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Sans les casques bleus de l’ONU, l’avenir du Mali devient incertain

(Paris, Rome, 25.08.2023). Un timing peu propice. Le territoire est déjà largement sous le contrôle des milices fondamentalistes islamiques, tandis que les nombreux mercenaires de Wagner semblent destinés à devenir une force errante aux décisions imprévisibles

Le moment pourrait être plus préoccupant : un mélange mortel formé par l’instabilité du Niger, l’afflux de dizaines de milliers de réfugiés soudanais vers le Tchad, l’offensive à grande échelle des djihadistes dans de nombreux pays de la région, le démantèlement (éventuel) du groupe Wagner et maintenant le retrait des casques bleus des Nations Unies. Le Mali, situé au centre géographique du Sahel occidental, est de plus en plus menacé d’effondrement, fait connaître Nicola Graziani dans les colonnes de l’agence «AGI».

L’Afrique fait un nouveau pas vers le chaos grâce, en partie, aux visées expansionnistes des forces extérieures et à l’incapacité de la communauté internationale à faire face à la situation. Le retrait de la force de maintien de la paix de l’ONU a été décidé par le Conseil de sécurité le 30 juin dernier, et le processus d’évacuation a déjà commencé. D’ici peu, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali, n’aura plus un seul homme sur le terrain.

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Les conséquences sont à la fois inimaginables et hautement imaginables : le territoire est déjà largement sous le contrôle de milices fondamentalistes islamiques, tandis que les nombreux mercenaires de Wagner, aujourd’hui avec la disparition de Prigozhin, semblent destinés à devenir une force dissoute par des décisions imprévisibles.

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La présence des Casques bleus s’élève actuellement à 11.600 militaires et 1.500 policiers fournis par différents pays. Ils devront partir d’ici trois mois : le 31 décembre, ils seront tous partis et les accords prévoient le retour à l’armée malienne des 12 bases créées ces dix dernières années sur l’ensemble du territoire.

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Trois sites ont déjà été désaffectés : à Ogossagou, Ber et Goundam, dans la région de Tombouctou au nord du Mali. Si à Ogossagou et Goundam le retrait des Casques bleus s’est déroulé sans incident, à Ber les militaires maliens affirment avoir déjà dû déjouer une attaque de présumés rebelles Touaregs. Ceux-ci rejettent les accusations et les retournent contre les forces gouvernementales.

La situation politique est tout aussi préoccupante

Selon l’agence «Fides», un profond fossé est apparu entre la junte militaire qui a pris le pouvoir à Bamako par le coup d’État du 24 mai 2021 et l’opposition, qui pointe du doigt le gouvernement, l’accusant d’avoir approuvé en juin une nouvelle Constitution qui trahirait les accords de paix conclus à Alger il y a quelques années.

Le détail le plus révélateur est celui contenu dans un communiqué du commandement de l’ONU, dans lequel les Casques bleus eux-mêmes reconnaissent qu’«il leur a fallu un peu plus de deux jours pour parcourir les 57 kilomètres de Ber à Tombouctou, en raison d’une double attaque au cours de laquelle quatre casques bleus ont été blessés. Et cette fois, il ne s’agissait pas des insurgés Touaregs, mais des fondamentalistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaïda.

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Les djihadistes imposent depuis plusieurs jours un blocus à Tombouctou, où les prix des produits ont commencé à augmenter. Dans la ville, rapporte «Africa.express», la situation est toujours calme, mais des hommes proches d’Al-Qaïda ont fait savoir qu’une mobilisation était en cours autour de la ville pour une «guerre totale» contre l’Etat malien, «qui a appelé Wagner (actif au Mali depuis fin 2021».

Il existe actuellement 1.600 mercenaires russes au Mali, mais leur présence continue d’être niée par le gouvernement, malgré les confirmations de nombreux responsables russes, ainsi que les déclarations faites par Evgueny Prigozhin lui-même quelques jours avant sa mort.

La symbiose entre Wagner et les forces régulières n’a rien de nouveau. La collaboration est telle qu’ils ont tous deux été accusés de recourir fréquemment à la violence contre les femmes et à d’autres «graves violations des droits humains» pour semer la terreur, selon un rapport préparé par les experts des sanctions des Nations Unies. Il s’agit notamment de violences «systématiques» notamment commises «par des partenaires étrangers chargés de la sécurité, visant à semer la terreur parmi les populations ».

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«Ces pratiques suscitent potentiellement la crainte de représailles, ce qui a un effet dissuasif sur les communautés et groupes armés qui chercheraient autrement à menacer ou à nuire à leurs partenaires étrangers en matière de sécurité», indique un rapport selon lequel les troupes maliennes et des «hommes blancs armés» auraient exécuté au moins 500 personnes, et des dizaines d’autres personnes ont été agressées sexuellement ou torturées au cours d’une opération de cinq jours dans le centre du Mali l’année dernière.

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Certains envoyés de l’ONU ont rédigé le rapport en mai. Le 30 juin, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité la fin de la mission de maintien de la paix. Mais les djihadistes et Wagner restent sur place.

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