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Le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale: «diffuser la culture du dialogue interreligieux»

(Paris, 20 août 2022). Mohammad bin Abdelkarim al Issa, dans une interview accordée à l’agence italienne «Nova» parle du travail effectué ces dernières années visant à faire face aux idéologies extrémistes propagées par l’État islamique et Al-Qaïda

Le dialogue rapproche les gens, renforce l’amour et révèle des vérités, éliminant les malentendus, a ainsi déclaré à l’agence italienne «Nova», le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM, une ONG musulmane fondée en 1962 à La Mecque par le prince Fayçal d’Arabie saoudite, en opposition à la Ligue arabe de Nasser. Elle a un statut d’observateur à l’Organisation des Nations unies, ndlr), ancien ministre de la Justice d’Arabie saoudite, Mohammad bin Abdelkarim al Issa, qui se trouve actuellement en Italie pour participer au « Meeting pour l’amitié entre les peuples » à Rimini, où il prendra la parole demain. Largement reconnu comme l’une des voix les plus influentes de l’islam modéré dans le monde, Al Issa dirige la Ligue islamique mondiale depuis août 2016, une organisation non gouvernementale basée à La Mecque qui représente les adeptes de la foi islamique dans le monde entier. Ces dernières années, Al Issa a été un pionnier dans l’établissement de nouvelles relations entre différentes communautés, confessions et nations, s’engageant activement dans la lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie et l’incitation à la haine, rencontrant des personnalités éminentes du monde religieux, dont le Souverain pontife François.

Dans l’interview accordée à «Nova», Al Issa aborde l’importance du dialogue entre les personnes de différentes confessions dans un monde de plus en plus caractérisé par le pluralisme religieux au sein des pays et des communautés, soulignant la nécessité de diffuser « une culture » du dialogue. « La diffusion de la culture du dialogue découle d’un certain nombre de facteurs qui visent à renforcer cette culture par des initiatives au niveau gouvernemental et dans l’éducation des jeunes. Certains pays ont déjà formé des institutions pour diffuser la culture du dialogue et il existe dans le monde des centres dédiés au dialogue interreligieux », explique Al Issa. « Il ne fait aucun doute que la famille a une responsabilité dans la formation des enfants, ouverts d’esprit et conscients de l’importance du dialogue et du respect de l’autre », observe le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, selon qui un autre pilier est représenté par l’éducation qui doit travailler sur deux aspects : la qualité des programmes d’études et celle des enseignants. Pour Al Issa il est également important d’établir des plateformes de dialogue virtuelles dédiées aux étudiants. « Les élèves ont besoin d’être formés au dialogue à toutes les étapes de leur scolarité », souligne le secrétaire général de la LIM. « Sans aucun doute, le dialogue entre les individus est très important, mais nous avons besoin d’une prise de conscience des règles, des vertus et des circonstances du dialogue, sinon nous aurons une confrontation et non un dialogue. Nous avons besoin d’un dialogue civilisé dans lequel chacun respecte l’autre. Le dialogue rapproche les gens, renforce l’amour et révèle des vérités, en supprimant les malentendus. Par conséquent, dans le dialogue, de nombreux aspects mutuels sont découverts et les malentendus sont levés », explique Al Issa.

Dans l’interview, Al Issa décrit certaines des initiatives récemment promues par la Ligue islamique mondiale, notamment « le Forum sur les valeurs communes parmi les adeptes des religions » qui s’est tenu le 11 mai dans la capitale saoudienne Riyad et auquel ont participé les représentants de 88 pays. Le Forum a reçu le soutien du Vatican, des dirigeants d’églises évangéliques, des rabbins internationalement reconnus et d’autres personnalités éminentes, notamment : le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin ; le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée 1er ; l’archevêque de l’Église orthodoxe ukrainienne, Ivan Zoria ; le président du Congrès des dirigeants chrétiens, Johnnie Moore Jr. Parmi les participants à l’événement figuraient également des représentants de l’hindouisme et du bouddhisme. « Les rencontres entre les leaders de diverses religions organisées dans le monde musulman, comme celle de Riyad, sont des événements qui renforcent la coalition pour un dialogue commun », déclare Al Issa, expliquant que « le Forum de Riyad confirme la nécessité de construire des ponts de dialogue entre les différentes cultures ». Le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale met en lumière certaines des conclusions et recommandations incluses dans la déclaration finale de l’événement de Riyad et approuvées par tous les participants. Les recommandations comprennent le lancement d’un événement mondial appelé « Forum de la diplomatie religieuse pour la construction de ponts », une invitation à l’Assemblée générale des Nations Unies à proclamer une journée internationale des « valeurs humaines communes » et le lancement de plans visant à rédiger une « Encyclopédie des valeurs humaines communes » sur laquelle travailleront des représentants de toutes les religions. Al Issa rappelle également que lors du Forum, les participants ont souligné l’importance de prendre en compte les différences propres à chaque religion et culture, la considérant comme un « fait humain qui doit être respecté ».

