(Rome, 27 décembre 2021). Cet été les talibans ont surpris non seulement par leur avancée à Kaboul, mais aussi par la manière de communiquer, grâce à la direction du porte-parole, Zabihoullah Moujahid. Mais le mystère plane sur sa véritable identité
Le 18 août, Zabihoullah Moujahid s’est présenté lors d’une conférence de presse à Kaboul. Derrière son nom se cache une myriade de tweets et de communiqués de presse avec lesquels des dizaines de journalistes ont pu suivre l’avancée des talibans en Afghanistan. En fait, il n’est autre que le porte-parole, le nom qui se cache derrière la pluie de déclarations des étudiants coraniques, comme le rapporte Mauro Indelicato dans le journal italien «Il Giornale».
Qui est vraiment Zabihoullah Moujahid ?
C’est précisément pour cette raison que l’activisme social de Zabihoullah n’est pas passé inaperçu. Notamment en août, une moyenne de 20 tweets par jour a contribué à la reconstruction de la victoire des talibans dans le pays. Pourtant, jusqu’à ce 18 août, personne ne connaissait son vrai visage. Mais il n’est pas certain que celui qui a parlé à Kaboul soit réellement Zabihoullah Moujahid.
Officiellement, ce nom est utilisé pour désigner le porte-parole des talibans depuis 2007, année de l’arrestation de son prédécesseur Mohammed Hanif. Le groupe islamiste vivait dans la clandestinité et menait une guérilla contre le gouvernement de Kaboul et les forces internationales dirigées par les États-Unis. Il n’est donc pas étonnant que depuis lors et jusqu’au 18 août les étudiants coraniques n’aient jamais organisé de véritable conférence de presse.
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Et, par conséquent, il n’est pas surprenant que le visage de Zabihoullah n’ait jamais été vu avant l’arrivée du groupe dans la capitale afghane. Cependant, l’activisme de Zabihoullah a surpris les journalistes qui ont suivi les événements des talibans. Ces derniers ont publié des dizaines de communiqués même au cours des années qui ont précédé leur reconquête. Le porte-parole semblait tenir un bureau de presse digne d’un gouvernement ou d’une grande entreprise.
D’où le doute : existe-t-il vraiment un Zabihoullah Moujahid ? Lyse Doucet, journaliste à la BBC, a souvent évoqué la rumeur selon laquelle celui qui est connu des talibans n’est qu’un pseudonyme. En d’autres termes, il y aurait plus d’un porte-parole qui signent tous d’un nom : celui de Zabihoullah Moujahid. Un soupçon également endossé par le journaliste Mat Nashed, qui a signalé en 2019 la forte conviction des services secrets américains selon laquelle, derrière le nom officiel du porte-parole, se cachent des dizaines de talibans capables d’organiser un service de propagande efficace.
Il y a ceux qui, parmi les analystes qui ont traité la question afghane ces dernières années, ont entendu Zabihoullah par téléphone. Moktar Wafayi, un journaliste de Kaboul, était l’un d’entre eux. Et sur le site Ozy, il a fait état d’une voix qui n’était pas toujours la même, à chaque fois que le numéro attribué au porte-parole des talibans se déclenchait.
Le seul journaliste à l’avoir vu, avant le 18 août, était Nic Robertson en 2009. L’analyste de CNN l’a interviewé par vidéo mais son visage était couvert et sa voix déguisée pour ne pas être reconnue. Deux ans plus tard, Robertson a déclaré au New York Times qu’il avait vu une personne d’une trentaine d’années devant lui. Mais du même journal américain, en écoutant d’autres sources supposées comme proches de Zabihoullah, a révélé que l’insaisissable porte-parole des talibans avait au moins 50 ans.
Les talibans eux-mêmes, peu de temps après l’interview de 2009, ont rapporté que Robertson avait été confronté à un charlatan. Pour le renseignement américain, cependant, la personne interrogée n’était autre que l’un des nombreux personnages qui utilisent le pseudonyme de Zabihoullah Moujahid.
Qui dirige l’information des talibans ?
Lorsque, le 18 août, ajoute Mauro Indelicato dans son décryptage, un homme au turban blanc s’est présenté comme Zabihoullah Moujahid devant des journalistes à Kaboul, étaient nombreux ceux qui ont pensé avoir enfin découvert l’identité du mystérieux porte-parole. Quelques jours plus tard, le doute est revenu parmi de nombreux experts afghans. Cet homme aux phrases rassurantes, qui, devant les caméras du monde entier, a parlé du « pardon » des talibans envers les collaborateurs de l’Occident, ne pouvait pas être Zabihoullah. En fait, Zabihoullah, n’existe peut-être pas mais, au contraire, il peut y avoir une multitude de personnes qui guident la relation avec la presse.
Le détail n’est en aucun cas secondaire. En effet, on ne sait pas qui gère réellement les informations en provenance des talibans ; qui garde le contrôle des relations avec les journalistes, reporters et agents des services secrets. Ne pas connaître l’origine des sources talibanes signifie ne pas avoir accès à la propagande, complexe mais fonctionnelle, des étudiants coraniques.