Bombes et fake news. La guerre fantôme met le feu au Donbass. «L’objecti est le chaos»

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(Rome, 22 février 2022). « La population du Donbass a peur d’une attaque ukrainienne et le reste du pays craint l’invasion de Moscou. J’ai parlé à des parents et amis dans les zones séparatistes et la crise s’alimente artificiellement pour atteindre un point de non-retour. Le but, c’est le chaos », explique Andrey Buzarov, qui parle parfaitement l’italien. Spécialiste des conflits dans l’ex-URSS, il a vécu à Donetsk jusqu’au déclenchement de la guerre en 2014. Il est aujourd’hui conseiller de la commission parlementaire sur l’intégration de la région pro-russe dans les armes.

Comme le rapporte Fausto Biloslavo dans le quotidien italien «Inside Over», au cours des dernières 24 heures, la guerre « fantôme » s’est encore aggravée avec des nouvelles de casus belli, sèchement démenties par les Ukrainiens, faisant état de saboteurs infiltrant le territoire russe et même d’un soldat de Kiev qui s’est fait prisonnier, d’un hôpital touché par des obus de mortier ainsi que d’affrontements près de Marioupol, le port stratégique sur la mer d’Azov qui baigne la Russie. « L’évacuation des civils du Donbass, les saboteurs réels ou présumés, les opérations sous fausse bannière sont autant de tentatives pour accentuer la stratégie de tension », souligne l’expert qui a passé l’été à Castellammare di Stabia dans son enfance.

L’une des rares vérités dangereuses est l’appel au Kremlin, via la télévision russe, par les dirigeants séparatistes du Donbass, Denis Pouchilin et Leonid Passetchnik, « à reconnaître nos républiques et à établir une coopération en matière de défense ». En d’autres termes, laisser entrer les chars de Moscou dans les régions de Donetsk et Louhanks, deux fois plus petites que la Lombardie, mais comptant plus d’un million d’habitants. Le tout couronné d’une escalade, impossible à vérifier, qui a commencé par l’histoire de cinq saboteurs ukrainiens entrés en Russie et anéantis par les forces frontalières, qui ont également détruit deux véhicules blindés de l’infanterie. Non seulement : le chef du Service fédéral de sécurité (FSB), Aleksander Bortnikov, a annoncé lors de la réunion extraordinaire du Conseil de sécurité convoquée par le président Vladimir Poutine, que ses hommes avaient capturé un soldat ukrainien qui entrait en Russie. Les séparatistes ont dénoncé que l’hôpital de Donetsk avait été endommagé par des obus de mortier. D’autres saboteurs, dont un décédé des suites de l’explosion des charges, visaient à saper la voie ferrée. « Une station de pompage d’eau a été mise hors d’usage », ont déclaré des pro-russes qui affirment avoir déjoué des tentatives de destruction d’un terminal pétrolier. Pourtant, des vidéos de dénonciation postées sur les réseaux sociaux arrosent tous azimuts. Le but est de provoquer un casus belli.

« L’Ukraine n’a : ni attaqué Donetsk ou Lougansk ; ni envoyé des saboteurs ou des véhicules de transport de troupes à travers la frontière ; ni bombardé le territoire russe ; points de contrôle à la frontière russe bombardés ; ni mené des actions de sabotage », écrit sur Twitter le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba demandant à Moscou « d’arrêter l’usine de mensonges et cesser la fabrication de rumeurs ».

A Kiev, ajoute Fausto Biloslavo, l’ambassade d’Italie est opérationnelle, mais « réalise des tests d’évacuation du personnel » comme l’a confirmé le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio. La Farnesina (le Ministère italien des AE, ndlr) a renouvelé l’appel aux compatriotes à quitter le pays et Air France ne volera plus vers l’Ukraine. Les Russes ont émis un Notam, signalant une interdiction de survoler la mer d’Azov, stratégique dans l’escalade du conflit dans le Donbass. « A Kiev et dans d’autres villes, il y a une deuxième atmosphère de Maïdan (Euromaïdan est le nom donné aux manifestations pro-européennes en Ukraine, ayant débuté le 21 novembre 2013, ndlr) avec le slogan Pas de capitulation », explique Buzarov en référence au soulèvement de rue de 2014, qui a déposé le président pro-russe, provoquant l’annexion de la Crimée et déclenchant l’éclatement de la guerre à l’Est. « Toute capitulation ukrainien sur le Donbass, prévient-il, peut faire exploser les nationalistes et l’opposition au président Zelesnky et déclencher le chaos. Une vacance du pouvoir ou un bouleversement politique, exactement ce que veulent les Russes même sans envoyer de chars dans la capitale ».