(Rome, Paris, 1er février 2024). Coup de théâtre au Conseil européen après des semaines de lutte acharnée. Le président Charles Michel : «Prenons les devants pour soutenir le pays». Kiev se réjouit : «Une étape aux proportions historiques»
Viktor Orban n’est pas étranger aux rebondissements, et cette fois encore, il n’a pas déçu les attentes. Au Conseil européen de Bruxelles, on s’attendait à une bataille rangée d’heures et d’heures pour convaincre le Premier ministre hongrois de donner son feu vert au déblocage de 50 milliards d’aide à l’Ukraine, avec une myriade de réunions bilatérales, de réunions techniques et d’interminables débats pour ébranler la position de Budapest. En outre, pratiquement un peu plus d’une heure après le début des travaux, une fumée blanche inattendue est apparue, écrit Alfonso Bianchi dans «Europa Today».
« Nous avons un accord. L’unité », a exulté le président du Conseil européen, Charles Michel, sur X. « Les 27 dirigeants se sont mis d’accord sur un programme de soutien supplémentaire de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine dans le cadre du budget de l’UE. Cela garantit à l’Ukraine un financement régulier, à long terme et prévisible. L’UE assume le leadership et la responsabilité du soutien à l’Ukraine ; nous savons ce qui est en jeu », a-t-il ajouté.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, s’est dit « reconnaissant » envers le Conseil européen, parlant d’«une étape aux proportions historiques». Dans un tweet, Kuleba a écrit que cette décision « prouve que tout discours sur une prétendue ‘fatigue’ ou un ‘déclin du soutien’ est tout simplement faux ». Le chef de la diplomatie de Kiev a ensuite ajouté que « l’Europe a une fois de plus démontré sa force et sa capacité à prendre des décisions importantes indépendamment des autres ». « L’UE montre la voie et constitue un exemple à suivre pour le reste du monde », a-t-il ajouté.
Pour Kiev, le feu vert à l’aide européenne est une nouvelle très importante, à un moment où le soutien international semble s’affaiblir. Le président des États-Unis, Joe Biden, avait demandé en octobre au Congrès près de 106 milliards de dollars pour financer des plans en faveur de l’Ukraine, d’Israël et de la sécurité des frontières américaines, mais les républicains, qui contrôlent la Chambre des Représentants avec une courte majorité, ont rejeté le paquet. L’Ukraine dépend fortement de l’aide économique de l’Occident et a reçu plus de 73,6 milliards de dollars depuis l’invasion russe en février 2022. Kiev consacre la quasi-totalité de ses recettes intérieures au secteur de la défense et à l’armée, tandis que les dépenses générales du secteur budgétaire ont été largement couvertes par l’aide occidentale. Il convient de noter qu’une seule journée de combat coûte environ 136 millions de dollars.
L’accord conclu à Bruxelles intervient après des semaines de désaccords avec Viktor Orban, qui avait opposé son veto au programme d’aide en décembre et avait menacé de le faire à nouveau si ses exigences n’étaient pas satisfaites. En échange de son «oui» à l’aide européenne à l’Ukraine pour les quatre prochaines années, Budapest a demandé une révision annuelle des dépenses par un vote anonyme. Ce qui lui aurait donné le pouvoir de rejouer la même pièce chaque année et de bloquer le travail et l’argent. Les dirigeants des 26 autres pays membres ont été unis pour dire «non» et n’ont concédé qu’une discussion annuelle du paquet et la possibilité de le réviser dans deux ans «si nécessaire».
Le Hongrois a également demandé la prolongation jusqu’en 2028 du Fonds de relance, le programme d’aide qui prendra fin en 2026. En effet, ses fonds sont toujours bloqués en raison du différend sur les violations de l’État de droit en Hongrie. En réalité, c’est la question la plus importante pour Orban, qui utilisait son droit de veto sur le budget européen pour tenter de sortir de l’impasse sur cet autre dossier. En décembre, la Commission européenne avait débloqué 10,2 milliards d’euros de fonds de cohésion, mais 21 milliards d’euros supplémentaires restent dans les caisses de Bruxelles et devraient le rester jusqu’à la fin du litige.
Il convient de rappeler que de tous les dirigeants européens, Viktor Orbán, est celui qui entretient les liens les plus étroits avec Moscou. Alors que d’autres pays ont presque complètement interrompu leurs relations avec le Kremlin, Budapest continue d’importer du gaz russe. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le ministre des Affaires étrangères hongrois Peter Szijjarto s’est rendu à plusieurs reprises à Moscou, alors que, jusqu’à tout récemment, il n’avait jamais mis les pieds en Ukraine, pays soutenu et visité par la plupart de ses homologues européens au cours des deux dernières années.
Le déblocage de fonds en faveur de l’Ukraine permet d’obtenir le feu vert pour la révision du cadre financier pluriannuel (CFP), le budget de l’Union européenne. Dans ce cadre, 50 milliards d’euros sont prévus pour Kiev, dont 17 sous forme de dons et 33 sous forme de prêts garantis par l’UE. La proposition de révision à mi-parcours proposée du CFP 2021-27 prévoit également l’allocation de 9,6 milliards d’euros supplémentaires au chapitre de la migration et de la dimension extérieure, un chapitre qui présente un grand intérêt pour l’Italie.