La Russie va entériner demain l’annexion des territoires ukrainiens

0
261

(Paris, 29 septembre 2022). Le président russe Vladimir Poutine a pris sa décision : demain, à 14 heures, heure italienne, l’annexion à la Russie des territoires ukrainiens occupés, sera officialisée. Cela a été annoncé par le porte-parole du Kremlin lui-même, Dmitry Peskov. Comme l’a rapporté l’agence de presse russe Ria Novosti, Peskov a déclaré aux journalistes que la signature de l’annexion aura lieu lors d’une cérémonie au Kremlin, dans la salle Saint-Georges, avec un discours prononcé par Poutine. Un format que le porte-parole du président a lui-même qualifié comme « différent » de ce qui était envisagé : à savoir le message du président à l’Assemblée fédérale. Un message qui semble-t-il, n’interviendra que plus tard.

En marge de la cérémonie (du moins selon le programme qui commence à être connu des agences russes) Poutine rencontrera les chefs des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Louhansk, et les dirigeants des nouvelles réalités de Kherson et Zaporijzhia. Une manière qui semble souligner la personnalisation de la guerre par le chef du Kremlin, qui voit dans ce geste formel aussi une concrétisation de sa gestion du conflit après des semaines au cours desquelles l’opinion publique est apparue de moins en moins convaincue de la soi-disant « opération militaire spéciale » et où les « faucons » espéraient un tournant encore plus violent et massif de l’invasion.

Lorenzo Vita, dans les colonnes du quotidien italien «Il Giornale/Inside Over», nous apprend que l’Union européenne a déjà été particulièrement claire sur ce point. « Nous n’acceptons pas les référendums fictifs et nous n’accepterons jamais l’annexion des territoires ukrainiens occupés. Nous avons déjà annoncé le nouveau paquet de sanctions en raison de ces référendums », a déclaré la porte-parole de la Commission européenne, Dana Spinant. Et sur cette ligne se trouvent tous les pays membres de l’UE mais aussi ceux de l’Alliance atlantique.

Si l’absence de reconnaissance par la communauté internationale est un élément tenu pour acquis, tant du point de vue politique que de celui du droit international, ce qui est pertinent à l’heure actuelle, est l’importance substantielle (et stratégique) de cette annexion fortement souhaitée par Poutine.

Sur ce point, il est important de souligner au moins deux aspects. Le premier est de nature militaire. Étant donné que, du côté russe, ces territoires ne seront plus officiellement considérés comme ukrainiens ou indépendants, cela implique que toute attaque contre ces zones sera automatiquement considérée comme une attaque contre la Fédération de Russie. La conséquence la plus directe de ce point est le risque que Poutine ne puisse justifier une réaction même disproportionnée à l’attaque, simplement parce que la Russie elle-même serait touchée. La doctrine stratégique de Moscou, et en particulier celle nucléaire, est sur ce point assez tranchée et laisse une certaine marge de manœuvre quant à l’interprétation de ce type d’éventualité. Et il est clair qu’une menace directe à la sécurité de la Fédération (hypothèse envisagée par la doctrine) pourrait être une condition suffisante pour une nouvelle escalade de nature militaire. Jusqu’à même l’hypothèse lointaine, mais encore terriblement d’actualité dans la communication, de l’utilisation d’une arme nucléaire.

Selon certains médias occidentaux, l’annexion annoncée des territoires ukrainiens marque une escalade dans l’offensive de la Russie en Ukraine. Plusieurs responsables et commentateurs russes ont en effet affirmé qu’une fois ces territoires annexés et considérés par Moscou comme faisant partie de son territoire, la Russie pourrait utiliser l’arme nucléaire pour les «défendre». Le deuxième élément à prendre en considération est l’interprétation différente que l’on peut donner à cette nouvelle évolution de l’invasion, qui est passée de la reconnaissance de l’autonomie (fictive) des républiques populaires autoproclamées, aux référendums d’annexion à la Russie. Le revirement politique, combiné à la mobilisation partielle des troupes et à la fermeture des frontières visant à empêcher la fuite des insoumis, est lu par de nombreux analystes occidentaux comme un signe de faiblesse de Poutine. Ce qui se passe sur le front ne serait nullement positif pour Moscou, et pour cette raison, disent les experts, le chef du Kremlin joue un jeu plus propagandiste que concret, ce qui révèle en fait une nature « conservatrice ». Le front ne peut pas avancer et la contre-offensive ukrainienne à Kharkiv aurait essentiellement éliminé les perspectives d’une nouvelle poussée des forces russes vers l’ouest. Même la mobilisation de centaines de milliers d’hommes (Sergueï Choïgou, ministre de la Défense, a parlé de 300.000 conscrits mais l’impression est que ce chiffre est inférieur à la réalité) apparaît comme une preuve supplémentaire des pertes subies par les forces russes depuis le début de l’invasion.

En revanche, le point de vue du Kremlin semble certainement différent : ce que Poutine continue de considérer comme une « opération militaire spéciale » avait et a pour objectif principal la libération du Donbass et d’autres zones qui tendent à se confondre avec la « Nouvelle Russie ». L’annexion serait donc le premier signe d’un objectif atteint : ce qui, vu le déroulement de la guerre, pourrait aussi être le résultat d’une accélération politique pour dire que nous sommes prêts (plus ou moins secrètement) à négocier.

En outre, comme le souligne également le quotidien italien «Corriere della Sera», en juin, le président russe lui-même avait réduit les perspectives de l’attaque en déclarant que « l’objectif final était fixé dans la libération du Donbass, dans la défense de ses populations et dans la création de conditions qui garantiraient la sécurité de la Russie elle-même ». Avec la signature de demain, le premier point de ce « programme » de guerre de Poutine serait atteint et peut-être le second aussi. Sur le troisième, en revanche, tout dépendra des négociations avec l’Occident. Mais force est de constater qu’en ce moment il semble difficile pour l’OTAN de céder aux demandes de « garanties de sécurité » formulées par Poutine et son gouvernement avant même l’invasion.