L'actualité du Proche et Moyen-Orient et Afrique du Nord

Liban: le CPL livre sa dernière bataille pour parvenir au vide institutionnel. En s’en prenant au Patriarche, Gebran Bassil se suicide politiquement

(Montréal, Beyrouth, 13 décembre 2023). Le président du Courant Patriotique Libre (CPL), Gebran Bassil, semble livrer sa dernière bataille pour achever la destruction totale des institutions étatiques. Il se substitue au Hezbollah pour étendre le vide à tous les étages de l’Etat en espérant monnayer sa position contre le soutien du Hezbollah. Mais il lui a échappé que les traitres n’ont jamais été récompensés par leurs commanditaires.

C’est un jeu de rôles que se partagent le Hezbollah, le Mouvement Amal de Nabih Berri, le premier ministre Nagib Mikati et le CPL de Gebran Bassil, pour « virer » le commandant en chef de l’armée et le remplacer par un homme docile, aux ordres. Pour éviter ce scénario mortifère pour l’armée, le parti des Forces Libanaises (FL) avait appelé, depuis plusieurs semaines, le Parlement à repousser l’âge légal de départ à la retraite du général Joseph Aoun afin d’éviter le vide à la tête de l’armée pendant la vacance présidentielle.

Sous les pressions arabes et occidentales dans ce sens, le président du Parlement, Nabih Berri, s’est vu contraint d’appeler à une séance législative d’exception – le Parlement ne pouvant pas légiférer tant qu’il n’a pas élu un président de la République – jeudi 14 décembre. Mais, selon une de nos sources proche du dossier, « Nabih Berri, en ‘étroite collaboration avec ses associés malfaiteurs’, tente de noyer le poisson en diluant le dossier du commandant en chef de l’armée dans plus de 120 articles proposés à l’ordre du jour ». De ce fait, ajoute notre source, « les députés risquent de manquer du temps pour voter le maintien de Joseph Aoun en poste pour un an supplémentaire ». Parallèlement, le premier ministre démissionnaire, chargé d’expédier les affaires courantes, a lui aussi convoqué un conseil des ministres le 15 décembre pour proroger le mandat de Joseph Aoun. Or, selon nos sources, « la décision du gouvernement pourrait très facilement être cassée par le Conseil constitutionnel. Ce qui confirme que les « associés malfaiteurs » se partagent les rôles pour déstabiliser l’armée au profit de la milice ; pour discréditer Joseph Aoun, présidentiable, au profit des candidats du Hezbollah ; pour étendre le vide à toutes les institutions ; et pour, in fine, mettre la main définitivement sur le Liban », déplorent nos sources.

C’est dans ce contexte que Gebran Bassil a tenu une conférence de presse, ce mardi 12 décembre pour annoncer haut et fort son opposition au report de l’âge de départ à la retraite, accusant Joseph Aoun de tous les maux. Selon Gebran Bassil, c’est Joseph Aoun qui a favorisé l’arrivée de réfugiés syriens au Liban – alors qu’il était lui-même ministre des Affaires étrangères et, à ce titre, il s’était opposé au déploiement de l’armée aux frontières. Son objectif était de permettre au Hezbollah de poursuivre ses trafics et ses ingérences en Syrie dans la défense de Bachar al-Assad – et d’accepter de les maintenir au Liban pour soulager l’Europe. Selon Bassil, « Joseph Aoun est un traitre qui n’a pas défendu les institutions face aux révolutionnaires du 17 octobre (Bassil voulait utiliser l’armée pour réprimer les manifestants et protéger son beau-père, Michel Aoun, alors président). Il accuse Joseph Aoun de comploter avec les Occidentaux contre le Hezbollah en voulant appliquer la résolution 1701… Bassil ne s’est pas contenté de critiquer Joseph Aoun, mais il s’en est aussi pris violemment au Patriarche maronite et aux Forces Libanaises… Il a insisté sur sa détermination à faire appel des décisions du Parlement et du gouvernement devant la plus haute juridiction administrative.

A l’écoute de Gebran Bassil, un ancien cadre du CPL a ironisé en affirmant que « l’homme, s’il en était un, hausse le ton pour plaire à ses commanditaires. Il s’est comporté tel un traitre, en oubliant que les traitres ne sont jamais récompensés. Bassil a perdu tout crédit et tente de s’agripper au dernier espoir présidentiable. Malgré son discrédit dans la communauté chrétienne, il continue à s’enfoncer. C’est sans doute sa dernière bataille ». Mais d’autres sources s’inquiètent sérieusement de ses agissements qui accentuent les divisions et éloignent davantage toute perspective de redressement du pays, à commencer par l’élection d’un président. Ses propos violents et ses tentatives de manipuler l’opinion publique et de la retourner contre l’Eglise et les Forces Libanaises rappellent l’épisode de 1989, quand les partisans de son beau-père avaient envahi le Patriarcat et agressé et humilié l’ancien Patriarche, Nasrallah Sfeïr. Aujourd’hui, ayant tout perdu politiquement, il peut récidiver ». Et notre source de conclure : « l’opinion publique n’est plus dupe. Si Bassil veut se suicider politiquement, qu’il le fasse seul sans engager le pays ». Les prochaines heures sont déterminantes mais les Libanais sont prévenus.

Montréal. Par Sanaa T.

Recevez notre newsletter et les alertes de Mena News


À lire sur le même thème