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De Trump à Poutine, les fractures de l’internationale populiste

(Rome, Paris, 12 août 2022). En raison des relations entre Trump et la Russie de Poutine, les enquêtes contre l’ancien président en cours aux États-Unis pourraient avoir des effets imprévisibles sur l’internationale populiste européenne, qui, de l’Italie à la France, en passant par la Hongrie, l’Espagne et la Serbie, est chapeautée par Moscou

«Impeachment» plus grave que vous ne pouvez l’imaginer pour Donald Trump. L’intervention convergente de diverses enquêtes lancées par le ministère de la Justice, le FBI et le Congrès américain esquissent l’existence de preuves concrètes, explique Gianfranco D’Anna, dans les colonnes du média italien «Formiche».

Déjà considéré comme un dangereux «accident» de l’histoire, le contexte de la probable sortie définitive de Trump – hormis les rebondissements prévisibles de l’ancien président – souligne à quel point son séjour à la Maison Blanche a bouleversé et mis en péril la structure statutaire constitutionnelle de la démocratie américaine, notamment en ce qui concerne la sécurité nationale des États-Unis.

Alors que le ministère de la Justice et le Congrès démasquent toutes les initiatives subversives et criminelles non encore avouées de Trump, de ses liens avec le Kremlin à l’assaut contre le Capitole, en passant par l’évasion fiscale, le rideau politique sur sa « carrière » de leader populiste pourrait préfigurer, en raison des enchaînements à la fois visibles et souterrains qui se sont développés au cours de la dernière décennie entre les États-Unis, l’Europe et la Russie, un épilogue similaire des mouvements populistes.

C’est un lien qui place toujours la Russie poutinienne au centre, car entre-temps, le terme de populisme est déjà né comme traduction de la définition russe concernant un mouvement de communautarisme rural lié à la tradition agraire de la Russie. «Le populiste est celui qui crée une image virtuelle de la volonté populaire», notait Umberto Eco.

Pour l’anecdote et au regard de l’histoire, les premiers liens entre le 45e président américain et le foyer du populisme remontent aux deux voyages que Trump a effectués à Moscou en 1987 et 2013 en tant que simple homme d’affaires.

Outre les quelques reportages sur le premier voyage du magnat américain dans l’ex-Union soviétique et sur son séjour dans la suite Lénine de l’hôtel National, où il y a notoirement, comme chacun le sait, plus de micros et de caméras que d’escaliers, de portes et de fenêtres, s’ajoutent de nombreux détails embarrassants lors de la deuxième visite à Moscou, lorsqu’il a exigé et obtenu un logement dans la même chambre d’hôtel que celle utilisée lors de la récente visite officielle du président Barack Obama.

Selon des légendes faisant autorité, les nuits mouvementées de Trump à Moscou se sont soldées par un «ruban adhésif pour pipi» avec d’éventuelles ébauches d’«influences» et de divers chantages.

Après ces prémisses, les connexions, y compris financières avec Moscou, conduisent directement aux soupçons d’ingérence et de manipulation russes des élections présidentielles de 2016, étonnamment remportées par Trump face à la candidate démocrate favorite Hillary Clinton.

Lié au succès des élections présidentielles américaines, l’exploit des mouvements populistes européens « encouragés » par Poutine : de Marine Le Pen en France, à Matteo Salvini en Italie, de Nigel Farage en Angleterre à Viktor Orbán en Hongrie, des souverainistes espagnols de Vox aux nationalistes serbes. Une internationale populiste a émergé, avec Moscou comme centre de gravité.

Le reste appartient à l’histoire de nos jours. « Sans conservateurs et sans révolutionnaires, l’Italie est devenue le foyer naturel de la démagogie », écrivait, il y a cent ans, Piero Gobetti sur la « Révolution libérale », l’un des politiciens les moins connus mais le plus héroïque et prophétique d’une Italie digne et intellectuellement honnête, qui a préservé l’esprit de démocratie et de liberté d’un pays littéralement massacré d’abord par le populisme savoyard puis par le populisme fasciste jusqu’après-guerre.

De la crise du cabinet britannique du Premier ministre Boris Johnson, à la chute du gouvernement de Mario Draghi aux mains de Forza Italia et de Salvini, en passant par le paravent des souverainistes 5 étoiles de Giuseppe Conte, dont l’«affairisme» est toujours aligné sur une continuité populiste ou dans des relations personnelles de longue date insondables, comme celles qui lient Silvio Berlusconi et Vladimir Poutine. Avec le «Cavaliere» à tous égards, un précurseur de Trump.

A lire : La démission de Draghi fait la fête en Russie. Medvedev poste sa photo et celle de Johnson: «qui sera le prochain» ?

Si en politique comme en chimie, rien ne se crée et rien ne se perd, mais tout se transforme, le «vissage» du Trumpisme, avec toutes les révélations possibles sur l’ingérence de Moscou et la fin concomitante – tôt ou tard – de l’invasion russe de l’Ukraine par Poutine, pourrait marquer le début de l’implosion du populisme mondial. Même par le biais des tribunaux, s’il y a des preuves, comme celles que les autorités aux États-Unis seraient en train d’établir contre Donald Trump. Car une autre caractéristique commune à tous les populismes, à commencer par Poutine en Russie, est celle de violer systématiquement les lois de la démocratie et de l’État visant à accéder au pouvoir et de s’y maintenir.

En témoigne le délire politique d’Alexander Guelievitch Douguine, philosophe inspirateur du président russe, qui se réfère aux idées nationalistes de Julius Evola. Fondateur du parti national-bolchevique, Douguine prône un populisme qui dépasse la droite et la gauche et que, selon lui, Poutine a fait le sien.

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