(Rome, Paris, 02.04.2023). Au lendemain de son retour au Vatican, le Pape a présidé la messe des Rameaux place Saint-Pierre. Devant des fidèles brandissant un rameaux d’olivier, François est revenu ce dimanche 2 avril sur l’expérience de Jésus sur la croix pour notre salut: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?». Dans l’expérience de l’éloignement de Dieu, Jésus continue à aimer les siens. Un amour total qui doit pousser ses disciples à se tenir aux côtés des «christs abandonnés» d’aujourd’hui.
30.000 fidèles ont participé à la messe des Rameaux et de la Passion du Christ qui ouvre la Semaine Sainte. Le Pape arrivé place Saint-Pierre dans une jeep blanche a présidé la célébration au lendemain de sa sortie de l’hôpital romain Gemelli où il a été hospitalisé mercredi dernier pour trois jours en raison d’une infection pulmonaire.
Au pied de l’Obélisque, le Pape a béni les 110.000 rameaux d’olivier distribués aux fidèles pour faire mémoire de l’entrée du Christ dans Jérusalem, sous les acclamations de la foule. François a ensuite lu le passage de l’Évangile de Matthieu décrivant cet épisode, avant la procession jusqu’au parvis de la basilique des concélébrants, cardinaux, évêques et prêtres qui avaient en main une branche de palmier tressé en symbole de paix. Le Pape les a rejoints à bord de son véhicule pour le début de la messe.
Les souffrances de Jésus
Son homélie s’est focalisée sur une injonction, la seule prononcée sur la croix par Jésus, qui illustre et conduit les fidèles au cœur de sa Passion, au point culminant de sa souffrance: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?». Une phrase répétée lors du Psaume responsorial (Mt 26, 46).
«Les souffrances de Jésus ont été nombreuses», a rappelé le Pape. Elles ont été physiques, des gifles à la couronne d’épines, jusqu’à la torture de la Croix. Ce furent aussi des souffrances de l’âme avec la trahison de Judas ou les reniements de Pierre, mais «dans toute cette souffrance, il reste à Jésus une certitude: la proximité du Père». Mais voilà que l’impensable se produit, poursuit François.
Jésus fait l’expérience de l’abandon de Dieu
Avant de mourir, Jésus fait l’expérience de la souffrance «la plus déchirante», celle de l’esprit: «À l’heure la plus tragique», alors qu’il voit le ciel fermé, qu’il expérimente «l’amère frontière de la vie, le naufrage de l’existence, l’effondrement de toute certitude», «Lui, le Fils unique et bien-aimé, fait l’expérience de la situation qui Lui était la plus étrangère: l’éloignement de Dieu». Jésus fait l’expérience de l’abandon de Dieu. Preuve que «l’abaissement est extrême», jamais auparavant Jésus n’a appelé le Père par le nom générique de Dieu. En outre, note François, dans les Evangiles de Matthieu et de Marc, la phrase est rapportée en langue originale, en araméen. «Elì, Elì, lemà sabactàni» (Mt 27, 46) Jésus crie « le pourquoi des pourquoi ».
Jésus solidaire avec nous jusqu’à l’extrême
Pourquoi Jésus en est-il arrivé là ? La réponse est unique: il l’a fait pour nous, «solidaire jusqu’à l’extrême», «avec nous jusqu’à la fin» «pour toujours» répond François. Et le Pape précise: «Pour qu’aucun d’entre nous puisse se croire seul et irrécupérable», pour que lorsque «toi» ou «moi» «se voit le dos au mur, perdu dans une impasse, plongé dans l’abîme de l’abandon, aspiré dans le tourbillon des « pourquoi », il y ait l’espérance». En effet, «ce n’est pas la fin, car Jésus est passé par là et il est maintenant avec toi», même dans les moments les plus critiques de désolation, d’abandon ou d’échec, quand les « pourquoi » demeurent sans réponse.
Un amour total qui change les cœurs de pierre
C’est précisément de la souffrance que jaillit l’espérance. Sur la croix, Jésus n’est pas vaincu par le désespoir, il crie son abandon, mais immédiatement après, il se confie, il se remet au Père. Et «il continue à aimer les siens», il pardonne à ceux qui l’ont crucifié. «L’abîme de notre mal, dit le Pape, est plongé dans un amour plus grand, de sorte que toute séparation se transforme en communion, toute distance en proximité, toute obscurité en lumière». En Jésus abandonné, la grandeur de l’amour de Dieu se manifeste, un amour «total» qui peut «transformer nos cœurs de pierre» en les incitant «à le chercher et à l’aimer» dans tous les abandonnés en qui il est présent, comme ce sans-abri mort il y a quelques semaines sous les colonnades de la place Saint-Pierre, rappelle le Pape.
Tant de «christs abandonnés»
Or aujourd’hui, il y a tant de « christs abandonnés », juge-il. François évoque «des peuples entiers exploités et abandonnés à eux-mêmes ; des pauvres dont nous n’avons pas le courage de croiser le regard (…) des migrants qui «n’ont plus de visages mais sont des numéros». Il parle aussi des prisonniers rejetés, des personnes cataloguées comme des problèmes, et tous ces «christs invisibles» rejetés «avec des gants blancs» comme le peuvent être des enfants à naître, «des personnes âgées laissées seules, des malades non visités, des handicapés ignorés», mais aussi des jeunes que personne n’écoute vraiment et qui finissent par se suicider.
Les exclus, des icônes vivantes du Christ à ne pas abandonner
«Jésus abandonné nous demande d’avoir des yeux et un cœur pour les personnes abandonnées», et le Pape souligne que pour les «disciples de l’Abandonné, personne ne peut être marginalisé ou laissé à lui-même» car les rejetés et les exclus sont «des icônes vivantes du Christ» qui rappellent son amour fou, son abandon qui sauve de toute solitude et de toute désolation. Le Pape demande la grâce pour chacun de savoir aimer Jésus dans toute personne abandonnée et reconnaitre «le Seigneur qui crie encore en eux». «Ne laissons pas sa voix se perdre dans le silence assourdissant de l’indifférence», afin de faire nôtres les désirs de Celui qui «s’est dépouillé lui-même pour nous». «Dieu ne nous a pas laissés seuls» aussi «prenons soin de ceux qui sont laissés seuls», conclue François.
Par Marie Duhamel. (Vatican News)