Le mystère de l’imam disparu en 1978 à l’origine de la détention d’Hannibal Kadhafi au Liban

0
301

Le sort du quatrième fils de l’ancien raïs revient au centre des débats après la rencontre à Téhéran entre le ministre des affaires étrangères de l’Iran et son homologue du gouvernement d’union nationale libyen

Le sort d’Hannibal Kadhafi, quatrième fils de l’ancien raïs libyen Mouammar Kadhafi, revient au centre des débats après la rencontre à Téhéran entre le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, Hossein Amir-Abdollahian, et son homologue du gouvernement d’union nationale (GUN) de Libye, Najla el Mangoush, comme rapporté par l’agence «Nova News». En effet, suite à cette visite, le ministère libyen de la Justice a appelé aujourd’hui les autorités libanaises à mettre un terme à la «tragédie» d’Hannibal Kadhafi et à coopérer pour résoudre ce dossier. Le ministère libyen a également annoncé avoir chargé le sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères et la commission formée, de suivre l’affaire et d’adopter les mesures nécessaires pour connaître l’état de santé du fils de Kadhafi. De son côté, le 24 juillet, Hannibal Kadhafi avait déclaré : « Les dirigeants libanais ont exigé, en échange de ma libération, des fonds libyens d’un montant de 2 milliards de dollars », ajoutant qu’il poursuivrait sa grève de la faim jusqu’à sa libération et que « la justice libanaise est devenue la risée de tous et est utilisée pour réaliser des intérêts personnels ». Des allégations qui pourraient créer un litige diplomatique entre la Libye et le Liban, un pays qui, par ailleurs, traverse lui aussi une grave crise économique et institutionnelle.

Hannibal Kadhafi, 47 ans, est détenu au Liban depuis 2015. Après la mort de son père en 2011, il s’est réfugié en Syrie où il a été enlevé par des inconnus (selon de sources libanaises, il s’agit de l’ancien député Hassan Yaacoub, le fils du cheikh Mohammad Yaacoub, l’un des hommes disparus en même temps que l’imam Moussa al Sadr, il est accusé d’être derrière le rapt d’Hannibal Kadhafi, Ndlr), espérant ainsi connaître le sort de l’imam Moussa Al-Sadr, le leader chiite irano-libanais disparu en 1978 en Libye. Hannibal a ensuite été libéré par les forces de sécurité libanaises avant d’être incarcéré. Mais selon d’autres versions développées par la presse locale, Hannibal Kadhafi aurait été enlevé alors qu’il se trouvait déjà au Liban. Il est poursuivi par la justice libanaise pour recel présumé d’informations concernant la disparition en septembre 1978 en Libye de l’imam libanais, mais aucun verdict n’a été prononcé à son encontre depuis. Bien qu’il était âgé de trois ans à l’époque des faits, Hannibal Kadhafi est soupçonné par la justice libanaise de détenir des informations au sujet de l’imam Al-Sadr, eu regard de son statut élevé dans la structure du régime dirigé par son père.

En août 2017, le président du parlement, Nabih Berri, leader du mouvement chiite Amal, fondé par Moussa Al-Sadr, avait assuré dans un discours commémoratif que l’imam serait toujours en vie. De son côté, Hannibal Kadhafi a toujours clamé son innocence, soulignant que la disparition d’Al Sadr a eu lieu alors qu’il était encore enfant et que seuls son frère aîné, Saïf al Islam Kadhafi, et l’ancien Premier ministre libyen, Abdel-Salam Jalloud, étaient au courant du dossier, ainsi que le cousin du défunt colonel libyen Mouammar Kadhafi, Ahmed Gaddaf al Dam, qui vit au Caire, et Moussa Koussa, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Kadhafi.

La détention du fils de Kadhafi semble ainsi liée à la disparition de l’imam Moussa al Sadr, cousin du chef du mouvement sadriste irakien, Moqtada Al-Sadr, toujours en conflit ouvert avec le régime des ayatollahs iraniens. La figure particulière de l’imam continue d’intriguer, alors qu’il a disparu en Libye il y a plus de 40 ans : diverses recherches ont en effet été menées sur son histoire mystérieuse et une série de livres ont été écrits. La majorité des recherches se sont concentrées sur la figure charismatique d’Al Sadr et son rôle historique dans la fondation du mouvement Amal, selon le groupe de réflexion israélien spécialisé dans la diplomatie et la politique étrangère, le «Jerusalem Center for Public Affairs». Selon certaines études, les relations d’Al Sadr avec le fondateur de la République islamique d’Iran, l’imam Ayatollah Rouhollah Khomeini, étaient complexes car le fondateur d’Amal n’était pas son partisan enthousiaste et ne le reconnaissait pas comme l’autorité religieuse suprême du monde chiite.
Cela a suscité l’antagonisme parmi les partisans de Khomeiny, y compris le fondateur du Parti républicain islamique, Mohammad Beheshti (un juriste, philosophe, religieux et homme politique iranien, décédé le 28 juin 1981), et un éminent homme politique de la République islamique d’Iran, Jalal al Din Farsi, qui était proche de Kadhafi. Tous deux ont été tenus pour responsables de la mort probable d’Al Sadr, accusé de vouloir éliminer toute possibilité pour l’imam de succéder à Khomeiny. Bien qu’il n’y ait aucune certitude en la matière, certains analystes estiment que les Iraniens auraient donc mis Moussa Al-Sadr hors d’état de nuire avant la révolution islamique de Khomeiny de 1979 et que c’est pour cette raison que Téhéran tente encore aujourd’hui de détourner l’enquête sur son enlèvement présumé.