(Rome, Paris, 11.03.2023). Fumée blanche pour la reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Après une longue et difficile négociation, menée dans l’ombre grâce à la direction silencieuse mais décisive de la Chine, les deux pays se sont mis d’accord pour renouer le dialogue et ouvrir leurs ambassades respectives d’ici deux mois.
Pour Pékin, manifestement de plus en plus à l’aise dans la région, il s’agit d’un grand succès diplomatique, le deuxième après les accords commerciaux, énergétiques et politiques conclus bilatéralement avec l’Arabie saoudite dans le cadre de la rencontre à Riyad, qui a eu lieu en décembre dernier, entre Xi Jinping et le prince saoudien Mohammed bin Salman, souligne Federico Giuliani dans les colonnes du quotidien italien «Il Giornale/Inside Over»
Selon la chaîne Al Jazeera, les bases du rapprochement ont été posées après des pourparlers tenus dans la capitale chinoise, Pékin. Rappelons que l’Iran et l’Arabie saoudite n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis début 2016. La crise a été déclenchée par l’exécution du dirigeant chiite Nimr al-Nimr, exécuté dans le royaume du Golfe avec 46 autres personnes. En réponse, l’ambassade saoudienne à Téhéran a été prise d’assaut par une foule en colère. Aujourd’hui, ces tensions semblent n’être que de vieilles rancœurs. D’autres pays du Golfe parmi lesquels les Émirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn avaient par la suite réduit leurs liens diplomatiques avec Téhéran pour soutenir Ryad, soulignent certains médias français.
L’accord entre l’Iran et l’Arabie Saoudite
« A l’issue des pourparlers, l’Iran et l’Arabie saoudite ont convenu de reprendre leurs relations diplomatiques et de rouvrir les ambassades (…) dans un délai de deux mois », a indiqué l’agence de presse iranienne « IRNA ».
Le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, a salué sur Twitter « le retour à des relations normales » entre son pays et l’Arabie saoudite. « Le retour à des relations normales entre Téhéran et Ryad offre de grandes possibilités aux deux pays, à la région et au monde musulman », a-t-il indiqué, ajoutant que son ministère allait « lancer activement d’autres initiatives régionales », sans donner de détails.
Entre-temps, l’agence de presse « Nour News », liée au Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, a publié des photos et des vidéos de la réunion qui s’est déroulée en Chine : les images montrent Ali Shamkhani, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de l’Iran, aux côtés, entre autres, du haut responsable de la diplomatie chinoise, l’ancien ministre des Affaires étrangères Wang Yi.
« Après la mise en œuvre de la décision, les ministres des Affaires étrangères des deux pays se réuniront pour préparer l’échange d’ambassadeurs », rapporte pour sa part la télévision d’Etat iranienne.
L’agence de presse officielle saoudienne SPA a publié une déclaration conjointe de Riyad et de Téhéran, affirmant que les deux pays ont convenu de respecter la souveraineté des États et de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’autre. Enfin, la déclaration indique que les deux nations ont convenu d’activer un accord de coopération en matière de sécurité, signé en 2001.
L’Arabie saoudite a également souligné le rôle du dirigeant chinois Xi Jinping dans l’accueil et le parrainage des pourparlers entre le Royaume et l’Iran, un processus que Riyad a qualifié de crucial visant à « réaliser le désir partagé de résoudre les désaccords entre les parties par le biais du dialogue et de la diplomatie ».
Le rôle de la Chine
La prochaine étape, précise le communiqué conjoint, sera une réunion des ministres des Affaires étrangères des deux pays, qui devront adopter les dispositions nécessaires pour l’échange des ambassadeurs.
Soulignant le respect de la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre, les deux pays ont également convenu de reprendre, comme mentionné, la mise en œuvre de l’accord de coopération en matière de sécurité signé le 1er avril 2001 et la coopération générale signée le 27 mai 1998.
La Chine, qui a accueilli le président iranien Ebrahim Raïssi le mois dernier, est l’un des principaux acheteurs de pétrole saoudien. Xi Jinping, qui vient de remporter un troisième mandat de cinq ans à la tête du pays, s’est rendu à Riyad en décembre pour assister à des réunions avec les pays du Golfe riches en pétrole et cruciaux pour l’approvisionnement énergétique de la Chine.
On ne sait toutefois pas ce que cela signifie pour les États-Unis. Bien que longtemps considérés comme les garants de la sécurité énergétique du Moyen-Orient, a souligné le « Washington Post », les dirigeants régionaux du Moyen-Orient se méfient de plus en plus des intentions de Washington après son retrait chaotique d’Afghanistan en 2021. Pour sa part, la Maison Blanche a « salué » l’annonce de vendredi mais « il reste à voir si l’Iran remplira ses obligations », a déclaré un porte-parole. Dans tout cela, la Chine pourrait combler le vide laissé par les États-Unis ?
L’autre allié de Téhéran, le mouvement chiite libanais Hezbollah, a qualifié l’annonce de vendredi de « bon développement ». Son Secrétaire général Hassan Nasrallah a estimé dans un discours que la reprise de ces relations pourrait « aider » à la résolution des crises « au Liban, en Syrie, au Yémen et dans la région ». En Israël par contre, pays ennemi juré de l’Iran et du Hezbollah, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a jugé que « l’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran (était) un échec total et dangereux de la politique étrangère du gouvernement israélien ».