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Les objectifs de l’Arabie Saoudite sur l’Ukraine et les BRICS

(Rome, Paris, 08.08.2023). Le sommet sur la guerre en Ukraine a servi à l’Arabie saoudite pour relancer son rôle international: voici qui était présent et ce qui a été discuté à Djeddah

Convoqué pour discuter du plan de paix en dix points du président Zelensky, le sommet sur la guerre en Ukraine qui s’est tenu ce week-end en Arabie saoudite s’est terminé sans résultats concrets hormis l’implication de pays comme la Chine et d’un bloc comme les BRICS qui jouent habituellement sur le terrain de l’adversaire russe. Mais, au-delà de ce qui a ou n’a pas accouché, le sommet marque la relance de l’initiative diplomatique et de l’image d’un pays comme l’Arabie saoudite qui fait tout pour reconquérir une réputation entachée par l’affaire Khashoggi, la persécution des militants et opposants et son rôle dans la guerre au Yémen.
Voici qui était présent et ce qui a été discuté à Djeddah lors du sommet tant souhaité par le chef du gouvernement et héritier du trône Mohammed bin Salman (MBS), comme rapporté par le quotidien «Start Magazine».

Qui était présent à Djeddah et pourquoi ?

Le sommet sur la paix en Ukraine s’est terminé dimanche à Djeddah, en Arabie saoudite, en présence de délégués d’une quarantaine de pays dont les États-Unis, l’UE, la Chine et le bloc des BRICS à l’exception de la Russie, qui n’avait pas été invitée.

Comme le rappelle le Guardian, l’initiative saoudienne est la deuxième de ce type à avoir lieu cet été après le Forum de Copenhague peu concluant qui s’est tenu dans les mêmes locaux en juin et qui s’est terminé sans même une déclaration finale.

La liste des participants au sommet est particulièrement importante, significative, non pas tant pour le nombre de pays que par leur poids spécifique et par les relations qu’ils entretiennent avec la Russie de Poutine.

La présence de la Chine était importante, ce qui a été mis en doute jusqu’à la dernière minute mais qui s’est ensuite concrétisée avec la participation de l’envoyé spécial pour les affaires eurasiennes Li Hui. Comme le souligne le Guardian, l’implication chinoise représente un « grand succès diplomatique » pour les organisateurs saoudiens, notamment parce qu’elle signale une possible évolution de la position de Pékin, qui n’avait pas pris part au Forum de Copenhague en juin, bien qu’elle y ait été invitée.

S’est également démarquée la présence des trois autres fondateurs des BRICS, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, dont la valeur ajoutée est représentée par les relations cordiales entretenues avec Moscou et par le fait qu’ils n’ont pas rejoint le chœur de la condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine.

Mais les projecteurs étaient surtout braqués sur l’hôte saoudien, un pays qui tente de regagner, par son dynamisme diplomatique, une réputation entachée découlant des violations flagrantes des droits de l’homme et de l’étreinte avec la Russie, un autre géant de l’économie mondiale de la production d’énergie, au sein du groupe OPEP+.

La présence de la Chine au sommet est largement due aux bonnes relations entretenues par Riyad avec Pékin, bien symbolisées par le dégel diplomatique entre l’Arabie saoudite et l’Iran concilié en février par la médiation chinoise.

L’Arabie saoudite a également accueilli le Président Zelensky en mai alors qu’il se rendait au G7 au Japon, une décision qui a été considérée comme un geste apaisant envers l’administration Biden qui avait pris ses fonctions avec l’intention de faire des Saoudiens des « parias » au niveau international.

Ce qui s’est dit à Djeddah

Comme le rapporte l’agence Reuters, selon le chef de cabinet de Zelensky Andriy Yermak, le sommet s’est tenu au nom « d’une conversation extrêmement franche et ouverte… sur les principes clés, sur la base desquels une paix juste et durable devrait être construite ».

Le sujet de la discussion était le plan de paix en dix points du président ukrainien, qui ne prévoit rien de moins que le retrait de tous les soldats russes et la restauration de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays envahi.

A lire : Volodymyr Zelensky: voici le plan de paix en 10 points, il sera présenté le 24 février (anniversaire de l’invasion)

Selon une source ukrainienne approchée par le Guardian, la formule imaginée par Zelensky pour mettre fin au conflit « a reçu plus de soutien qu’à Copenhague ». Comme l’a déclaré le président lui-même à la veille du sommet, le résultat le plus important est donné par le fait que « différents continents (caractérisés par) différentes approches politiques des affaires mondiales (sont) tous unis par la priorité du droit international » et par la conviction que « l’ordre international fondé sur des règles, qui a été violé par l’agression russe, doit être restauré ».

L’accord conclu prévoit que Riyad rapporte les conclusions du sommet aux dirigeants russes : une responsabilité qui, comme le note « Politico », couronne MBS en tant que nouvel homme de paix et médiateur entre les exigences de Kim et celles du Kremlin.

Entre-temps, les ambassadeurs des 40 pays poursuivront les consultations sur les détails techniques en vue d’un troisième sommet, cette fois au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, qui se tiendra d’ici l’automne.

Une évolution chinoise ?

Cependant, la réaction de la Russie, quant à elle, a été tiède mais essentiellement négative. Même avant le sommet, le porte-parole du Kremlin avait tenu des propos manifestement conciliants : « toute tentative de promouvoir un accord mérite une évaluation positive », a déclaré Dmitri Peskov. Mais après la fin du sommet, le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a confié aux médias d’État une déclaration, rapportée par Reuters, dans laquelle il a qualifié la réunion de Djeddah de « reflet de la tentative de l’Occident de poursuivre ses efforts futiles » visant à faire converger les pays du Sud sur leurs positions.

En effet, c’est précisément ce qui semble ressortir des déclarations de l’émissaire chinois Li Hui lorsqu’il a souligné que « nous avons de nombreux désaccords et nous avons entendu des positions différentes, mais il est important que nos principes soient partagés ».

Comme l’a confié une source européenne au Guardian, la Chine n’a pas « ramé » contre Djeddah, mais « a activement participé et s’est déclarée favorable à l’idée d’une troisième réunion ».

Il serait naturellement imprudent de considérer la Chine comme une véritable conversion sur le chemin de Damas, bien que, nombreux sont ceux qui soulignent que Pékin n’entend pas soutenir indéfiniment une guerre qui a déjà troublé les chancelleries ainsi que les eaux de l’économie mondiale.

Comme l’a expliqué l’analyste Step Vaessen, l’Ukraine espère désormais que même les pays qui sont restés jusqu’à présent neutres, comme l’Inde et le Brésil, feront de même.

L’obstacle

Mais si tel est l’espoir, un obstacle de taille demeure et c’est précisément la Russie de Poutine qui n’a aucun intérêt à soutenir ce qui, de son point de vue, équivaudrait à une capitulation.

La délégation brésilienne s’est faite le porte-parole des exigences du Kremlin : « toute véritable négociation doit inclure toutes les parties… bien que l’Ukraine soit la plus grande victime, si nous voulons vraiment la paix, nous devons impliquer Moscou dans ce processus sous une forme ou une autre », a déclaré son chef comme rapporté par «Radio Free Europe-Radio Liberty ».
Il reste donc à prouver que la médiation de MBS peut réellement s’avérer efficace pour franchir un mur aussi haut que l’Oural.

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