(Rome, 23 janvier 2022). Un missile houthi intercepté par le Thaad émirati. Pour la première fois, le système de défense aérienne américain est entré en service pour défendre la base d’Al-Dhafra
Le système de défense de zone à haute altitude, plus connu sous le nom de Thaad, propriété des Émirats arabes unis et développé par l’armée américaine, a intercepté lundi un missile balistique lors d’une attaque menée par les militants yéménites Houthis contre Abou Dhabi, marquant ainsi sa première utilisation dans une opération militaire réelle, nous explique Emanuele Rossi du quotidien italien «Formiche».
Selon les rapports de « Defense News », le système de défense antimissile de plusieurs milliards de dollars fabriqué par Lockheed Martin a détruit un missile balistique à moyenne portée utilisé pour attaquer une installation pétrolière émiratie près de la base aérienne d’Al-Dhafra, une infrastructure aux Émirats qui héberge les forces américaines et françaises.
L’attaque, menée par des missiles de croisière, des missiles balistiques et des drones, a tué trois civils et en a blessé six autres. Elle a suscité de nombreux commentaires et analyses, car elle marquait le retour de ce genre d’opérations contre le territoire de l’émirat. L’ambassadeur des Émirats arabes unis aux États-Unis, Yousef Al Otaiba, a également parlé de l’interception, sans fournir de détails, lors d’un événement virtuel parrainé par l’Institut juif pour la sécurité nationale d’Amérique.
Le commandement central du Pentagone, celui qui couvre le quadrant du Moyen-Orient, a confirmé vendredi qu’«une menace potentielle» avait contraint le personnel américain à Al-Dhafra à se réfugier dans ses bunkers pendant environ 30 minutes dimanche soir, après quoi l’armée américaine se trouvait dans une phase de « position d’alerte renforcée ».
Lockheed Martin a refusé de commenter, tout comme le gouvernement américain et l’ambassade des Émirats. Thaad, conçu pour contrer les missiles balistiques à courte, moyenne et longue portée, a été initialement développé dans les années 1990 : il a connu des difficultés lors des premiers tests, mais sa fiabilité est constante depuis que la société basée à Bethesda, a remporté le contrat de développement en 2000, pour en faire une unité tactique mobile pour l’armée.
Les États-Unis ont déployé le Thaad partout dans le monde, à Guam, en Israël, en Corée du Sud et au Japon. En 2017, l’Arabie saoudite a accepté de l’acheter dans le cadre d’un accord estimé à 15 milliards de dollars. Les Émirats arabes unis ont été le premier client étranger du système et ont placé les premières unités en 2015 et 2016.
Cette semaine, Abou Dhabi a demandé l’aide des États-Unis pour renforcer ses défenses contre les missiles et les drones et pour empêcher le transport d’armes vers les Houthis, selon un communiqué de l’ambassade des Émirats arabes unis à Washington publié sur Twitter. L’attaque a mis en évidence la précarité de la sécurité générale dans le Golfe.
Lors d’un appel mercredi avec le prince héritier émirati et ministre de la Défense Mohamed ben Zayed, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin « a souligné son soutien indéfectible à la sécurité et à la défense du territoire des EAU contre toutes les menaces ». Depuis lors, le Pentagone a refusé de fournir des détails sur les demandes d’Abou Dhabi, bien que l’on sache depuis un certain temps que les Émirats demandent des batteries Patriot, que les États-Unis ont d’ailleurs récemment déplacées de leurs bases en Arabie saoudite pour les repositionner en Australie. Il est possible que la couverture aérienne des pays du Golfe soit assurée par Israël, qui entre autres, a normalisé (et maintenant étroitement) ses relations avec les Emirats après les accords abrahamiques.
M. Otaiba – connu pour avoir d’excellents rapports avec les responsables politiques de Washington – s’est engagé ces jours-ci dans des réunions au Capitole concernant à la fois la défense et la sécurité, ainsi que la réinsertion des rebelles yéménites dans la liste des organisations terroristes. Abou Dhabi avait vu certaines fournitures militaires suspendues dans les premiers mois de l’administration Biden, ajoute Emmanuel Rossi dans son décryptage.
Le Congrès s’est généralement montré ouvert aux demandes d’armes des Emiriens pour se défendre contre les attaques des Houthis, mais les responsables émiratis sont susceptibles d’être confrontés à des questions concernant les liens croissants du pays avec la Chine et des allégations d’implication émiratie dans la guerre en Libye ou au Tigré.
Les Houthis ont utilisé des drones et des missiles pour attaquer l’Arabie saoudite et des cibles pétrolières dans le golfe Persique pendant la guerre au Yémen, qui en est à sa huitième année. L’attaque de lundi a été la première reconnaissance par les Émirats arabes unis qu’ils avaient été touchés par les Houthis. Plusieurs civils sont morts en Arabie saoudite à la suite d’attaques houthies transfrontalières. Il existe de nombreuses reconstitutions de la ligne d’approvisionnement militaire que l’Iran a ouverte avec les rebelles yéménites.