(Rome, Paris, 07 février 2022). Emmanuel Macron est arrivé ce lundi 7 février à 18h30 locale au Kremlin. La rencontre avec Vladimir Poutine, commencée en fin d’après-midi s’est conclu cinq heures plus tard. Le président français veut « éviter la guerre » en Ukraine. L’homme fort du Kremlin s’est montré sensible à ses propositions, sans plus de détails.
Le président russe l’assure : ni lui ni Emmanuel Macron ne veulent d’une guerre Russie-Otan, qui n’aurait pas de vainqueur, rapporte la correspondante de Radio France Internationale à Moscou, Anissa El Jabri. Disposé « à tout faire pour trouver des compromis qui satisferont tout le monde », Vladimir Poutine a assuré que ni lui ni Emmanuel Macron ne veulent d’une guerre Russie-Otan qui « n’aurait pas de vainqueur » : « Il faut trouver une solution pour sortir de cette situation », a-t-il ajouté.
Comme à chaque fois qu’il aborde le sujet, le dirigeant russe a dressé un réquisitoire contre l’Otan. Cette organisation « présentée comme pacifique », a-t-il dit, avant de citer la guerre en ex-Yougoslavie et la Libye en contre-exemples, deux épisodes très souvent évoqués en Russie.
Par ailleurs, Vladimir Poutine s’est montré critique à la fois de l’élargissement de l’organisation atlantique et de l’Ukraine, encore et toujours jugée seule responsable du conflit. Bref, rien de neuf, sauf sur les nouvelles propositions d’Emmanuel Macron : « Certains d’entre elles sont possibles pour jeter les bases d’avancées communes », a affirmé Vladimir Poutine. Signe que la Russie, pour l’instant, les prend au sérieux. Le président russe a jugé prématuré de les rendre publiques.
« Termes de convergence » entre la Russie et la France
Emmanuel Macron a déclaré de son côté avoir proposé au président russe de « bâtir des garanties concrètes de sécurité » pour tous les États impliqués dans la crise ukrainienne. « Le président Poutine m’a assuré de sa disponibilité à s’engager dans cette logique et de sa volonté de maintenir la stabilité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a ajouté le président français, évoquant des « termes de convergence » entre la Russie et la France, sans les détailler.
Dans l’avion qui le menait à Moscou, Emmanuel Macron s’était dit « déterminé et lucide » avant d’aborder sa discussion avec Vladimir Poutine au Kremlin ajoutant : « Je suis raisonnablement optimiste, je ne crois pas aux miracles spontanés », rapporte l’envoyée spéciale à Moscou, Valérie Gas.
Le président français est donc venu à Moscou pour essayer de provoquer un peu les choses et « engager la discussion ». L’entretien avec Vladimir Poutine qui a commencé avec une demi-heure de retard se déroule dans la salle dédiée aux rencontres avec les autorités étrangères du Kremlin, une vaste salle toute blanche avec une très grande table ovale où les deux présidents ont pris place chacun à un bout. Un véritable face à face.
Vladimir Poutine, les deux bras sur la table, a été le premier à parler et à se réjouir de cette rencontre en présentiel. Emmanuel Macron, très concentré, a lui aussi dit quelques mots avant que les cameras ne sortent de la pièce. Il a décrit « la situation critique » de l’Europe qui nous impose d’être « responsables » et a évoqué un nécessaire dialogue pour bâtir la sécurité du continent européen.
« Éviter la guerre »
« La discussion peut amorcer ce vers quoi nous devons aller, ce qui est une désescalade », a encore déclaré Emmanuel Macron, ajoutant vouloir « éviter la guerre » et « construire les éléments de confiance, de stabilité, de visibilité pour tout le monde ».
De son côté, Vladimir Poutine a assuré avoir « la même inquiétude [que son homologue] en ce qui concerne la sécurité en Europe », saluant les efforts des « autorités françaises pour résoudre la question » et « trouver un règlement à la crise ».
