L’Ukraine et la Russie signent à Istanbul l’accord sur les céréales ukrainiennes

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Kiev et Moscou ont signé ce vendredi 22 juillet à Istanbul deux accords séparés avec la Turquie et les Nations unies sur l’exportation des céréales et produits agricoles via la mer Noire.
Kiev et Moscou ont signé deux textes identiques, mais séparés, à la demande de l’Ukraine qui refusait de parapher tout document avec la Russie. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a toutefois relevé le caractère « sans précédent » de cet accord conclu entre deux pays en guerre.
Aux termes de cet accord, des « couloirs sécurisés » permettront la circulation des navires marchands en mer Noire, que « les deux parties se sont engagées à ne pas attaquer », a précisé un responsable des Nations unies ayant requis l’anonymat.
« Couloirs sécurisés », cela veut dire pour Kiev l’assurance que ses navires marchands ne seront pas attaqués par la Russie, décrypte la correspondante de RFI à Istanbul, Anne Andlauer. Pour cela, les chargements seront escortés par des bateaux appartenant à l’Ukraine dans ses eaux territoriales. Des bateaux qui ne seront pas des navires de guerre. Il faudra toutefois attendre quelques semaines pour que les livraisons reprennent.
Pour la Russie, « sécurisés » implique la garantie que les bateaux qui entrent dans les ports ukrainiens ne transportent pas d’armes. L’accord prévoit donc un mécanisme d’inspection des navires – dans un port turc par des experts russes, ukrainiens, turcs et des Nations unies – et la création d’un Centre de contrôle et de coordination à Istanbul.
Les négociateurs ont renoncé à nettoyer la mer Noire des mines – principalement posées par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes : « Déminer aurait pris trop de temps », a justifié l’ONU, qui a précisé que des « pilotes ukrainiens » ouvriraient la voie aux cargos dans les eaux territoriales. L’Ukraine a suggéré que ses exportations commencent à partir de trois ports – Odessa, Pivdenny et Tchornomorsk – et espère pouvoir accroître leur nombre à l’avenir.
Un accord valable 120 jours
L’accord sera valable pendant « 120 jours », soit quatre mois, le temps de sortir les quelque 25 millions de tonnes entassées dans les silos d’Ukraine alors qu’une nouvelle récolte approche. Un centre de coordination conjoint (CCC) doit être établi dès ce weekend à Istanbul avec des représentants de toutes les parties et des Nations unies.
Le ministre russe de la Défense a par ailleurs assuré que Moscou n’essayerait pas de profiter militairement de potentielles opérations de déminage des ports ukrainiens après l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes en mer Noire. « Nous ne profiterons pas du fait que ces ports (ukrainiens, ndlr) soient déminés et ouverts. Nous avons pris cet engagement », a déclaré Sergueï Choïgou après la signature, lors d’une prise de parole diffusée à la télévision russe, tout en affirmant que les conditions étaient réunies pour une application de l’accord « dans les prochains jours ».
Cet accord, âprement négocié depuis avril sous l’impulsion du secrétaire général de l’ONU, arrivé d’urgence à Istanbul jeudi soir, va soulager les pays dépendants des marchés russe et ukrainien – 30% du commerce mondial du blé à eux deux. Antonio Guterres a remercié la Russie et l’Ukraine qui ont « surmonté leurs divergences pour faire place à une initiative au service de tous ». Maintenant, l’accord « doit être pleinement mis en œuvre », a-t-il plaidé.
Erdogan médiateur
« Cet accord doit être mis en œuvre et nous veillerons, pour nous assurer que les actes de la Russie correspondent à ses paroles », a déclaré la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss dans un communiqué. « Pour permettre un retour durable à la sécurité dans le monde et à la stabilité économique, Poutine doit mettre fin à la guerre et se retirer d’Ukraine », a-t-elle ajouté.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays a joué les médiateurs, a reconnu qu’il n’avait « pas été facile » d’en arriver là, et espéré que la signature de cet accord, qui intervient près de cinq mois après le début du conflit, allait « renforcer l’espoir de mettre fin à cette guerre ». La Turquie s’est en outre dite prête à offrir son aide pour le déminage des ports ukrainiens.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 47 millions de personnes supplémentaires sont exposées à « une faim aiguë » depuis le début de la guerre.
La Russie va pouvoir exporter ses propres produits agricoles
Cet accord permet à la Russie d’atténuer ses difficultés en matière d’exportation. Moscou a obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne s’appliqueraient, ni directement ni indirectement, à ses propres exportations de produits agricoles. Car si les céréales ou les engrais russes ne sont pas soumis à des sanctions, la Russie rencontre des problèmes pour les exporter. Et ce pour plusieurs raisons : les sanctions personnelles contre les propriétaires et les dirigeants des entreprises de ces secteurs ; l’interdiction d’entrée de navires russes dans les ports européens ; le refus de certains transporteurs de travailler avec des marchandises russes ; les problèmes d’assurance ou des sanctions contre le secteur financier qui rendent les paiements difficiles. Si l’accord est appliqué, la Russie devrait donc avoir plus de facilités à acheminer des tonnes de nourriture et d’engrais vers les marchés mondiaux.
Enfin, le document signé à Istanbul permet aussi à la Russie de se refaire une image, alors qu’elle est accusée de détruire délibérément les infrastructures et les équipements agricoles et de créer des problèmes de chaîne d’approvisionnement dans le monde entier en bloquant les ports ukrainiens. « La Russie a mis en danger la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde, dénonce le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. L’accord actuel, dit-il, offre une opportunité de commencer à inverser ce cours négatif ».

(Radio France Internationale)