(Rome, Paris, 14 juillet 2022). Les États-Unis font pression sur l’Iran. Biden, en Israël avant de s’envoler pour l’Arabie saoudite, émet l’hypothèse d’un plan B non négocié, alors que la menace est brandie depuis Washington sur le risque d’attaques iraniennes contre les Américains
Le président américain Joe Biden et le Premier ministre israélien Yair Lapid signent aujourd’hui un engagement commun visant à refuser à l’Iran l’arme nucléaire. Biden, en visite à Jérusalem, a déclaré mercredi qu’il était ouvert à l’usage « en dernier recours » de la force contre l’Iran, des mots avec lesquels il salue les appels de Lapid pour que les puissances internationales présentent une « menace militaire crédible » contre l’ennemi juré d’Israël. Israël envisage, pour Téhéran, depuis un certain temps un plan B, lit-on dans le décryptage d’Emanuele Rossi dans le quotidien italien «Formiche».
Les États-Unis en sont conscients et le niveau d’implication et de coordination dans ce plan n’est pas clair, mais les propos de Biden suggèrent plus qu’un simple réconfort pour Israël. Washington continue de privilégier le dialogue diplomatique pour recomposer l’accord sur le gel du programme nucléaire JCPOA (rompu par la sortie américaine voulue par l’administration Trump, qui a été suivie par le début des violations contrôlées des activités d’enrichissement par Téhéran).
L’initiative s’inscrit dans un contexte plus large, dans lequel les États-Unis dirigent le chantier dans lequel ils tentent de construire un accord militaire impliquant également des acteurs arabes de la région du Moyen-Orient. L’objectif est de construire une architecture de sécurité qui commence par la maîtrise du ciel et se termine par la sécurité des voies maritimes (cruciales pour le commerce, et non seulement pour les matières premières énergétiques). Dans cette conception, l’intégration entre Israël et l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis jouent un rôle central. L’ensemble de l’architecture a une conception clairement anti-iranienne, qui est l’ennemi commun, à la fois directement et indirectement – les milices chiites connectées avec lesquelles il exerce une influence dans la région.
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Fin juin, la plus importante de ces milices liées aux Pasdaran, le Hezbollah libanais, était au centre de la réunion du « Law Enforcement Coordination Group », créé par les États-Unis en 2014 pour contrecarrer les activités de l’organisation, qui au fil des ans, s’est créée un large public et s’est enracinée dans le système politique, social et économique du Liban. Le Hezbollah est officiellement en guerre avec Israël depuis 2006 et est présent en tant que mandataire iranien en Syrie, mais aussi en Afrique, en Amérique latine et en Europe. Il y a deux ans, un important lot de Captagon (une drogue psychédélique répandue au Moyen-Orient) a été découvert par les autorités italiennes au port de Salerne : le Hezbollah est responsable de divers trafics illicites de toutes sortes (dont des stupéfiants), également en collaboration avec la ‘Ndrangheta.
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Selon un rapport obtenu par Yahoo News, et publié le mercredi 13 juillet, alors que Biden se trouvait au Moyen-Orient faisant preuve de sévérité à l’égard de l’Iran, le gouvernement américain estime que des assassinats ciblés d’actuels et d’anciens responsables américains pourraient être organisés, pour se venger, depuis Téhéran. Ces opérations – selon le rapport marqué « Not for Public Release » produit par le « National Counterterrorism Center » et daté du 16 juin – viseraient la chaîne de commandement à l’origine de l’élimination du général Qassem Soleimani. Le commandant de la Force al-Qods, une unité d’élite des Pasdaran, a été tué par un Hellfire tiré par un drone américain alors qu’il se trouvait juste à l’extérieur de l’aéroport de Bagdad dans la soirée du 3 janvier 2020.
Soleimani est considéré comme le cerveau de la stratégie expansionniste que l’Iran poursuit toujours dans la région à travers ces milices chiites liées aux Pasdaran. Parmi celles-ci, le Hezbollah, qui a déjà un lourd historique d’assassinats ciblés et d’actes terroristes de toutes sortes, ainsi que des unités internes hautement préparées pour les opérations de renseignement et les missions de commandos, pour ainsi dire. « L’Iran considérerait probablement le meurtre d’un fonctionnaire américain équivalent en rang et en stature à Soleimani, ou le responsable de sa mort, comme une action de représailles réussie », écrit le rapport. Téhéran avait déjà lancé une salve de missiles contre une base irakienne qui abritait également des soldats américains dans la nuit du 6 janvier 2020.
Selon le journaliste israélien Barak Ravid, lors de sa rencontre en tête-à-tête avec Biden, Lapid aurait demandé au Président Américain combien de temps, encore, ses responsables avaient l’intention de poursuivre la tentative de dialogue avec l’Iran. Biden aurait répondu qu’il cherchait une solution diplomatique avec l’Iran, mais que cela ne durerait pas éternellement.
D’après ce qui ressort de la dynamique des négociations, l’Iran tente de faire durer la durée des négociations, comme déjà dans d’autres situations, il se montre ouvert au dialogue mais ralentit ensuite la conclusion d’un accord (cela pourrait lui permettre de continuer à avancer l’enrichissement). Lapid aurait suggéré aux Américains de faire pression sur les Européens pour qu’ils décident d’un retour en force des sanctions onusiennes afin de créer un mécanisme de pression supplémentaire sur Téhéran.