Quelques mots de mise en bouche avant de débuter la vraie discussion en tête à tête. Une discussion dont la durée sera certainement un indicateur important. « Tout est possible, ça peut durer, j’ai déjà eu des entretiens très longs avec lui », avait déclaré Emmanuel Macron avant d’arriver au Kremlin. En promettant de faire « ses meilleurs efforts », d’essayer « de lever les incertitudes de part et d’autres » et de chercher « les points de convergence ».
Selon Dmitri Peskov, le président français ne venait pas les mains vides, mais avec des idées dans la quête d’une détente. Mais, a ajouté le porte-parole du Kremlin « la situation est trop complexe pour espérer des avancées significatives », malgré les pistes envisagées par Paris.
Devant le président russe, Emmanuel Macron a insisté sur le fait que sa position était « coordonnée » avec ses alliés européens et américains. Tous ont rejeté les exigences du Kremlin de la fin de la politique d’élargissement de l’Otan, qui fermerait la porte à l’Ukraine. Le président français a encore une fois insisté sur le fait qu’il est impensable d’envisager une solution sur la question ukrainienne sans les Ukrainiens.
La Russie cherche à « creuser un fossé »
À Kiev, le chef de la diplomatie ukrainienne a accusé la Russie de chercher à « creuser un fossé » entre son pays et ses alliés occidentaux, en recevant ce lundi son homologue allemande Annalena Baerbock pour une visite de soutien dans la crise avec Moscou.
« Peu importe ceux qui essayent de le faire en Russie, personne ne sera en mesure de creuser un fossé entre l’Ukraine et ses partenaires », a ainsi déclaré Dmytro Kouleba, pointant du doigt « la Russie et des politiciens pro-russes » à l’étranger.
Plus tôt, le ministre avait fixé ses lignes rouges : « Pas de concessions sur l’intégrité territoriale » et « un retrait durable des forces russes de la frontière ukrainienne et des territoires occupés ».
L’Occident accuse la Russie de préparer une invasion de l’Ukraine, dont l’Est est déjà depuis 2014 en proie à une guerre avec les séparatistes prorusses parrainés par Moscou. Des dizaines de milliers de soldats russes campent aux frontières de l’Ukraine, laissant craindre un conflit européen. Pour accepter un apaisement, la Russie réclame que l’Otan quitte son voisinage. Une exigence inacceptable pour les Occidentaux.
Ces derniers jours, l’Ukraine a relativisé le risque d’une offensive militaire, estimant que le Kremlin cherchait avant tout à déstabiliser la situation intérieure chez son voisin.
Londres et Berlin envoient des renforts
L’Allemagne va envoyer 350 soldats supplémentaires en Lituanie pour aider à renforcer le flanc oriental de l’Otan, « d’ici quelques jours », a annoncé la ministre de la Défense. « Nous renforçons ainsi notre contribution en termes de forces sur le flanc est de l’Otan et envoyons un signal clair de détermination à nos alliés », a ajouté la ministre, assurant qu’« on peut compter » sur l’Allemagne. Berlin dirige une opération de l’Otan en Lituanie, où 500 soldats allemands sont déployés.
Le Royaume-Uni, de son côté, va acheminer 350 soldats supplémentaires en Pologne, a annoncé le ministre britannique de la Défense Ben Wallace. Ces troupes s’ajoutent aux 100 soldats des Royal Engineers britanniques déjà présents dans le pays, qui avaient été envoyés face à l’afflux de migrants à la frontière polonaise avec la Biélorussie.
Efforts diplomatiques
Emmanuel Macron ira à Kiev, mardi, voir son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Les 14 et 15 février, ce sera au tour du chancelier allemand Olaf Scholz de faire ces mêmes voyages après son entretien ce lundi à Washington avec le président américain Joe Biden.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, à Washington lui aussi, a estimé que l’Europe traversait le « moment le plus dangereux » pour sa sécurité depuis la fin de la Guerre froide.