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Qu’est-il arrivé au «front sud» ? L’OTAN regarde vers l’Est, mais le danger est à 360 degrés

(Paris, 29 juin 2022). Le « front sud » est-il toujours un problème pour l’OTAN ? La question peut se poser spontanément à un moment où le bloc atlantique se projette vers l’Est, autrement dit, vers la Russie et la Chine. Et le sommet de Madrid, au cours duquel l’Alliance a démontré qu’elle prenait en compte les intérêts d’un partenaire du sud, la Turquie, semble pour le moment peu enclin à réfléchir aux risques venant des rives sud de la Méditerranée, selon le décryptage de Lorenzo Vita dans les colonnes du quotidien «Inside Over».

Selon toute apparence, la question est claire : la Russie, en envahissant l’Ukraine, a réactivé l’ensemble des mécanismes de défense de l’OTAN vers la frontière orientale, déclenchant l’inévitable renforcement des positions de ceux qui ont intérêt à protéger le flanc oriental. Il s’agit certainement d’une fatalité, au point que certains ont même émis l’hypothèse d’une sorte de « piège » de l’administration Biden pour justement faire monter Moscou sur le terrain, en obligeant l’Europe à endiguer le danger russe. Une hypothèse évocatoire qui n’élimine cependant pas le nœud central de la discussion : sans l’agression, on ne parlerait pas aujourd’hui d’un concept stratégique de l’OTAN aussi hostile à la Fédération de Russie ni (du déploiement) de milliers de nouveaux soldats américains sur le Vieux Continent. Cependant, le « problème russe », s’il semble avoir ramené l’horloge à l’époque de la guerre froide, a certainement rendu les intérêts et la protection des pays d’Europe de l’Est (ainsi que les États-Unis) plus pertinents que les dangers venant du sud.

 Un déséquilibre des intérêts sur le terrain a également été souligné par le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui accueille le sommet de l’Alliance à Madrid. « Tous les alliés de l’Otan ont répondu de manière décisive en renforçant le flanc oriental », a indiqué Sanchez dans une déclaration conjointe avec le président américain Joe Biden, mais, poursuit le premier ministre ibérique, il est temps « que l’alliance reconnaisse l’importance du flanc sud dans un Stratégie à 360 degrés ». Le chef de la Maison Blanche a assuré que le bloc occidental « se renforce contre les menaces venant du sud », mais la question demeure de savoir comment un tel engagement peut être maintenu face à plusieurs menaces qui, pour l’heure, semblent résolument différentes en termes de poids spécifiques d’un point de vue diplomatique et stratégique.

La préoccupation du gouvernement espagnol est également partagée par l’Italie, puisque c’est du sud, de la Méditerranée et de ses côtes méridionales, que surgissent des dangers souvent sous-estimés dans le contexte atlantique. La bande située entre «Mare Nostrum» et le Sahel est l’une des régions africaines où les défis et les crises systémiques sont les plus nombreux : le gaz, les pouvoirs locaux et régionaux, la guerre en Libye et le trafic de migrants en provenance d’Afrique centrale.

A lire : Joe Biden, «plus de défenses aériennes en Italie et en Allemagne»

Aux problèmes africains s’ajoute alors l’importante question des champs gaziers et des gazoducs méditerranéens, où se joue un jeu pour le moins fondamental, qui implique tous les pays, et qui assume un rôle important dans le découplage de la dépendance vis-à-vis de la Russie. Enfin, le front sud et sud-est n’est pas seulement caractérisé par la spirale de la violence libyenne, mais aussi par le conflit de plus en plus endémique au Moyen-Orient. De la guerre en Syrie aux différents enjeux régionaux, toute la bande allant de la Mésopotamie au Sinaï est sillonnée par de profondes hostilités dans lesquelles convergent également les intérêts (divergents) des puissances atlantiques. Et ce n’est pas un hasard si la Russie, depuis sa base de Tartous, surveille l’ensemble du bassin du Levant. L’Italie, l’Espagne et tous les pays du flanc sud savent que des défis colossaux peuvent venir de ce territoire méridional en ébullition, à commencer par la crise migratoire en cas de blocage continu des ports de la mer Noire en raison de la guerre en Ukraine. Mais la projection orientale de l’OTAN risque de donner un signal d’une sous-estimation des dangers.

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