(Rome, Paris, 09.11.2023). L’ancien Premier ministre israélien laisse entendre que la pression internationale pourrait bientôt contraindre les forces de Tel-Aviv à mettre fin à leurs opérations à Gaza, avant que tous leurs objectifs militaires ne soient atteints. Dans une interview accordée à Politico, il esquisse un scénario pour l’après-guerre qui ne manquera pas de faire réfléchir
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu prédit une « guerre longue et difficile ». Mais la réalité pourrait-elle être différente ? Reste-t-il très peu de temps pour mettre fin à la lutte contre le Hamas, avant que l’opinion publique mondiale ne prenne position contre les opérations militaires des Forces de défense israéliennes ? Ehud Barak, éminent homme politique israélien qui a occupé dans le passé les postes de Premier ministre d’Israël et de ministre de la Défense, tire la sonnette d’alarme, qui, dans une interview accordée à Politico, expose son point de vue et ses préoccupations sur le conflit en cours, comme le rapporte Lorenzo Piccioli dans les colonnes du quotidien «Formiche».
Barak, qui a dirigé Israël entre 1999 et 2001, a observé que le discours des responsables américains avait changé ces derniers jours avec un chœur croissant d’appels à une pause humanitaire dans les combats. « On voit que la fenêtre se referme. Il est clair que nous nous dirigeons vers des frictions avec les Américains à propos de l’offensive. L’Amérique ne peut pas dicter à Israël ce qu’il doit faire. Mais nous ne pouvons pas les ignorer non plus. Nous devrons nous plier aux exigences américaines dans les deux ou trois prochaines semaines, probablement avant », dit Barak, tout en notant le changement de rhétorique de la part des responsables américains. Si dans un premier temps, Washington avait effectivement apporté son soutien politique inconditionnel à Israël, il y a déjà une semaine, le président américain Joe Biden s’était prononcé en faveur d’une « pause humanitaire » dans la campagne de Tsahal contre Gaza, alors que quelques jours après, le secrétaire d’État Antony Blinken a souligné à Tel-Aviv que la protection de la population de Gaza et la minimisation des pertes civiles dans le cadre de l’opération militaire étaient des objectifs absolument prioritaires.
« Écoutez le ton du débat public, qui derrière les portes est un peu plus explicite. Nous perdons l’opinion publique en Europe et dans une semaine ou deux, nous commencerons à perdre (le soutien, Ndlr) des gouvernements en Europe. Et après une semaine encore, les frictions avec les Américains refont surface », déclare M. Barak à Politico, faisant référence à l’affaiblissement du soutien occidental (en particulier sur le Vieux Continent) en raison du nombre croissant de victimes civiles et du risque d’élargissement du conflit à l’échelle régionale, ainsi que pour les inquiétudes liées à la présence de citoyens européens parmi les otages du Hamas. La réaction du gouvernement américain est fortement conditionnée par la position européenne et, même si le gouvernement de Netanyahu a jusqu’à présent réussi à résister aux pressions de Washington, il pourrait bientôt devoir céder.
Egalement parce que l’éradication du groupe islamiste Hamas, principal objectif de guerre fixé par Netanyahu et son cabinet de guerre, pourrait prendre des mois, voire un an. Un objectif que l’ex-Premier ministre qualifie de juste : « Le choc de l’attaque a été considérable. Il s’agissait d’un événement sans précédent dans notre histoire, et il était immédiatement clair qu’il fallait réagir avec fermeté. Non pas pour riposter, mais pour s’assurer que cela ne puisse jamais se reproduire », ajoute Ehud Barak, qui poursuit en affirmant que même si l’opération militaire terrestre ne conduit pas à la destruction complète du Hamas, elle causera en tout cas des conséquences et dommages si graves à l’organisation terroriste palestinienne, non seulement pour neutraliser son action, mais aussi pour rendre sa renaissance pratiquement impossible.
En revanche, pour la période de transition post-conflit, l’homme politique israélien suggère qu’«avec le soutien de la Ligue arabe et du Conseil de sécurité des Nations Unies, une force arabe multinationale pourrait être constituée, avec l’inclusion de quelques unités symboliques de pays non arabes ». Cette force pourrait rester à Gaza pendant quelques mois afin d’aider l’Autorité nationale palestinienne à reprendre le contrôle du territoire, après que la querelle intra-palestinienne l’ait contrainte à renoncer au contrôle politique de la bande en 2007.
C’est ainsi que nous pourrions (re) construire le climat de confiance qui s’était instauré avant le 7 octobre, un climat de confiance apprécié tant à Tel-Aviv que dans le monde arabe. « Les dirigeants arabes doivent également pouvoir dire à leur peuple que quelque chose est en train de changer et qu’un nouveau chapitre s’ouvre, dans lequel tout le monde s’efforce sincèrement d’apaiser le conflit. Mais ils doivent entendre qu’Israël est capable de penser en termes de changement de la direction qu’il a pris ces dernières années », conclut Barak, notant toutefois que « cela ne se fera pas rapidement et prendra du temps. La confiance s’est brisée de tous les côtés et la méfiance n’a fait qu’empirer ».