Yémen: la guerre oubliée risque de provoquer une catastrophe humanitaire à Marib

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(Rome, 26 décembre 2021). Au moins un million de réfugiés risquent de se retrouver entre les mains des rebelles chiites Houthis

Un conflit oublié au Moyen-Orient existe, et risque de provoquer une catastrophe humanitaire aux proportions « bibliques ». Selon l’analyse de la Rédaction de l’agence italienne «Nova News», au moins un million de réfugiés fuyant la guerre au Yémen risquent de se retrouver entre les mains des rebelles chiites Houthis à Marib, dernier bastion du gouvernement internationalement reconnu dans le nord du pays et seule zone dotée d’infrastructures d’extraction pétrolière. Les ambassadeurs au Yémen d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Royaume-Uni et des États-Unis ont récemment exprimé leur profonde inquiétude face à l’offensive des forces pro-iraniennes lancée contre Marib qui a débuté en février 2021. Mais les manœuvres militaires des rebelles ne sont pas les seules à susciter l’inquiétude. Des centaines de milliers de personnes déplacées des provinces du nord occupées par les rebelles chiites Houthis depuis 2014, dont la capitale Sanaa, ont trouvé refuge dans la province et la ville de Marib. Comme le rapportent également les agences de l’ONU, la situation humanitaire dans les camps est désastreuse : les services de base, tels que le chauffage et l’eau courante, font défaut. En novembre et décembre, selon la chaîne de télévision « Al Arabiya », trois enfants hébergés dans des camps de réfugiés près de Marib sont morts de froid. La chute éventuelle de Marib aggraverait encore la situation de la population yéménite. Le 22 décembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré qu’il était «contraint» de réduire son aide au Yémen en raison du manque de fonds et a prévenu que la faim dans ce pays déchiré par la guerre pourrait s’aggraver au cours des prochains mois, ce qui pourrait affecter au moins 16 millions de personnes, sur une population d’environ 29 millions. « À partir de janvier, huit millions de personnes recevront une ration alimentaire réduite, tandis que cinq millions présentant un risque immédiat de sombrer dans des conditions de famine continueront de recevoir une ration complète », a indiqué l’agence onusienne dans un communiqué.

Dans une interview accordée à «Nova» en novembre, Abdallah bin Abdelaziz al Rabeeah, directeur général du Centre saoudien d’aide et de secours humanitaires, a qualifié les événements de Marib d’«alarmants» : « Les milices houthies ont attaqué des femmes, des enfants, écoles et hôpitaux en violation de tous les principes humanitaires et du droit international. Nous, la communauté internationale et les médias devrons nous opposer fermement à ces actions et tout faire pour empêcher une nouvelle aggravation de la situation dans la ville et ses environs ». Selon Timothy Lenderking, envoyé spécial des États-Unis pour le Yémen, l’offensive à Marib sera un tournant décisif dans le passage d’une solution militaire à une solution politique. Préservée de la guerre jusqu’en 2020, Marib abrite au moins un quart des quelque quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du Yémen : les femmes et les enfants représentent environ 80 pour cent des déplacés dans le gouvernorat riche en pétrole et en gaz, donc essentiel pour la survie économique du faible gouvernement yéménite. Le dossier pourrait être amené à la table des négociations à Vienne, où l’Iran espère mettre fin aux sanctions internationales en échange de garanties sur son programme nucléaire mais aussi sur les activités de Téhéran dans la région. La relation qui lie les Houthis et l’Iran est cependant beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, comme l’a montré la mystérieuse histoire de l’ambassadeur iranien auprès du gouvernement non reconnu des Houthis, Hassan Irloo, décédé officiellement du Covid-19 le 21 décembre dernier après avoir été transféré en Iran sur un vol irakien grâce à la coopération des Saoudiens. Selon le « Wall Street Journal », le mouvement chiite pro-iranien avait en effet l’intention d’expulser des zones sous son contrôle le « diplomate » iranien des zones qu’il contrôle, qui était en réalité un membre des Gardiens de la révolution introduit clandestinement au Yémen l’année dernière et nommé ambassadeur de Téhéran. Les forces houthies, explique le journal américain, avaient demandé à l’Arabie saoudite, qui maintient un ferme blocus aérien sur la capitale du Yémen, d’autoriser le retour du diplomate en Iran, une demande perçue par les autorités de Riyad comme un signe de tension entre Téhéran et le groupe militant jusque-là soutenu par la République islamique.

Pendant son séjour à Sanaa, Irloo avait contribué à aider les Houthis dans la planification des opérations militaires, mais son influence au Yémen a renforcé une perception négative dans le pays selon laquelle les rebelles chiites sont trop dépendants de Téhéran. Après sept ans de guerre civile, les rebelles chiites contrôle toujours Sanaa, la capitale, et gouvernent une grande partie du nord du pays et sont perçus à l’étranger comme un « mandataire » de l’Iran. Le transfert d’Irloo, officiellement pour des raisons humanitaires, a eu lieu via un avion-cargo fourni par l’Irak qui a été autorisé par la coalition saoudienne à atterrir et décoller de l’aéroport de Sanaa puis à se rendre à Téhéran. Son transfert aurait eu lieu en échange de la libération de certains otages saoudiens de premier plan aux mains des rebelles chiites. Les Iraniens ont accusé Riyad de la mort d’Irloo en raison du retard de son transfert pour des raisons de santé. Une aura de mystère plane sur le cas de l’ambassadeur d’Iran. En effet, ajoute l’agence Nova, plusieurs observateurs ont émis des soupçons selon lesquels Irloo n’était pas en réalité que le général du pasdaran Abdelreza Shahlai, envoyé au Yémen sous un faux nom et a échappé à une frappe américaine menée par des drones à Sanaa en janvier 2020, au même moment où à Bagdad, le commandant de la Force Qods du pasdaran Qassem Soleimani et les chefs des milices chiites irakiennes, ont été tués.

La guerre civile au Yémen dure depuis 2015. Suite à l’occupation du nord du pays, dont la capitale Sanaa par des miliciens pro-iraniens houthis, le président Abd Rabbo Mansour Hadi et son gouvernement, actuellement basé provisoirement à Aden, ont demandé l’intervention des pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Émirats, qui ont formé en avril 2015 une coalition militaire pour soutenir les forces gouvernementales dans le conflit. «Houthi», est à l’origine le nom d’un clan yéménite, et non d’une secte ou d’un groupe religieux. Plus tard, un mouvement de combattants rebelles appelé Ansar-Oullah a adopté ce nom comme nom officiel, après que leur fondateur et chef principal, Hussein Badreddin al Houthi, ait été tué en 2004, ce qui a donné lieu à l’insurrection dite Houthi.