Mohammad Al Issa souligne également le travail accompli par la Ligue islamique mondiale pour faire face aux idéologies extrémistes propagées par Daech (acronyme en arabe de l’État islamique d’Irak et du Levant -داعش) et par Al-Qaïda. « Nous luttons contre les idées de Daech avec d’autres idées. Daech a des idéologies qu’il veut diffuser auprès des jeunes du monde musulman. Nous confrontons ces idées, clarifions leurs inexactitudes et révélons la vérité. La lutte contre l’idéologie commence par les racines, et éradiquer ces racines idéologiques est très important », explique Al Issa. « Nous pensons que Daech et Al-Qaïda ont beaucoup perdu dans ce défi », a ajouté le secrétaire général de la LIM, selon qui les deux groupes terroristes se sont attirés la sympathie de nombreux jeunes « qui ne sont pas au courant des vérités religieuses, faisant appel à l’émotion religieuse ».

Al Issa rappelle que la moitié des militants de Daech viennent de pays européens, ce qui constitue un « nombre énorme ». Dans ce contexte, selon lui, il est nécessaire de « protéger ces personnes aux idées justes ». L’islam politique, ajoute-t-il, « représente un dilemme essentiel dans la pensée des jeunes musulmans ». En effet, « la religion ne peut être limitée à des fins politiques étroites. Dieu a créé la religion comme une miséricorde pour le monde entier, et non pour des raisons politiques ou des chocs de culture et de civilisation. Il n’a pas créé la religion pour inciter à l’envie, à la haine et à la violence ». En ce sens, Al Issa rappelle l’importance historique de la « Charte de la Mecque », le document signé en 2019 par plus de 1.200 muftis et chefs religieux de 139 pays. « Tout le monde a signé. C’était un événement qui ne s’était jamais produit dans le monde musulman », souligne Al Issa, rappelant l’événement important promu par la Ligue islamique mondiale. « Dans cette réunion, il y avait aussi des religieux et des théologiens très conservateurs. J’avais quelques craintes, mais eux aussi ont accepté la charte de La Mecque. C’était une victoire pour nous », déclare Al Issa. Un autre point historique de la « Charte de La Mecque » était la participation non seulement des sunnites, mais des 27 écoles de pensée de l’islam, y compris les chiites. « Plus de 4.500 intellectuels musulmans ont assisté à l’événement. Les plus grands amphithéâtres de la Mecque ne pouvaient pas accueillir tout ce monde. Ce qui est encore étonnant à propos de cette Charte, c’est que d’autres religions l’ont accueillie et soutenue », affirme Al Issa.

En septembre 2017, le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale a rencontré le Pape François et le regretté cardinal Jean-Louis Tauran, alors président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, au Vatican. Concernant la relation entre la Ligue islamique mondiale et l’Église catholique, Al Issa déclare : « Nous sommes très amis avec le Vatican. Nous sommes d’accord avec eux sur tous les points de vue concernant la paix. Nous apprécions tous les efforts déployés par le Pape. François est très aimé dans le monde musulman et nous prions pour qu’il ait une longue vie ». Concernant sa participation au Meeting de l’amitié entre les peuples, Al Issa précise que son discours portera sur la présentation de l’essai « Le sens religieux » écrit en 1986 par le défunt fondateur du mouvement Communion et Libération, le père Luigi Giussani, « prêtre Catholique et intellectuel de grande envergure qui a réconcilié la spiritualité avec la raison ». « Ce livre – ajoute-t-il – n’est pas seulement considéré comme un texte religieux, mais comme un livre humain et exprime cette pensée profonde de l’auteur ».

En réponse à la question sur la possibilité d’une réconciliation entre l’Iran (principal promoteur de l’islam chiite) et des pays sunnites comme l’Arabie saoudite qui pourra enfin mettre fin aux tensions et conflits régionaux, notamment la guerre au Yémen, Al Issa a souligné : « La LIM ne représente pas la politique, nous parlons de paix, un de nos objectifs est de répandre la paix. Si le sectarisme religieux prend fin, tout est résolu. Le conflit réside dans le sectarisme, ou plutôt dans l’utilisation de la religion pour d’autres fins politiques et économiques, visant à imposer une autorité ou un pouvoir, pour s’étendre, pour répandre les idées religieuses avec les armes et la peur ». Al Issa ajoute : « En tant que citoyen saoudien, et non en tant que secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, je veux dire que l’Arabie saoudite est un pays pacifique. Il aspire à la paix mondiale et la longue histoire du Royaume le confirme. Quant à la guerre au Yémen, nous assistons à un coup d’État contre le gouvernement légitime par une secte religieuse qui voulait gouverner par la force appuyée par des puissances extérieures. Là aussi, la motivation est à chercher dans le sectarisme religieux. Elle a menacé tous les pays voisins et le gouvernement reconnu a demandé l’aide de la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite ne veut pas la guerre, aucun pays pacifique ne veut la guerre. L’Arabie saoudite est favorable à toute initiative de paix et la soutient ».

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