Liban: halte au chaos organisé !

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(Rome, Paris, 23 janvier 2022). Une affaire abracadabrantesque secoue le Liban depuis plusieurs jours, ce pays qui est déjà ébranlé par les multiples crises qui s’accumulent en millefeuilles. C’est l’affaire d’un clandestin sans abris qui avait élu domicile sous le pont Fiat, entre Achrafieh et Sin-el-Fil. Son espace était jonché de livres et revues mis à disposition des lecteurs. Il s’est rendu célèbre début janvier grâce à la visite médiatisé du ministre de la Culture, qui lui a offert un livre dédicacé.
Quelques jours plus tard, ses livres ont pris feu et l’homme, qui se qualifiait de bibliothécaire à ciel ouvert, s’est retrouvé sans rien. S’agit-il d’un acte volontaire commis par des inconnus, comme le disent certains, ou d’un acte délibéré avancé par d’autres (pour émouvoir l’opinion et demander de l’aide), ou d’un accident comme le prétendent certaines sources ? L’émotion a gagné la population et les campagnes de solidarité se sont multipliées sur les réseaux sociaux et les dons ont afflué pour lui permettre de se construire une cabane sous le même pont. Mais malgré cette émotion et l’élan de solidarité, l’affaire se politise avec les tentatives de récupération menées par des candidat(e)s aux prochaines législatives. Ce qui a alerté les habitants et certains élus du quartier qui ont mis en garde contre la légalisation d’une situation illégale qui risque de se transformer en jurisprudence et, au final, faire du Liban un « bordel organisé ».
Plusieurs internautes se sont en effet prononcés contre l’installation d’une cabane sous le pont Fiat, estimant qu’elle pose une série de questions. Ils demandent une action immédiate des responsables et des candidats aux élections. Ils invitent la municipalité de Beyrouth à prendre des mesures immédiates pour apporter une solution viable et durable aux sans-abris, qu’elle les loge dans des foyers, qu’elle crée un Samu social, et qu’elle protège l’espace public. Sinon, rien n’empêchera les 78 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté d’élire domicile dans l’espace public. La solidarité sociale et humanitaire ne doit pas constituer un précèdent dans l’illégalité. Il existe des moyens légaux pour répondre à ce genre de besoins.
Tout en se portant solidaires avec ce drame individuel, et tout en soutenant les actions humanitaires, les internautes soulignent, non sans raison, que l’installation d’une cabane dans un lieu public se développera à travers le pays sans pour autant régler les difficultés des sans-abris de manière durable. Bien au contraire, elle pose un potentiel problème d’hygiène, de salubrité publique et de sécurité.
Ils appellent les âmes charitables qui veulent aider le sinistré du pont Fiat à cotiser pour lui louer une chambre dans une maison de retraite, ou dans un hôtel, pour préserver sa dignité, au lieu de financer une cabane qui n’offre aucun confort, aucune hygiène et aucune sécurité. Ils s’emportent surtout contre les aspirants à la députation qui font de ce drame un fonds de commerce politique. « Ceux (ou celle) qui veulent booster leur campagne électorale par une action sociale et humanitaire sont priés de la mener dans leur propre circonscription et de s’occuper de leurs administrés qui plongent dans la pauvreté, au lieu d’investir dans l’émotion et de surfer sur ce drame.
Les internautes demandent par ailleurs aux responsables de la ville de Beyrouth, aux députés et aux candidats, une prise de position claire et des mesures immédiates pour répondre en profondeur à la question des sans-abris dans la ville de Beyrouth, de plus en plus chaotique. De plus en plus d’habitants réclament en outre qu’Achrafieh soit doté de son propre conseil municipal et de ne plus dépendre de la municipalité de Beyrouth. Car ce drame, comme la prolifération des sans-abris illustrent l’absence d’un développement équitable entre les quartiers. Achrafieh réclame son droit à la décentralisation administrative.
En conclusion, les internautes rappellent que Beyrouth a toujours été un phare de culture et un modèle de vie et préviennent qu’ils n’accepteront jamais qu’elle soit défigurée.