Le Brésil sous le choc après l’assaut bolsonariste: «notre démocratie est affaiblie»

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(Rome, 09.01.2023). Au lendemain de l’émeute qui a vu des centaines de partisans de Jair Bolsonaro, l’ancien président d’extrême droite, attaquer le siège du pouvoir à Brasilia, plus de 1.200 personnes ont été arrêtées et le gouverneur de la capitale fédérale a été suspendu. Les questions fusent : pourquoi les précautions n’ont-elles pas été prises, alors que la menace était connue ? Pourquoi les mouvements extrémistes n’ont-ils pas été démantelés ?

Au lendemain de l’attaque menée, dimanche 8 janvier, par des centaines de partisans de l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro contre le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême fédérale, dans la capitale Brasília, le pays de 215 millions d’habitants cherche à comprendre comment cette prise d’assaut des institutions a pu avoir lieu. Voilà plusieurs jours que des électeurs déçus du dirigeant d’extrême droite, battu le 30 octobre par son adversaire de gauche Luiz Inácio Lula da Silva, préparaient sur les réseaux sociaux une grande manifestation dans la capitale brésilienne, une semaine après l’investiture du nouveau chef d’État. De quoi inquiéter le nouveau pouvoir, qui avait demandé au gouverneur du district fédéral de Brasília, Ibaneis Rocha, un renforcement de la sécurité aux abords des bâtiments, vides en ce dimanche d’été austral.

«Les autorités locales savaient mais n’ont pas pris les mesures»

C’est pourtant avec une facilité déconcertante que les manifestants, venus de tout le pays à bord d’une centaine de bus, ont pu forcer les cordons de sécurité de la police militaire du district fédéral et s’introduire dans les édifices. Pendant près de quatre heures, ils s’y sont livrés à des actes de vandalisme, avant que les forces de l’ordre ne reprennent finalement le contrôle des lieux. «Dans les messages échangés entre les bolsonaristes, il était clair que la manifestation ne serait pas pacifique. Leur objectif était de porter atteinte aux symboles de la République, assure le politologue Paulo Baía, de l’Université fédérale de Rio de Janeiro. ​Les autorités locales le savaient mais n’ont pas pris les mesures nécessaires».

Le gouverneur de Brasilia «négligent, voire complice»

Responsable des forces policières du district fédéral, Ibaneis Rocha, qui avait soutenu Bolsonaro pendant la campagne électorale, a été suspendu de son poste pour trois mois par un juge de la Cour suprême. «Il s’agit d’une excellente décision, car il a fait preuve de négligence, voire de complicité»​, estime Paulo Baía. Dans la foulée, le président Lula a décrété l’administration directe par le pouvoir fédéral des forces de l’ordre de la capitale, afin de reprendre en main la sécurité de la ville.

Plusieurs heures après l’attaque, Jair Bolsonaro, qui s’est envolé vers les États-Unis le 29 décembre, deux jours avant la fin de son mandat, a posté une série de tweets, dans laquelle il a condamné sans grande fermeté les émeutes, tout en rejetant les «accusations sans preuve» ​de son successeur Lula, pour qui il aurait encouragé les violences. «Pendant tout son mandat, Bolsonaro a adopté la rhétorique de ses électeurs les plus radicaux, qui soutenaient l’idée d’un putsch militaire. Il a construit un climat qui stimule les comportements de Brasília» ​souligne Lucio Renno, professeur de sciences politiques à l’Université de Brasília. «Il en est responsable, même de manière indirecte».

Plus de 1.200 arrestations

Dans la journée de lundi, les autorités ont démantelé plusieurs campements de partisans radicaux de l’ex-président, installés depuis sa défaite devant plusieurs casernes militaires du pays et notamment devant le QG de l’armée à Brasília, d’où est partie la manifestation. Dans la matinée, 1.200 personnes avaient déjà été arrêtées. «Même si la réponse de l’État est à la hauteur des événements, notre démocratie en sort affaiblie, car ces groupes fascistes auraient dû être démantelés depuis longtemps»​, regrette João Daniel, professeur de relations internationales de l’Université catholique de Rio. Un point de vue partagé par Lucio Renno : «Si les institutions avaient bien fonctionné, cette attaque n’aurait jamais eu lieu. Désormais, l’État doit prendre des mesures sévères pour décourager ces bolsonaristes radicaux, sans quoi de nouvelles violences politiques risquent d’éclater».

Par Morgann JEZEQUEL. (Ouest-France)