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Liban: vive tension après l’assassinat de deux jeunes hommes de Becharré. Un troisième dans un état grave

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Liban: vive tension après l’assassinat de deux jeunes hommes de Becharré. Un troisième dans un état grave

(Roma, 01.07.2023). Un premier jeune homme originaire de Becharré, Haïtham Tawq, a été assassiné ce samedi par des inconnus dans la haute montagne de Qornét al-Sawda, une région limitrophe des départements de Becharré et de Denniyeh. Un second, Malek Tawq, a été retrouvé mort par balles, dans le même périmètre, quelques heures plus tard. Un troisième, Mansour Succar, soldat de l’armée libanaise, est très sérieusement atteint. Il serait dans un état grave.

Selon plusieurs sources locales, la première victime, Haïtham Tawq, a été abattue par un sniper, tirant depuis plus de 800 mètres sans doute avec un fusil de haute précision. Quelques heures plus tard, c’est Malek Tawq qui a été touché par une balle explosive tirée par un sniper. Les secours n’ont pas pu y parvenir pour l’évacuer. Il a été héliporté par l’armée. Dans l’après-midi, nous avons appris qu’un troisième, un militaire de l’armée originaire de la même localité de Becharré, Mansour Succar, a été à son tour sérieusement touché. Il a été évacué par l’armée vers un hôpital de Beyrouth et il serait dans un état très grave, voire désespéré.

 D’aucuns craignent une tentative de surfer sur la tension entre les deux régions, Becharré et Denniyeh qui revendiquent, chacune de leur côté, le plus haut sommet du Liban (Qornét al-Sawda), un sommet qui culmine à 3082 mètres d’altitude et qui permet de contrôler la côte méditerranéenne vers l’ouest, les plaines du Akkar vers le nord, et la Békaa vers l’est. A cet égard, il convient de rappeler que la région de Denniyeh, à majorité sunnite, est infiltrée par les « brigades de la résistance », recrutées par le Hezbollah pour noyauter la communauté sunnite, alors que Becharré est la ville natale de Samir Geagea, le chef des Forces Libanaises et qui est le principal obstacle qui empêche le Hezbollah de contrôler tout le Liban. De ce fait, certaines sources rappellent qu’un sniper avait tenté d’assassiner Geagea, depuis une distance similaire, en avril 2014.

En tout état de cause, à la suite des trois meurtres, une vive tension a régné dans divers secteurs de Becharré. L’armée libanaise empêche des jeunes de se venger et en a arrêté cinq. Dans une déclaration, la députée du Bloc parlementaire du parti des Forces libanaises «la République forte», Sétrida Geagea, a dénoncé ces meurtres. Elle a appelé le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, pour lui demander de dépêcher une unité de l’armée dans la zone de manière à faciliter l’ouverture d’une enquête urgente et d’identifier les coupables pour les traduire en justice. «Il s’agit de crimes odieux qui a ont lieu en plein jour, et la solution ne peut être que de rendre justice et de traduire les criminels devant les tribunaux compétents », a-t-elle conclu.

Pour sa part, le député de Tripoli (Nord), le général Achraf Rifi, a appelé le Président du parti des Forces libanaises (FL) Samir Geagea, soulignant la responsabilité des services de renseignement dans la poursuite et l’arrestation du ou des meurtrier(s). Rifi a déclaré avoir convenu avec M. Geagea que « la priorité est que justice soit faite afin d’éviter toute sorte de provocation entre la région de Bécharré et celle de Denniyeh », d’où les deux personnalités sont respectivement originaires. Et d’ajouter : « ce crime est suspect d’autant plus qu’il a été précédé, il y a quelques mois, par le sabotage et la destruction des câbles de la station de ski de Becharré-les Cèdres. Nous craignons donc une provocation orchestrée, et nous assurons nos amis à Becharré que la victime est le martyr de tous les Libanais, et nous appelons, main dans la main, à poursuivre et arrêter le meurtrier ». La lecture des événements et leurs interprétations par Achraf Rifi sont souvent très justes, d’autant plus qu’il fut l’ancien commandant des Forces de sécurité intérieures (FSI) et l’ancien ministre de la Justice.

Pour sa part, le Premier ministre Najib Mikati est entré en contact avec la députée Sétrida Geagea afin de lui assurer que « tout sera fait afin de rendre justice aux victimes ». M. Mikati a condamné cet incident et souligné que les auteurs du meurtre seront poursuivis et arrêtés afin que la loi puisse suivre son cours et servir d’exemple. Et M. Mikati d’insister sur «la nécessité de s’armer de sagesse et de ne se laisser entraîner dans des réactions (…), notamment dans ces circonstances délicates dans lesquelles nous vivons actuellement ».

Mais les promesses n’engageant que ceux qui les croient ; comment les Libanais peuvent-ils accorder le moindre crédit à un Premier ministre démissionnaire, devenu un Premier ministre d’expédition des affaires, et qui avait déjà perdu sa légitimité au lendemain des élections législatives de mai 2022 ! Comment peut-on croire que justice sera faite, alors qu’il est incapable de protéger le juge d’instruction chargé de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth ? « Si le Hezbollah est impliqué, directement ou indirectement, dans ces assassinats de ressortissants de Becharré, il faut oublier l’enquête », ironise avec regret une source de Becharré.

 (Dario S.) Roma