La nouvelle stratégie de la Russie passe par la guerre culturelle

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(Paris, Rome, 18 décembre 2022). Pour combiner une guerre culturelle totale avec la vraie guerre, menée à coups de mitrailleuses et de missiles, sur le territoire ukrainien, la Russie tente, simultanément, d’activer ses puissances dures et douces (hard & soft power) pour donner vie à une nouvelle, une énième stratégie à appliquer dans le bras de fer avec le bloc occidental.

Si la puissance dure (hard power) de Moscou est bien visible dans les multiples raids crachés sur Kiev, sa puissance douce (soft power), à partir du 24 février, a fait un important effort pour s’affirmer dans le débat public international. La persuasion russe a, dès le départ, été qualifiée de propagande. Une dangereuse propagande ennemie, qui n’est d’ailleurs restée active qu’au sein d’enceintes intellectuelles très restreintes et limitées, trop réduites pour que le Kremlin puisse s’appuyer sur elle pour réorienter le récit du conflit en sa faveur, met ainsi au clair Federico Giuliani dans le journal italien «Il Giornale/Inside Over».

C’est pourquoi, d’ici les prochaines semaines, la Fédération de Russie pourrait amplifier ses messages. Lesquels ? Le fait, a souligné par exemple le Wall Street Journal, que seule la Russie est capable de sauver le monde de la « dégénérescence morale » et de la « décadence de l’Occident ».

Défi culturel

Autrement dit, en jouant sur des aspects et des concepts qui divisent l’opinion publique occidentale, la Russie veut se présenter aux yeux des citoyens européens et américains comme la seule bouée de sauvetage pour « l’Occident dégénéré ». C’est ainsi que les médias russes parlent une fois de plus du suicide de la civilisation occidentale, des « écoles américaines qui enseignent aux enfants de première année qu’il y a 72 sexes différents » (citation de Viktor Bout, un marchand d’armes russe devenu une sorte de héros dans l’ombre du Kremlin) et d’autres critiques socioculturelles qui détruiraient prétendument les « valeurs traditionnelles ».

La vision russe, entre autres, a récemment trouvé partiellement un espace dans une loi élaborée par le Kremlin qui vise à réprimer les « relations sexuelles non traditionnelles » et à promouvoir les familles patriotiques et religieuses avec plus d’enfants, sous la houlette de l’Église orthodoxe.

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Dans cette bataille culturelle, il va sans dire que la Russie doit jouer le rôle de rempart des « valeurs traditionnelles » ainsi que de sauveur de l’humanité. Le décret très cité de Vladimir Poutine sur les relations sexuelles non traditionnelles a été rendu nécessaire par la « crise mondiale de la civilisation et des valeurs qui conduit l’humanité à perdre ses repères spirituels et éthiques traditionnels et ses principes moraux ».

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En insérant la Russie dans les clivages idéologiques des États-Unis et d’autres sociétés occidentales, Poutine entend affaiblir la détermination et l’unité de l’Occident. « Ce qu’il veut faire, c’est alimenter autant de guerres culturelles que possible », a déclaré Fiona Hill, spécialiste de la Russie à la Brookings Institution.

La justification idéologique de Moscou

Poutine a longtemps cherché à devenir le leader du monde conservateur. Et ce n’est pas un hasard si, pendant plus d’une décennie, et bien avant la guerre en Ukraine, le Kremlin tente de construire des ponts plus ou moins résistants avec les mouvements d’extrême droite en Europe et avec des factions du Parti républicain aux États-Unis. Tout en conservant les sympathies de l’extrême gauche mondiale, et c’est un aspect curieux, qui voit encore aujourd’hui le gouvernement de Poutine comme le successeur de la lutte soviétique contre la domination mondiale américaine.

L’Union soviétique n’est pas une référence jetée dans le vide. Tout comme l’URSS invoquait le langage marxiste-léniniste de la lutte des classes et de l’égalité sociale pour justifier ses desseins impériaux, la Russie d’aujourd’hui s’appuie sur des concepts et des valeurs conservatrices pensant avoir trouvé une nouvelle idéologie pour justifier ses objectifs.

En d’autres termes, Moscou est à la recherche d’une légitimation idéologique et culturelle qui lui permettrait de recueillir une certaine sympathie internationale pour son «opération militaire spéciale» en Ukraine.