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Russie: de l’attaque au «faux drapeau». Hypothèses et accusations derrière le survol du Kremlin

(Rome, Paris, 03.05.2023). Les drones qui survolent le Kremlin ne font qu’exacerber encore plus les tensions et jettent à ce stade une ombre encore plus sombre sur toute hypothèse de négociations entre Kiev et Moscou (en supposant qu’il y avait encore une lueur d’espoir à ce stade de la guerre).

À l’heure actuelle, il est impossible de dire avec certitude quelle pourrait être l’origine de cette attaque et, en analysant les différentes hypothèses, les scénarios semblent complètement divergents, souligne Lorenzo Vita dans le journal italien «Il Giornale/Inside Over».

La version russe : une attaque ukrainienne contre Poutine

La première hypothèse, qui est celle officielle de la Fédération de Russie, est qu’il s’agit d’une action ukrainienne qui, selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, consiste en un « acte de terrorisme » contre Vladimir Poutine. Le motif serait donc une attaque visant à tuer le président russe ou du moins effrayer la population de la capitale ou le dirigeant lui-même, en exposant au moins l’insuffisance du système de défense du président.

En l’état actuel des connaissances, note Lorenzo Vita, il semble peu probable que deux drones de fabrication ukrainienne aient décollé du territoire ukrainien et atterri directement en plein centre de Moscou. Kiev ne dispose pas officiellement de moyens capables d’atteindre cette distance, et il semble donc envisageable, si la piste ukrainienne se confirmait, la possibilité d’une attaque depuis des zones plus proches voire depuis le territoire de la Fédération.

Peskov a immédiatement évoqué « des actions de représailles de la part de la Russie, lorsqu’elles seront jugées appropriées », tandis que plusieurs députés du parlement russe ont commencé à parler de frapper la résidence et les centres de commandement de Volodymyr Zelensky en réponse à ce qui s’est passé dans la nuit.

Faux drapeau russe : l’hypothèse de certains observateurs

Si la ligne russe est actuellement la plus évidente en surface, à savoir une attaque de l’Ukraine, en revanche les spectres d’autres accusations s’agitent, allant du faux drapeau orchestré par le Kremlin au complot interne.

A lire : Les invasions sous faux drapeau, une «spécialité» russe redoutée par l’Ukraine

Ceux qui spéculent sur un faux drapeau, (en d’autre terme, une opération menée contre soi-même afin de rejeter la responsabilité sur l’ennemi), sont notamment ceux qui pensent que Poutine cherchait un prétexte pour frapper directement le gouvernement et les commandements ukrainiens ou pour élever le niveau du conflit. De nombreux observateurs soulignent que la vidéo, encore à vérifier, mettrait en scène deux hommes soupçonnés d’être en réalité des agents russes chargés de «gérer» l’attaque présumée.

Adhère également à cette ligne l’ancien ministre russe des Affaires étrangères Andreï Kozyrev qui, depuis dix ans se trouve aux États-Unis, souscrit également à cette thèse : il a comparé la tentative d’assassinat de Poutine à l’incendie du Reichstag, l’attentat qu’Adolf Hitler a exploité pour son emprise sur l’Allemagne. Cela pourrait être lié à la réaction soudaine de nombreux partisans de Moscou qui appelleraient désormais à une attaque directe contre Kiev. Même s’il ne faut pas oublier non plus un objectif interne plutôt qu’externe.

Une guerre interne des «partisans» ?

Kiev a pour l’instant nié sa responsabilité mais, selon les dires de ses plus hauts responsables, plutôt que de pencher exclusivement vers une opération sous «faux drapeau» du Kremlin, il émet également l’hypothèse d’un scénario de guérilla interne. Selon cette autre hypothèse, ce ne serait donc pas un groupe ukrainien qui aurait tenté de frapper le palais du pouvoir russe, mais des formations au sein même de la Fédération. Sans surprise, le conseiller présidentiel ukrainien Mykhailo Podolyak a précisé que «le clan de Poutine» ne contrôlait plus la situation.

« Comme vous le savez, les drones peuvent être achetés dans n’importe quel magasin militaire… la perte du pouvoir de contrôle sur le pays par le clan Poutine est évidente. Mais, d’un autre côté, la Russie a parlé à plusieurs reprises de son contrôle total de l’espace aérien. En un mot, il se passe quelque chose en Russie, mais certainement pas de drones ukrainiens sur le Kremlin », lit-on dans l’un de ses messages postés. Anton Gerashchenko, conseiller auprès du ministère de l’Intérieur, partage le même avis, qui écrit : « Des informations sont apparues selon lesquelles le drone au-dessus du Kremlin a été lancé par des partisans russes de la région de Moscou ».

Fragilité interne et guerre intestine

Il est clair qu’à ce stade, Kiev a intérêt à faire passer le message d’une dynamique totalement interne à Moscou pour au moins deux raisons. D’une part, pour éviter d’être tenu pour responsable d’une attaque à laquelle la Russie pourrait certainement répondre avec férocité (les États-Unis ont déjà indiqué qu’ils n’étaient nullement au courant d’une telle action). De l’autre, porter l’attention sur le front intérieur russe pour montrer la fragilité interne de l’ennemi du Kremlin.

Par ailleurs, il n’est pas un mystère qu’il existe au sein de la Fédération des forces et des segments certes capables d’orchestrer une attaque même à plus petite échelle, mais capables de «prévenir» la haute sphère, les autorités militaires ou même le renseignement. En ce sens, à l’heure actuelle, même le scénario de guerre interne ne peut être nié a priori, ce qui n’aurait rien à voir avec une forme de « rébellion civile » contre Poutine, mais plutôt avec un règlement de compte interne. Dans ce cas également, nous avons affaire à des hypothèses au vu de la longue série d’effusion de sang entre les oligarques et les fonctionnaires et de l’évident affrontement entre les mercenaires et les forces armées régulières.

Ce qui est certain, compte tenu de ces hypothèses et de ces scénarios, c’est que la tension entre la Russie et l’Ukraine ne peut qu’être vouée à croître de façon exponentielle dans les prochaines heures.

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