Conférence Bagdad II: la situation de l’Irak au cœur du sommet de Jordanie

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(Rome, Paris, 20 décembre 2022). L’Irak, ses voisins, les pays du Golfe, l’Égypte et la France se sont réunis ce mardi 20 décembre en Jordanie lors d’un sommet régional pour aider l’Irak à se reconstruire après près de deux décennies de guerre. L’objectif est de renforcer les institutions étatiques, développer l’économie du pays afin de le rendre plus stable.

Sur le papier, les pays présents au sommet qui s’est tenu en Jordanie, mardi 20 décembre, ont affiché une convergence de point de vue. Mais chacun a aussi réaffirmé ses propres intérêts. Quelques mots sont revenus avec insistance dans les différentes prises de parole : un appel à la stabilité de l’Irak, sa sécurité et la nécessité de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État.

« L’Irak est le théâtre d’influences, d’incursions », a regretté le président français, Emmanuel Macron. « L’Irak rejette toute […] agression contre son territoire », a pour sa part souligné le Premier ministre irakien, Mohamed Shia Al Soudani.

La Turquie et l’Iran campent sur leur position

La déclaration finale de la conférence réaffirme un « soutien […] à la souveraineté » irakienne. Elle souligne aussi la nécessité d’établir « des liens régionaux constructifs sur la base du bon voisinage et la non-intervention dans les affaires intérieures des États ». En parole et sur le papier, l’engagement est là.

Mais s’ils ne sont pas cités, ce sont bien la Turquie et l’Iran qui étaient visés. Les deux pays mènent des opérations militaires contre des groupes kurdes dans le nord de l’Irak. Et Ankara et Téhéran n’ont pas pris d’engagement sur le respect de l’intégrité territoriale irakienne : « nous devons mettre fin au terrorisme dans la région », a répondu l’ambassadeur turc en Jordanie, en référence aux activités du PKK, un groupe kurde turc, dans le nord de l’Irak. Une position en deçà des attentes des organisateurs de cette conférence et la ministre française des Affaires étrangères a évoqué la possibilité de « sanctions ».

L’Iran tente de s’imposer dans les discussions

De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères avait indiqué son souhait de remettre les négociations sur le programme nucléaire de son pays sur la table avant même son arrivée en Jordanie. Hossein Amirabdollahian l’a donc fait ici en Jordanie : mardi matin, lors d’un entretien avec le chef de la diplomatie européenne, puis dans l’après-midi, lors de son intervention à la conférence. « On ne peut pas marginaliser des pays », a-t-il déclaré, disant souhaiter un « accord fort et durable » mais qui « respecte les lignes rouges » de son pays.

Mais la relation des pays européens avec l’Iran a changé. La répression du mouvement actuel de protestation dans le pays a fait plus de 400 morts. Et les divergences de point de vue se sont fait sentir. La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a rappelé à son homologue iranien la position de Paris. «Je lui ai parlé brièvement dans la salle du sommet pour lui demander à nouveau la libération des otages qui sont détenus par l’Iran et le plein respect du droit international tant pour ce qui a trait au droit civil et politique que pour la non-ingérence dans les affaires d’autrui».

Une non-ingérence en Irak, mais qui vaut aussi pour l’Ukraine, a souligné Catherine Colonna, demandant à l’Iran de cesser ses livraisons de drones à l’armée russe. Les sujets de discorde entre la France et l’Iran dépassent le seul cadre du Moyen-Orient.

Par Guilhem Delteil. (Radio France Internationale)