(Rome, 29 février 2024). Dans son discours annuel sur l’état de la nation, le président russe a répondu à l’Occident en recourant à la même rhétorique nucléaire (désormais habituelle). Mais il a aussi parlé d’économie, de technologie et de diplomatie
Un Occident qui voulait voir une Russie « mourante », mais qui s’est «trompé» en ne tenant pas en compte de la détermination et du sens d’unité du peuple russe. A deux semaines des consultations où il sollicitera (avec des résultats prévisibles) sa reconduction pour un nouveau mandat, le ton du président russe Vladimir Poutine ne peut qu’être nettement nationaliste. Dans son discours sur l’état de la nation (d’une durée record de deux heures) prononcé jeudi 29 février, le dirigeant russe a abordé plusieurs points importants, selon le décryptage de Lorenzo Piccioli dans «Formiche.net».
A commencer par l’éventuel déploiement de troupes occidentales sur le territoire ukrainien, une éventualité récemment évoquée par le président français Emmanuel Macron. Poutine a prévenu les capitales occidentales que la réalisation d’une telle possibilité aurait des conséquences : « Il a été question d’envoyer des contingents de l’OTAN en Ukraine. Mais « nous nous souvenons de ceux qui ont envoyé des contingents sur notre territoire », a rappelé le président russe, en faisant allusion à la Grande guerre patriotique (1941-1945), sa référence constante. « Les conséquences pour ceux qui interviendraient seraient encore plus tragiques pour eux, nous disposons nous aussi d’armes qui sont capables de frapper des cibles sur leur territoire », a mis en garde le chef du Kremlin en rappelant le développement par Moscou de nouvelles armes hypersoniques. Poutine s’en est pris notamment à l’«expansion de l’OTAN à l’Est», citant la Finlande et la Suède, qui, a-t-il dit, «choisissent des cibles sur notre territoire».
Évoquant implicitement un possible affrontement, y compris nucléaire, explicité peu après, lorsqu’il soulignait comment la rhétorique occidentale peut conduire à un affrontement impitoyable. « Nous disposons aussi d’armes capables de toucher des cibles sur leur territoire. Le maître du Kremlin a jugé que ces menaces créent un «réel» risque de conflit nucléaire disant également que la Russie disposait d’armes «capables» d’atteindre les territoires des pays occidentaux, et donc «la destruction de la civilisation», a déclaré Poutine, soulignant que l’arsenal nucléaire de Moscou est « pleinement opérationnel ».
Le dirigeant russe a également exprimé son opinion sur l’évolution du conflit : « Nous ferons tout pour y mettre un terme, éradiquer le nazisme, accomplir toutes les tâches de l’opération militaire spéciale, protéger la souveraineté et la sécurité de nos citoyens », ajoutant qu’à l’heure actuelle, la Russie prend l’initiative dans tous les domaines et que la population russe soutient l’effort militaire. Au-delà de la guerre, Poutine a salué les initiatives de ses alliés, telles que l’initiative de Pékin, «Belt and Road», et a évoqué la nécessité de créer de «nouveaux points de contact» avec les pays arabes et les nations d’Amérique latine et d’Afrique, qui sont des orientations fondamentales de la politique étrangère russe.
Mais dans son discours, Poutine n’a pas négligé la dimension « intérieure », bien au contraire. Il a mis l’accent sur les valeurs familiales, centrées sur la natalité et la « prolifération » de la nation multiethnique. « Nous choisissons la vie, la Russie reste le pilier des valeurs traditionnelles », a déclaré le président, qui a ensuite indiqué l’objectif du pays au cours des six prochaines années, à savoir assurer une « croissance stable » des taux de natalité pour « améliorer la qualité de vie » des familles, en suggérant la construction de nouveaux jardins d’enfants et d’autres infrastructures de soutien. Le fait que la Fédération de Russie traverse une phase de profond déclin démographique n’est pas nouveau et, de ce point de vue, les conséquences du conflit en Ukraine sont tout sauf négligeables.
Son discours intervient en outre à la veille des funérailles prévues à Moscou de son principal opposant, le militant anticorruption Alexeï Navalny, décédé le 16 février en prison dans des conditions obscures. Vladimir Poutine, qui n’a jamais prononcé en public le nom d’Alexeï Navalny, n’a toujours pas commenté ce décès qui a choqué le monde entier.
Le président a également porté son attention sur la dimension technologique et scientifique, pour laquelle la Russie disposerait d’un « important avantage compétitif ». Poutine a déclaré vouloir augmenter constamment les investissements dans la recherche scientifique, y compris dans les programmes pharmaceutiques et spatiaux, dans le but d’atteindre un taux de 2 % du PIB d’ici 2030. Il a également souligné que le pays devait devenir technologiquement indépendant dans des secteurs clés de l’économie.
Sur le plan économique, Vladimir Poutine a fait l’éloge du monde des affaires qui a su réagir au désengagement de l’Occident de l’économie de la fédération, et a lancé l’initiative d’une « modernisation » du système fiscal national, en redistribuant la charge fiscale en faveur de ceux qui ont le plus de moyen.
Dans son monologue, Poutine n’a cependant fait référence aux dernières nouvelles concernant la région séparatiste de Transnistrie (où est stationné un corps militaire russe depuis la dissolution de l’Union soviétique, utilisé par Moscou afin d’exercer son influence dans la région), dont les autorités avait lancé un appel à l’aide à la Fédération de Russie pour se protéger de la Moldavie, responsable d’un « génocide perpétré par des pressions économiques, physiques, juridiques et linguistiques ». Un appel à l’aide auquel, quelques heures avant le discours, Moscou a répondu en déclarant que « la protection des intérêts des habitants de Transnistrie, nos compatriotes, est une priorité ». Ce qui suscite des inquiétudes au niveau international en raison de la situation complexe dans laquelle se trouve Chisinau et des risques d’escalade qui y sont associés.