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OTAN: pourquoi l’accord entre la Turquie, la Suède et la Finlande est fragile

(Paris, 01 juillet 2022). Malgré l’accord d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, la Turquie d’Erdogan a déjà commencé à protester

La diatribe entre la Turquie d’un côté et la Suède et la Finlande de l’autre, s’achève sur un accord tripartite, ouvrant la voie, après ratification parlementaire par les trente membres actuels de l’OTAN, à l’adhésion de Stockholm et Helsinki à l’Alliance atlantique.

Mais seulement quelques heures après la signature du mémorandum trilatéral, le président turc Erdogan hausse déjà le ton exigeant le plein respect d’un accord qui lie les deux pays baltes à une coopération étroite avec Ankara en matière de lutte contre le terrorisme, selon le décryptage de Marco Orioles dans les colonnes du quotidien italien «Start Magazine».

La signature du Mémorandum trilatéral

Le mémorandum a été signé par les trois ministres des Affaires étrangères, le turc Mevlüt Çavuşoğlu, la suédoise Ann Linde et le finlandais Pekka Haavisto lors du sommet de l’OTAN à Madrid sous les auspices du secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg et la bénédiction de Joe Biden, déjà prêt à récompenser la Turquie par la vente de quarante F-16 et de quatre-vingts kits de modernisation pour le même avion déjà utilisé par l’armée de l’air turque.

Les termes de l’accord

Quant au contenu de l’accord, M. Stoltenberg a déclaré, comme le rapporte le Guardian, que la Suède et la Finlande ont convenu de « modifier davantage leur législation nationale » et qu’elles s’efforceraient de « réprimer les activités du PKK » dans le contexte d’un accord d’extradition avec la Turquie.

Les deux pays nordiques ont réitéré que le PKK est une organisation interdite et ont convenu, dans une concession clé, de ne pas apporter de soutien à ses filiales kurdes PYD et YPG. La Suède et la Finlande ont également affirmé que les conditions préalables à leur embargo sur les armes à destination de la Turquie avaient cessé d’exister.

La satisfaction des dirigeants

Une grande satisfaction, du moins pour le moment, a été exprimée par la partie turque. « La Turquie a obtenu ce qu’elle voulait », lit-on dans le communiqué publié par le bureau de la présidence d’Erdogan et rapporté par le Guardian, précisant que « la Turquie a fait des progrès significatifs dans la lutte contre les organisations terroristes ».

La Première ministre suédoise Magdalena Andersson a salué l’accord comme « un très bon accord », rejetant l’argument selon lequel le pays aurait outrepassé les concessions pour contrecarrer la menace d’un veto turc à l’adhésion à l’OTAN. « Et bien sûr, a ajouté le premier ministre, nous poursuivrons notre lutte contre le terrorisme et, en tant que membres de l’OTAN, nous le ferons en étroite coopération avec la Turquie ».

Pour sa part, le président finlandais Sauli Ninisto a déclaré : « notre mémorandum conjoint souligne l’engagement de la Finlande, de la Suède et de la Turquie à apporter leur soutien total face aux menaces mutuelles de la sécurité ». « Le fait que nous devenions des alliés au sein de l’OTAN », a-t-il ajouté, ne fera que renforcer cet engagement ».

Des réserves exprimées 48h plus tard

Cependant, il ne s’est écoulé que 48 heures depuis la signature du mémorandum trilatéral, que les tons entre les trois pays étaient à nouveau tendus.

Erdogan s’est senti obligé d’avertir la Suède et la Finlande que si elles ne respectaient pas pleinement leurs engagements, le parlement turc ne ratifierait pas leur entrée dans l’OTAN.

Le président turc a précisé que la Suède avait promis d’extrader 73 « terroristes » et qu’elle prendrait des mesures pour mettre fin aux activités de financement et de recrutement du PKK. Mais en réalité le texte du mémorandum ne dit rien en ce sens hormis des recommandations générales d’examiner les demandes d’extradition formulées par la Turquie.

Le président finlandais Ninisto a confirmé que le mémorandum ne contient pas de liste de terroristes réels ou potentiels. Il a également ajouté de manière significative que « dans le cas d’extradition, nous suivrons nos lois et nos accords internationaux. En fin de compte, l’extradition est une affaire juridique dans laquelle les politiciens n’ont pas le droit d’interférer ».

Le même concept a été réitéré par Andersson dans une déclaration publiée mercredi au média public SVT : « Je sais que certaines personnes craignent que nous poursuivions les gens afin de les extrader, et je pense qu’il est important de dire que nous suivrons toujours les lois suédoises et conventions internationales et nous n’extraderons jamais de citoyens suédois ».

Un accord fragile ?

D’après les propos des protagonistes, il ressort une fragilité de l’accord tripartite, qui laisse potentiellement l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN en otage du veto turc.

Les deux pays baltes ont la réputation d’être un refuge sûr pour les membres de la diaspora turque et y ont trouvé refuge plusieurs suspects de la tentative de coup d’État à Ankara, orchestrée en 2016 selon les accusations turques, par des organisations dirigées par le prédicateur Fathoullah Gülen.

Pour les trois pays, il s’agit d’une question de principe : d’une part, pour Ankara, la priorité dans la lutte contre le séparatisme kurde, de l’autre, le sacro-saint droit d’asile généreusement accordé par la Suède et la Finlande à tous les persécutés de la terre.

Trouver, enfin, une synthèse ne sera pas facile, et il faudra tout le poids de l’Amérique de Biden et de son armement de pointe pour convaincre Erdogan de ranger son épée.

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