(Paris, Rome, 19 avril 2024). Une base militaire en Iran aurait été frappée par Israël de manière très légère et presque symbolique. L’objectif est-il d’envoyer un message sans déclencher une escalade ?
Israël a peut-être choisi l’ambiguïté pour répondre à l’attaque subie il y a cinq jours, lorsque l’Iran, par un mouvement chorégraphié et télégraphié, a lancé des centaines de missiles et de drones contre le territoire de l’État hébreu en représailles à la gifle subie à Damas (où un nombre de hauts responsables des Pasdarans avaient été éliminé dans une attaque contre l’ambassade iranienne, probablement perpétré par les Israéliens mais jamais revendiqué).
Le jeu d’ombres (et de lumières) en ce moment très tendu pourrait aussi être une méthode pour éviter que la situation ne sombre dans des dérives incontrôlées, avec la communauté internationale (à commencer par la réunion du G7 avec les ministres des Affaires étrangères qui se termine ces heures-ci à Capri en Italie) voulant éviter le chaos, nous explique Emanuele Rossi dans «Formiche.net».
Alors, que s’est-il passé ? Vers 5 h 29 ce matin, à Ispahan, dans le centre de l’Iran, trois explosions ont eu lieu à proximité d’une base militaire, mais pas dans l’une des principales centrales nucléaires de la République islamique. Au même moment, d’autres explosions ont eu lieu en Syrie dans les gouvernorats d’Al-Souwaïda et de Daraa, dans des bases où les Iraniens partagent leurs défenses aériennes avec les forces locales, ainsi qu’à proximité de Bagdad et dans la province de Babel en Irak. Beaucoup de rumeurs ont émergé, beaucoup d’informations anonymes et aucune confirmation officielle pour l’heure.
Les responsables américains affirment, par exemple, qu’il s’agissait d’une attaque israélienne, dont ils avaient été informés à l’avance, mais attention : ils affirment avoir été prévenus que cela se produirait dans les 24 à 48 heures, ajoutant qu’ils avaient reçu l’assurance que toute action n’affecterait pas les installations nucléaires iraniennes.
La contre-attaque israélienne, si elle reste de cette ampleur (et ne s’étend pas dans les heures ou les jours à venir), permet non seulement à l’Iran de ne pas réagir à nouveau (un risque que personne n’entend prendre car il s’agit d’un déclencheur potentiel d’une escalade vers une guerre régionale) mais aussi de nier ce qui s’est passé. Les médias du régime diffusent en effet des images d’une normalité quotidienne à Ispahan, prouvant qu’il ne s’est rien passé d’inquiétant.
Dans le même temps, Israël aurait également envoyé une notification à ses ambassades dans le monde leur demandant de ne pas commenter l’incident. La question qui se pose est : en parlant peu, peut-on considérer que cette série d’échanges est close ? Même si la guerre dans l’ombre va se poursuivre, peut-être à travers des échanges de coups avec les milices coordonnées par les Pasdaran et par des actions ponctuelles menées. Autre élément non secondaire : le site touché à Ispahan serait la base de Shekary, une infrastructure de l’Artesh, c’est-à-dire des forces armées régulières, et non des Pasdaran. Un choix pour éviter de nouvelles représailles ?
Les partisans de la ligne dure iranienne sont à ce stade confrontés à un dilemme dans la gestion, et il n’est pas surprenant que la ligne dictée jusqu’à présent consiste à minimiser, voire à ignorer l’incident. Les pasdarans et les réactionnaires iraniens pourraient également être amenés à appeler à une nouvelle contre-réaction, mais si Israël maintient la communication publique au minimum, la République islamique pourrait alors accepter sa faiblesse en la traitant de manière propagandiste comme la faiblesse de quelqu’un d’autre. Autrement dit, clairement incapable d’admettre que même des zones stratégiquement ultra-sensibles comme Ispahan puissent tomber sous les frappes israéliennes, l’Iran dira que l’État hébreu a tenté de frapper mais a échoué. « La source étrangère de l’incident n’a pas été confirmée. Nous n’avons reçu aucune attaque extérieure et la discussion porte davantage sur une infiltration que sur une attaque », a déclaré un responsable iranien à l’agence Reuters.