C’est ainsi qu’Israël accueille la diplomatie de la Méditerranée élargie

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(Paris, 26 mars 2022). Réunions entre pays du Golfe et pays méditerranéens, avec la présence des États-Unis, pour construire un groupe diplomatique régional qui fait face aux défis du moment : en premier lieu, l’Ukraine et le JCPOA

Un sommet entre les dirigeants diplomatiques d’Israël, des États-Unis, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et du Maroc se tiendra entre dimanche et lundi à Jérusalem et marquera la première fois que l’État hébreu met à disposition ses salles pour de telles réunions. Un signe de l’évolution constante des relations internationales et infrarégionales dans l’espace méditerranéen élargi, selon le décryptage d’Emanuele Rossi dans le quotidien italien «Formiche».

Ce qui était inimaginable il y a encore quelques années est désormais une réalité : grâce avant tout aux accords abrahamiques avec lesquels l’administration Trump a poussé à la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes présents à la réunion, mais aussi grâce à une volonté générale de dialogue émanant de la région. La nécessité de déclencher des dynamiques internes également liées à la volonté américaine de désengagement.

Le sommet verra la participation de l’hôte, Yair Lapid, ministre israélien des Affaires étrangères, et ses homologues de Bahreïn, émirati et marocain, ainsi que le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui, ces jours-ci, sera engagé dans une tournée diplomatique entre Israël et la Palestine, et partira lundi pour le Maroc et l’Algérie. Pour Blinken, ce sera l’occasion d’une rencontre avec Abdallah bin Zayed Al Nahyan, le chef de la diplomatie à Abou Dhabi, qui devait initialement être une étape de la visite américaine au Moyen-Orient, qui a ensuite été annulée.

Cette semaine, le lundi 21 mars 2022, s’est tenue une autre réunion importante dans le cadre de la composition d’un groupe diplomatique qui s’étend du Golfe à l’Afrique du Nord, une démonstration de la façon dont le concept d’une Méditerranée élargie est dans cette phase historique plus fonctionnelle que jamais. Le Premier ministre israélien Naftali Bennett a effectué une visite d’État à Charm el-Cheikh pour rencontrer le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et le prince héritier émirati, Mohammed bin Zayed.

Ces réunions ont pour toile de fond et contingence temporelle la guerre de Poutine en Ukraine, qui a produit des pressions américaines sur les Emirats (et l’Arabie Saoudite) visant à augmenter la production de pétrole afin de réduire l’impact d’un déficit gazier russe, ce qui ferait craindre des pénuries alimentaires dans des pays comme l’Égypte et le Maroc, qui dépendent en partie des importations de céréales en provenance de Russie et d’Ukraine.

 Israël, en la personne du Premier ministre Bennett, s’est engagé directement à trouver une issue à la crise militaire qui a déjà fait des milliers de morts et des millions de réfugiés. Sous une forme moins directe, les Emiratis et les Bahreïnis ont également eu des contacts avec Moscou pour tenter de se faire une idée de la situation (et pourquoi pas un rôle dans les contacts diplomatiques). L’effet en cascade de ce qui se passe en Ukraine pourrait être fortement ressenti dans des régions comme le Moyen-Orient, généralement plus sensibles à subir les retombées négatives de certaines dynamiques, poursuit Emanuele Rossi.

Parallèlement, un autre grand thème sous-jacent : la recomposition de l’accord nucléaire JCPOA avec l’Iran, suspendu depuis 2019 après le retrait des États-Unis décidé par l’administration Trump. Un nouvel accord pourrait entraîner l’assouplissement des sanctions à l’encontre de Téhéran, et le retour de l’Iran sur la scène économique internationale. L’État hébreu et les monarchies sunnites du Golfe, qui considèrent la République islamique chiite comme un ennemi existentiel, craignent que ce flux d’argent de retour en Iran, et cette reconversion dans la sphère internationale, ne finissent par être exploité à leur avantage par les Pasdaran. Cette unité militaire théocratique se meut comme un Etat dans l’Etat et constitue la force motrice d’une internationale de milices chiites. Ces unités ont souvent attaqué à la fois Israël et les pays du Golfe. Les États-Unis veulent rassurer leurs alliés que lorsque cela se reproduira, il y aura de la place pour des réponses militaires malgré le JCPOA.