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L’Iran prépare une offensive contre les USA en Syrie, des bombes placées en bord de routes et des raids meurtriers

(Rome, Paris, 04.06.2023). Selon des fichiers classifiés et divulgués sur la plateforme de messagerie « Discord » et analysés par le Washington Post, l’Iran équipe les militants syriens pour une nouvelle phase d’attaques meurtrières contre les troupes américaines stationnées dans le pays.

Nouvelles bombes au bord des routes

Selon les documents révélés (basés sur des communications interceptées de militants syriens et libanais pro-iraniens), Téhéran fournit des bombes de nouvelle technologie aux alliés de Damas, spécialement conçues pour neutraliser les véhicules militaires blindés et cibler directement le personnel militaire américain. Les nouvelles bombes (placées) en bord de route pourraient changer le cours du conflit intermittent en Syrie et ouvrir la voie à une confrontation frontale plus large aux milices mandataires de Téhéran. Jusqu’à présent, les tirs de roquettes et de drones contre les positions américaines en Syrie ont déjà fait plusieurs blessés et causé la mort d’un sous-traitant du département américain de la Défense, comme le rapporte le quotidien «Inside Over».

Ce même type d’arme appelé «explosively formed penetrator» (EFP) a déjà été utilisé par des insurgés pro-iraniens lors d’attaques meurtrières contre des convois militaires américains pendant l’occupation de l’Irak. La fuite a révélé que des tentatives d’attaques à la bombe par un milicien libanais du Hezbollah testant un nouveau modèle d’EFP en Syrie, avaient déjà été enregistrées en janvier. L’engin découvert mesurait moins d’une douzaine de centimètres, et a été évalué comme « très puissant et dissimulable » en raison de sa petite taille et de la charge explosive d’environ 1,5 kilogramme de matière explosive (C-4) qu’il peut contenir. Lors de deux tests, la bombe a réussi à pénétrer le blindage d’un véhicule blindé de plus de 7 centimètres d’épaisseur à une distance de 23 mètres; le document rapporte qu’une troisième tentative a échoué.

Comme le rapporte le Washington Post, les EFP sont une variante sophistiquée des bombes en bordure de route – communément appelées engins explosifs improvisés, ou EEI – qui sont devenues la marque de fabrique de la campagne d’insurrection contre les forces militaires américaines en Irak après l’invasion de mars 2003. Les engins sont normalement actionnés par des capteurs à distance, et utilisent une charge explosive «façonnée» pour lancer un projectile de métal fondu sur une cible à très grande vitesse.

L’un des rapports téléchargés sur Discord détaille une opération menée en février dernier, au cours de laquelle des combattants kurdes ont déjoué une offensive en saisissant trois de ces engins explosifs transportés par un affilié des forces Al-Qods en vue d’une « éventuelle attaque contre les forces américaines » près de Rumeilan, dans le nord-est de la Syrie.

Le Centre conjoint de communication

Un autre rapport contenu dans le dossier décrit un nouveau plan plus large de l’axe Moscou – Téhéran – Damas visant à évincer les États-Unis de Syrie, un objectif de longue date qui permettrait au président syrien de reprendre le contrôle des provinces du nord-est du pays désormais sous le contrôle de groupes kurdes pro-américains. Même après la libération des territoires syriens de l’État islamique, les administrations américaines ont maintenu un contingent de troupes en Syrie, quoique limité – environ 900 hommes, plus quelques centaines de sous-traitants privés – afin d’empêcher une réorganisation des djihadistes et d’endiguer l’influence russe dans la zone.

Les informations diffusées font partie d’un plan général qui prévoit d’alimenter la résistance populaire qui s’oppose à la présence américaine, et de soutenir les mouvements pour attaquer les troupes stationnées dans le nord de la Syrie. Un autre rapport de renseignement datant de janvier avait déjà révélé un accord signé en novembre 2022 par de hauts responsables russes, iraniens et syriens pour la création d’un « centre de coordination » pour diriger cette campagne. Si la volonté russe d’expulser les États-Unis de Syrie était déjà connue, la création d’un centre de coordination conjoint est nouvelle. On peut émettre l’hypothèse que les Russes et les Iraniens s’attendent à ce qu’en cas de succès militaires contre les Américains, ils soient en mesure de maîtriser l’escalade qui s’en suivrait, puisque le Pentagone limiterait probablement les représailles à des attaques directes contre des cibles à l’intérieur de la Syrie. En effet, cela a été la réponse standard sous les administrations Trump et Biden.

De nouveaux scénarios s’ouvrent

Cependant, il convient de garder à l’esprit qu’avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’effondrement du JCPOA (l’accord sur le nucléaire iranien de 2015), la situation est devenue beaucoup plus volatile et le comportement de Téhéran encore plus imprévisible. Dans le même temps, les politiques américaines sont affectées par la nécessité de ne pas donner l’impression de reculer devant Moscou. Il est donc irréaliste d’imaginer que le schéma respecté jusqu’à présent dans les recrudescences périodiques du conflit en Syrie se déroulera dans la nouvelle phase que pourraient inaugurer les EFP et le Centre conjoint de communication.

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