Hadi Matar, l’itinéraire de l’assaillant qui a voulu tuer Salman Rushdie

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Hadi Matar a été inspiré par le régime iranien mais refuse de dire s’il a agi selon la fatwa prononcée par l’ayatollah Khomeini contre le romancier Salman Rushdie.

« Quand j’ai entendu qu’il avait survécu, j’étais étonné ». Le dessein meurtrier de l’homme qui a poignardé l’écrivain Salman Rushdie ne fait guère de doute et surgit implacablement et froidement dans les colonnes du New York Post. Le quotidien américain est parvenu à contacter en prison, Hadi Matar, principal suspect de l’attaque au couteau sur le romancier survenue lors d’une conférence à New York, vendredi 12 août. Poignardé à dix reprises au cou et à l’abdomen, Salman Rushdie avait été évacué en hélicoptère vers un hôpital instantanément. Son agent a précisé qu’il était sur « la voie du rétablissement », dimanche.

Son agresseur, 24 ans, né aux Etats-Unis et d’origine libanaise, a été arrêté au moment de l’attaque et si sa culpabilité ne se dément pas, il a plaidé non coupable. Hadi Matar est inculpé pour agression et tentative de meurtre. Il était arrivé la veille de la tentative de meurtre, muni d’un faux document d’identité après avoir emprunté le bus à Chautauqua depuis le New Jersey. Il avait pris connaissance de la tenue de la conférence de Salman Rushdie sur le réseau social Twitter. Il s’était renseigné sur les textes de Salman Rushdie, quelques mois plus tôt, en regardant des vidéos de ses discours qu’il avait trouvés « hypocrites ».

Hadi Matar affirme au New York Post avoir lu « quelques pages » des « Versets sataniques », roman publié en 1988 qui vaut à Salman Rushdie d’être sous la menace d’une fatwa lancée par l’ayatollah Khomeini, guide suprême de la Révolution islamique en Iran. Si Matar n’a pas voulu préciser aux journalistes américains s’il avait agi selon le décret prononçant la peine de mort du conteur, il a toutefois voulu afficher son attachement à la figure de Khomeini : « J’ai de l’estime pour l’ayatollah. Je pense que c’est quelqu’un de remarquable. C’est tout ce que je dirais à ce propos ». Sa fascination pour le régime iranien est désormais au cœur de sa comparution devant la justice.

Obsession pour l’Iran

L’auteur de l’agression a laissé derrière lui suffisamment de d’éléments pour le rattacher à l’ennemi (numéro) un des Etats-Unis. Sa page Facebook regorgeait de références aux Gardiens de la révolution, le groupe paramilitaire répondant directement au leader iranien. Des clichés de figures incontournables de la Révolution islamique, dont l’ayatollah Khomeini, inondaient son mur. Il s’était fabriqué un permis de conduire au nom de Hassan Moghniyeh, une référence directe à Imad Moghniyeh, cofondateur du parti politique et paramilitaire chiite Hezbollah, tué en 2008 à Damas.

Si les autorités iraniennes démentent tout lien avec Hadi Matar, la mère du jeune homme affirme que son fils s’était transformé au retour d’un voyage au Liban, où il aurait pu rencontrer des dignitaires du Hezbollah, milice proche du régime iranien. « Je m’attendais à ce qu’il revienne motivé, qu’il termine ses études, qu’il obtienne son diplôme et un emploi. Mais à la place, il s’est enfermé au sous-sol. Il avait beaucoup changé, il ne m’a rien dit ni à ses sœurs pendant des mois », a-t-elle raconté au Daily Mail. Elle décrit un homme qui vit la nuit, replié sur son ordinateur, sans qu’il n’adresse la parole à sa mère. Il lui reprochait de ne pas lui prodiguer une éducation musulmane stricte.

D’après les autorités américaines, les préceptes de la société iranienne ont influencé la destinée du jeune homme : « Les institutions de l’Etat iranien incitent à la violence contre Monsieur Rushdie depuis des générations, et les médias affiliés à l’Etat se sont récemment réjouis de la tentative d’assassinat dont il a été victime », a réagi le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. La presse iranienne présente Hadi Matar davantage comme « un loup solitaire ». Au New York Post, l’assaillant s’est contenté d’expliquer son geste par son ressentiment à l’égard du lauréat du Booker Prize : « Je n’aime pas cette personne. Je ne pense pas qu’il soit un homme bien. C’est quelqu’un qui a attaqué l’Islam ». Salman Rushdie n’est pour l’heure pas sorti d’hôpital.

(L’Express)