien depuis l’Azerbaïdjan, surtout si l’attaque doit être soutenue par l’effet de surprise pour réussir.
De leur côté, les Azéris auraient mis à disposition leurs propres stations de lancement pour faire décoller des drones israéliens vers Ispahan. Ou bien, dans une perspective de collaboration indirecte et capable de ne pas exposer Bakou à un embarras international, les Israéliens auraient pu exploiter le territoire azerbaïdjanais pour coordonner le travail de ceux qui, un peu plus au sud et directement depuis Tabriz, déclenchent effectivement les engins. Cette ville est en effet un point de référence pour la minorité azérie d’Iran, une communauté de plus de douze millions de personnes au sein de laquelle ne manquent pas de groupes et d’organisations qui ne voient pas d’un bon œil le gouvernement actuel de Téhéran.
Pourquoi Bakou et Tel-Aviv sont si proches ?
Il existe donc un fil rouge qui relie Israël et l’Azerbaïdjan et l’attaque d’hier soir le confirme. Mais la proximité entre les deux pays n’est pas récente. Au contraire, en 1991, le gouvernement israélien a été parmi les premiers au monde à reconnaître l’indépendance de Bakou vis-à-vis de l’Union soviétique et, depuis lors, une intense collaboration s’est instaurée dans les domaines économique et militaire. Une circonstance surprenante à première vue : l’Azerbaïdjan est un pays à majorité chiite, tout comme l’Iran, et pourtant, au cours des trente dernières années, l’une de ses principales références internationales est bien Israël.
Parmi les documents révélés par WikiLeaks, il ressort, entre autres, que le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a comparé la relation entre son pays et l’État hébreu à un iceberg : « Les neuf dixièmes de cette relation, sont les mots exprimés il y a des années par Aliyev lui-même, est caché en dessous. La proximité entre Bakou et Tel-Aviv était très évidente lors des phases les plus chaudes de la guerre au Haut-Karabakh, lorsque des quantités massives de drones israéliens sont arrivées sur le territoire azerbaïdjanais, en même temps que celles tirés par l’autre allié de ce pays du Caucase, la Turquie. Le conflit contre les forces arméniennes d’Artsakh qui a eu lieu fin 2020 a peut-être été le premier dans lequel l’apport des drones sur le champ de bataille s’est avéré décisif.
Grâce également aux avions sans pilote manœuvrés par les Israéliens et les Turcs, l’Azerbaïdjan a vaincu les Arméniens et a pu reprendre la région contestée de Nagorny-Karabakh. Mais même aujourd’hui, une fois le conflit terminé, l’afflux d’armes israéliennes semble se poursuivre selon les rapports de différentes agences de renseignement international. Ces dernières heures, Tel-Aviv pourrait avoir demandé de l’aide à Bakou dans son action sur le territoire iranien. Une aide à laquelle, de toute évidence, le président Aliyev pouvait difficilement dire non.