Tout est prêt pour la rencontre entre les Emirats et l’Iran

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(Rome, 01 décembre 2021). Les Émiratis et les Iraniens se rencontreront bientôt selon des informations émanant de la voix diplomatique la plus influente d’Abou Dhabi. La détente tactique est prête entre les deux pays rivaux

La nouvelle tant attendue est arrivée : dans son article, Emanuele Rossi du quotidien «Formiche», souligne que les Émirats arabes unis enverront une délégation de haut niveau en Iran, confirmant un rapprochement entre deux rivaux stratégiques qui progresse depuis un certain temps. Aucune date n’a été précisée, mais Anwar Gargash, le conseiller diplomatique du président émirati, interrogé lors d’une conférence de presse, a ainsi répondu : « le plus tôt sera le mieux, et j’espère que tous nos amis en sont conscients ».

Gargash quand il parle, ses déclarations visent toujours un message, et dans ce cas l’objectif n’est pas tant Téhéran que Riyad et Washington. Si, comme l’expliquait Giuseppe Dentice, les Saoudiens souffrent de la lourdeur de leur propre rôle et de leur structure interne face à la plus grande agilité d’action des Emiratis, les Américains acceptent largement des formes de stabilisation dans la région – à travers laquelle ils peuvent réaliser le désengagement stratégique prévu – mais ils veulent éviter des soubresauts excessifs (comme cela s’est produit avec la Syrie). Gargash dit : nous allons le faire, mais faites-nous confiance pour le faire correctement.

Le négociateur en chef du nucléaire iranien, le vice-ministre des Affaires étrangères Ali Bagheri Kani, a rencontré Gargash et d’autres responsables émiratis le 24 novembre : une rencontre très rare, même si c’est à partir de 2019 que les Emirats ont commencé à déployer des efforts visant à établir des relations avec l’Iran. C’était l’époque où les pétroliers au large des eaux du Golfe faisaient fréquemment l’objet d’attaques et, en septembre de la même année, les infrastructures énergétiques saoudiennes ont été lourdement endommagées par des drones et des missiles lancés par les rebelles yéménites – qui disposent de matériel militaire provenant des Pasdaran, bien que nié par les deux parties.

Les Emirats et l’Iran sont sur des positions opposées tant dans l’interprétation de l’islam que dans les ambitions géopolitiques régionales. Néanmoins, tous deux perçoivent la nécessité d’exploiter ce moment positif pour initier une dynamique et des dialogues. L’objectif crucial est d’éviter des escalades potentiellement incontrôlables qui pourraient conduire à un conflit désastreux ; réflexion tactique. L’Arabie saoudite a également entamé des pourparlers directs avec l’Iran en avril : Riyad les qualifie d’«amicaux», mais largement exploratoires, loin des solutions efficaces.

« Les Iraniens reconnaissent qu’ils doivent reconstruire les ponts avec le Golfe. Nous le relevons positivement », a déclaré Gargash. Téhéran est en effet isolé, le dialogue avec les pays du Golfe – hostiles à la République islamique – peut aussi être utile comme forme de contact intermédiaire avec Washington, ajoute Emmanuele Rossi dans son analyse. En revanche, ces pays, tous alliés des États-Unis, sont en fait intéressés à maîtriser la dynamique de la recomposition du JCPOA, tout comme ils l’étaient il y a six ans lors de l’élaboration de l’accord nucléaire iranien. Des contacts directs avec Téhéran sont également nécessaires dans ce cadre : si les partenaires régionaux acceptent de parler avec les Iraniens, Washington ira dans une direction plus souple. Spécifiquement pour les Emiratis, d’ailleurs, les relations avec l’Iran doivent également être vues du côté israélien : Abou Dhabi est un nouvel allié de Jérusalem grâce aux accords abrahamiques et l’État hébreu communique avec la République islamique.

Abou Dhabi partage toujours les mêmes inquiétudes quant aux activités régionales menées par l’Iran par le biais de milices chiites liées : des groupes idéologiquement hostiles aux royaumes sunnites du Golfe et à Israël. Cependant, il souhaite travailler à l’amélioration des liens. A la question de savoir si les Émirats arabes unis se coordonnaient avec l’Arabie saoudite sur les mouvements iraniens, Gargash a répondu qu’ils « maintenaient les alliés régionaux dans le tableau ». Le conseiller émirati a ajouté qu’Abou Dhabi partageait la préoccupation saoudienne concernant les attaques de missiles du Yémen par le mouvement Houthi allié de l’Iran contre les villes saoudiennes. Une position logique.