(Rome, 06 décembre 2021). Les deux dirigeants ont une longue liste de points de désaccord supplémentaires, allant du traitement des opposants russes aux attaques de pirates informatiques en passant par l’accusation mutuelle d’ingérence dans leurs processus électoraux respectifs
L’Ukraine, avec des informations américaines faisant état d’une invasion imminente par Moscou, sera le thème crucial de l’appel vidéo, prévu pour demain (à 16 heures, heure d’Italie) entre les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden, comme le rapporte l’agence italienne «AGI». A l’heure où la Russie masse des troupes à la frontière ukrainienne (indiquant que c’est son droit souverain de déplacer des soldats sur son territoire), l’éventualité d’une invasion est vivement débattue entre experts.
Certains observateurs estiment que la menace sert avant tout au président russe de moyen de pression, visant à obtenir un nouveau face-à-face avec Biden, ainsi que des garanties que l’Ukraine ne rejoindra pas l’OTAN. Les deux dirigeants ont une longue liste de points de désaccord supplémentaires, qui se sont accumulés ces derniers mois et vont du traitement des opposants russes aux attaques de pirates informatiques en passant par l’accusation mutuelle d’ingérence dans leurs processus électoraux respectifs.
Mais c’est l’ampleur des mouvements des troupes de Moscou – qui s’apprêteraient à lancer une offensive début 2022 impliquant jusqu’à 175.000 hommes, selon les révélations du Washington Post – qui a le plus alarmé Washington et ses alliés européens (que le Financial Times affirme que les États-Unis auraient convaincu de la menace réelle). Notons que le ministre de la Défense ukrainien a affirmé que 94.000 étaient déjà déployés. « Biden mettra en évidence ses préoccupations concernant les activités militaires russes à la frontière et réitérera son soutien à Kiev », a déclaré Jen Psak, porte-parole de la Maison Blanche, selon qui les discussions porteront également sur « la stabilité régionale, stratégique et la cyber-sécurité ».
Seront également évoquées les relations bilatérales – dont le Kremlin a qualifié de « plutôt déplorable » – et la mise en œuvre des accords conclus à Genève cet été, lors de la seule rencontre à ce jour entre les deux dirigeants. Le dernier entretien téléphonique entre les deux hommes remonte au 9 juillet. « Nous pensons que ce sera une vidéoconférence longue et substantielle », a déclaré le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov. Poutine insistera sur ce qui est déjà demandé à Genève, à savoir « des garanties de sécurité légales et contraignantes » que l’OTAN ne s’étendra pas davantage à l’Est. Une ligne rouge que le Kremlin a averti à plusieurs reprises qu’il ne tolérerait pas. Kiev, pour sa part, refuse catégoriquement d’abandonner le projet de rejoindre l’Alliance atlantique : s’il était membre de l’OTAN, les alliés, les Etats-Unis en tête, seraient tenus d’intervenir militairement pour le défendre en cas d’agression. .
Biden a déjà répondu qu’il « n’accepte pas les lignes rouges » de Moscou et a anticipé qu’il préparerait « une série de mesures » pour défendre l’Ukraine en cas d’attaque militaire. A ce sujet, Washington aurait discuté avec des partenaires européens de la possibilité d’imposer de nouvelles sanctions contre Moscou. Pour sa part, le chef du Pentagone Lloyd Austin, a assuré que les États-Unis sont déterminés à fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin pour protéger son territoire. Les deux présidents « devraient se mettre d’accord sur l’application des accords de Minsk, c’est le seul moyen » de résoudre la crise ukrainienne, selon le directeur du « Carnegie Center » (un groupe de réflexion basé à Moscou qui se concentre sur la politique intérieure et étrangère, créé en 1994, ndlr), Dmitri Trenin.
« Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’est pas un interlocuteur accepté à Moscou, et l’Allemagne et la France ne sont plus considérées par le Kremlin comme pouvant faire pression sur Kiev pour qu’il respecte les accords », ajoute AGI. « Les pourparlers de demain pourraient ouvrir la voie au dialogue », mais « il ne faut pas trop en attendre », a commenté l’un des analystes les plus respectés de Russie, Fiodor Loukianov. Jusqu’à présent, les seuls progrès dans les relations entre les deux pays ont été réalisés sur la stabilité stratégique et le climat.
« Aucun résultat concret ne viendra demain », a-t-il ajouté, assurant toutefois que même en cas d’échec, les hostilités ne commenceront pas. « C’est de l’hystérie alimentée par l’Occident », a expliqué Loukianov, « une guerre éclate de manière inattendue et si celle-ci devait commencer, elle se fera d’une manière différente ».