(Rome, 13 avril 2024). Ankara a annoncé l’entrée en vigueur de restrictions économiques à l’encontre de Tel-Aviv jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit déclaré. Il s’agit toutefois de mesures ayant une valeur plus symbolique que concrète et la population de Cisjordanie paierait également
Le gouvernement turc a annoncé cette semaine l’entrée en vigueur de sanctions économiques contre Israël, destinées à durer jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit déclaré et que la population civile se voie garantir un plein accès à l’aide humanitaire. La décision bloque l’exportation de 54 produits différents. Il s’agit de mesures à forte valeur politique, dont l’impact sur les échanges commerciaux entre les deux pays est toutefois limité à quelques secteurs significatifs, bien qu’il risque d’avoir des conséquences sur la population palestinienne de Cisjordanie. Les sanctions peuvent être contournées en passant par des pays tiers : selon certains rapports israéliens, cela s’est déjà produit via la Slovénie. Dans le même temps, les deux économies sont importantes, mais ne sont pas centrales l’une pour l’autre. L’interdiction d’exportation décidée par Ankara concerne également les produits chimiques, les pesticides, l’aluminium, l’acier, le ciment, les matériaux de construction, le granit, l’huile moteur et le kérosène, rapporte l’agence «AGI».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de répondre ainsi aux accusations relancées sur les réseaux sociaux : ces dernières semaines, les messages accusant la Turquie de faire des affaires avec l’État hébreu, oubliant la population palestinienne, s’étaient multipliés. La diffusion de ces informations a contribué à l’effondrement du parti d’Erdogan lors des élections locales du 31 mars. Avant le 7 octobre et le début du conflit, la Turquie et Israël avaient normalisé leurs relations diplomatiques après une décennie de controverses et d’accusations. Cependant, la longue histoire de tensions entre les deux pays, toujours provoquées par la politique israélienne à l’égard des Palestiniens, n’a pas affecté les échanges commerciaux. Cette fois-ci, les choses se sont passées différemment et, à partir d’octobre dernier, certaines chaînes de supermarchés israéliennes ont bloqué l’importation de produits turcs et, de manière générale, selon les données officielles, le commerce entre les deux pays avait déjà chuté de 33 % avant les sanctions.
Les nouvelles mesures devraient marquer un impact supplémentaire sur les économies des deux pays. Les exportations turques vers l’État hébreu en 2023 s’élevaient à 5,4 milliards de dollars, soit 2,1 % des exportations totales d’Ankara (selon les données du ministère de l’Économie). C’est aussi le résultat d’un accord de libre-échange signé en 1996 et de l’exemption de taxes sur certains produits entrée en vigueur en 2000. Ces accords ont permis de tripler le volume des échanges entre les deux pays entre 2009 et 2023, faisant de la Turquie le cinquième exportateur vers Israël et ce dernier le dixième importateur pour Ankara. Les exportations turques vers Israël portent sur l’acier, les produits mécaniques, les produits chimiques, les appareils électroniques, le textile, le ciment, le verre, la céramique, le papier et les produits forestiers. 60 % du volume des échanges commerciaux entre les deux pays est constitué d’exportations turques, les 33 % restants d’exportations israéliennes.
C’est le secteur des exportations d’acier qui est appelé à subir les conséquences les plus lourdes des sanctions : chaque année, la Turquie exporte 726.000 tonnes d’acier vers Israël, soit 20 % du total exporté par les entreprises turques qui produisent ce matériau. Israël devra cependant composer avec l’interdiction de vente de ciment décidée par le gouvernement turc. En effet, 30 % du ciment importé chaque année par l’État hébreu provient de Turquie et le prix des maisons et des appartements est voué à s’envoler. C’est précisément l’interdiction de la vente de ciment, de briques et de matériaux de construction, à l’heure où les maisons et les infrastructures, notamment à la frontière libanaise, ont besoin de réparations, qui ne manquera pas d’avoir des conséquences politiques. En revanche, jusqu’à 11 % du plastique importé par la Turquie provient d’Israël et, là aussi, Ankara devra chercher des alternatives.
La conséquence la plus lourde concerne cependant la fin de la perspective de collaboration pour un gazoduc qui acheminerait le gaz israélien vers l’Europe, via la Turquie : les deux pays travaillaient activement sur ce projet avant le 7 octobre. Les sanctions décidées par Ankara risquent également d’avoir un impact sur la population palestinienne. Les ports de Haïfa et d’Ashdod sont en fait les points de débarquement israéliens des produits destinés à la Cisjordanie. Le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et la Cisjordanie a augmenté ces dernières années pour atteindre près d’un milliard de dollars par an. La vente de fer, d’acier, de bois, d’huile végétale, de tabac et de produits alimentaires fait de la Turquie le deuxième fournisseur du marché palestinien après Israël.