(Rome, Paris, 12 février 2022). La circulation à Kiev est régulière, pas d’embouteillages dans les rues, que ce soit dans le périmètre urbain ou dans les grandes artères autour de la capitale ukrainienne. Signe d’une situation encore calme et d’un samedi de février qui se déroule normalement, sans remue-ménage dans la vie des gens. La véritable frénésie en ce moment concerne les bâtiments qui abritent les ambassades étrangères. Le personnel diplomatique fuit l’Ukraine, comme le note dans son décryptage, Mauro Indelicato, dans le journal italien «Il Giornale/Inside Over».
Les dernières nouvelles parlent d’une «rupture» générale ordonnée par de nombreuses chancelleries occidentales et au-delà. Les personnels non essentiels, accompagnés de membres de leur famille, sont priés depuis vendredi par leurs différents gouvernements de se rendre dans les aéroports de Kiev et de rentrer chez eux au plus vite. Entre-temps, le ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, a convoqué une réunion de coordination à la cellule de crise de la Farnesina (le Ministère italien des AE).
Des États-Unis à l’Allemagne, qui a ordonné le départ de Kiev ?
La situation s’est détériorée, selon des sources ukrainiennes, à partir de vendredi soir. En effet, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a évoqué une invasion russe de l’Ukraine à partir de la semaine prochaine. Les États-Unis, qui avaient déjà ordonné un retrait partiel de leur personnel de l’ambassade à Kiev, ont annoncé dans la nuit de vendredi à samedi la fermeture du bureau diplomatique dans la capitale ukrainienne : « La menace persistante d’une action militaire, lit-on dans une note du département d’Etat, a imposé cette mesure qui concerne principalement le personnel non essentiel ». A partir de dimanche, l’ambassade américaine ne maintiendra qu’une petite représentation consulaire à Lviv. Ce n’est pas un hasard : c’est la ville la plus proche de la frontière polonaise et celle où les mouvements et partis pro-occidentaux ont le plus d’emprise. Le Royaume-Uni est également sur la même longueur d’onde que Washington. Londres retire non seulement le personnel diplomatique, mais aussi les militaires présents en Ukraine : «D’ici dimanche (a déclaré le sous-secrétaire à la Défense James Heappey à la radio BBC) tous nos soldats quitteront le pays. S’il y a une guerre là-bas, il n’y aura pas de troupes britanniques (sur le territoire ukrainien) ».
Israël, le Koweït et l’Australie ont également été ajoutés à la liste des pays qui évacuent leur personnel diplomatique de Kiev. Dans les dernières heures, l’Allemagne a été ajoutée. Le ministère allemand des Affaires étrangères a annoncé la réduction des effectifs de l’ambassade, mais a également lancé une alerte pour ses concitoyens encore présents dans le pays. L’Ukraine n’est plus considérée comme une zone sûre et une invitation à quitter son territoire a été émise. Par ailleurs, comme indiqué sur le site du ministère allemand des Affaires étrangères, les voyages en Ukraine sont « fortement déconseillés ». Les vols ne sont pas suspendus, mais il est déconseillé aux Allemands d’embarquer dans les avions à destination de Kiev. Au cours des dernières heures, sur le front européen, l’Espagne a également rejoint le chœur des pays qui ont appelé leurs citoyens à quitter l’Ukraine.
La Farnesina : « Les Italiens quittent l’Ukraine »
Quant à l’Italie, une importante nouvelle est arrivée peu après 14h00, à la suite d’une réunion d’urgence tenue à la Farnesina en présence, entre autres, du ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, ajoute Mauro Indelicato. Dans un premier temps, il avait été question d’appeler les compatriotes présents dans le pays à se faire repérer et à s’inscrire sur le site web du ministère. Par la suite, cependant, dans la section spéciale « voyage sécurisé » du site du ministère, un nouvel avertissement concernant l’Ukraine est apparu : « Compte tenu de la situation actuelle, lit-on, par mesure de précaution, les compatriotes sont appelés à quitter temporairement le pays avec les moyens commerciaux disponibles. En outre, compte tenu de la situation incertaine aux frontières, il est recommandé de reporter tout voyage non essentiels en Ukraine et de se tenir constamment informé par les médias et sur ce site ». Selon les données du ministère, environ 2.000 Italiens sont actuellement présents en Ukraine. La plupart d’entre eux sont concentrés dans la région de la capitale Kiev.
Peu après 14h30, Luigi Di Maio lui-même a fait connaître la position de Rome concernant la permanence de son personnel diplomatique. En particulier, une note de l’agence AGI indique que le chef du ministère des Affaires étrangères aurait ordonné l’évacuation du personnel non essentiel. Ceci en accord avec tous les autres ministres des Affaires étrangères de l’espace de l’UE. Ainsi, dès les prochaines heures, toutes les ambassades européennes réduiront le nombre de personnes présentes dans leurs bureaux.
Moscou : « l’hystérie vient des USA, ils veulent la guerre »
Vendredi soir, il a également été question d’une évacuation du personnel diplomatique russe. Un signe supplémentaire d’une certaine montée de la tension. «Nous n’évacuons personne», a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova. « Nous ne faisons qu’optimiser le personnel parce que nous craignons des provocations de Kiev et de pays tiers. Mais notre ambassade et nos consulats restent ouverts ». Selon les hauts diplomates russe, la grande fuite décrétée par les pays occidentaux de Kiev ne serait qu’un prétexte pour attiser la tension : « L’hystérie de la Maison Blanche dit tout, a poursuivi Zakharova, les Anglo-Américains veulent une guerre ». L’ambassadeur de Russie aux États-Unis, Anatoly Antonov, lui a fait écho depuis Washington : « Il n’y a aucune preuve d’une invasion imminente, a-t-il déclaré, ils tentent seulement de créer encore plus de tension ».
Les autorités ukrainiennes prônent pour leur part le calme. Dans les semaines précédentes, à l’annonce d’une première réduction des effectifs des ambassades de certains pays occidentaux, le gouvernement de Kiev ne cachait pas une certaine irritation. Le président Zelensky lui-même a vu dans ces mouvements la possibilité d’une nouvelle montée sérieuse de la tension. « Nous appelons au calme, a-t-il déclaré à travers une note du ministère ukrainien des Affaires étrangères, nous sommes en contact avec nos alliés 24 heures sur 24 pour tenter de réduire la tension ».