(Rome, 30 novembre 2021). L’impasse continue et la fin de la guerre est encore loin. Cependant, ces dernières semaines, des épisodes qui se sont produits au Yémen, ont eu un impact sur le poids politique et militaire des différentes parties impliquées. En effet, après des années de discorde, les Houthis ont finalement conquis la ville portuaire de Houdaida. Début novembre, les forces sous commandement saoudien ont décidé de se retirer, laissant ainsi le champ libre au groupe chiite, comme le rapporte Mauro Indelicato dans le journal «Il Giornale/Inside Over». Il y a aussi un autre front important à surveiller, à savoir celui de Ma’rib. Une importante cité pétrolière, les Houthis ont également progressé dans cette région.
Un avantage stratégique pour les Houthis
Le début de la guerre au Yémen remonte à mars 2015, lorsqu’une coalition commandée par les saoudiens a lancé une série de raids contre les milices dites Houthis, du nom de la famille qui contrôle le parti Ansaroullah. Ce dernier est une formation majoritairement chiite capable de gagner des positions, également grâce au soutien de l’ancien président Saleh et de la Garde présidentielle, dans le nord du pays. Après avoir pris la capitale Sanaa en 2014, l’Arabie saoudite a commencé à émettre l’idée d’une intervention directe. Trop dangereux, dans la logique de Riyad, de voir la consolidation de forces chiites, et donc proches de l’Iran, dans un pays voisin. Depuis lors, le conflit n’a jamais connu d’accalmie. Et, surtout, il n’a jamais vu la prédominance d’une force aux dépens d’une autre. Les Saoud avaient parié sur un effondrement rapide des Houthis, une circonstance qui ne s’est toutefois jamais réalisée. Au contraire, ce sont aujourd’hui les miliciens chiites qui sont dans une position avantageuse. En territoire yéménite, il y a deux fronts principaux où se déroulent les combats : Houdaida et Ma’rib.
La première est une ville portuaire de grande valeur stratégique. En fait, c’est le débouché de Sanaa vers la mer. Pour les chiites, la contrôler, signifie avoir une bonne partie du pays en main et pouvoir relancer le commerce et l’aide humanitaire. C’est pourquoi la coalition pro-saoudienne tente de la conquérir depuis des années. Le front est rapidement entré dans une impasse difficile. Début novembre, la coalition saoudienne a annoncé un retrait de Houdaida. Un retournement ordonné, visant à éviter de nouvelles pertes compte tenu de l’impossibilité de défendre les positions. La côte autour du port le plus important du nord du Yémen est désormais entièrement aux mains des Houthis.
Quant à l’autre front, celui de Ma’rib. C’est ici que l’impasse règne en maître. Mais la milice chiite avance depuis des semaines déjà et a quasiment encerclé la ville. L’occuper, pour les miliciens, signifierait obtenir un autre avantage stratégique, celui d’avoir un accès facile aux ressources pétrolières de la région. De manière générale, le retrait saoudien de Houdaida et l’avancée des Houthis à Ma’rib offrent un double avantage stratégique important à Ansaroullah. A engager éventuellement des pourparlers entre les parties, jamais entamés mais fortement espéré par l’ONU.
Mais l’impasse est destinée à continuer
Le double avantage des Houthis ne signifie pas que les chiites vont gagner la guerre et s’emparer entièrement du Yémen, ajoute Mauro Indelicato. Au contraire, la situation est beaucoup plus complexe. Les chiites ont consolidé le contrôle de « leur » territoire, avançant également dans certains points stratégiques du pays. Mais ils n’ont pas la force nécessaire pour conquérir toutes les régions. De leur côté, les Saoudiens, malgré un avantage technologique incontestable et la maîtrise du ciel, n’ont pas été en mesure de briser la résistance Houthi. La coalition, qui soutient l’armée régulière et le gouvernement du président Hadi et est également soutenue par des mercenaires sur le terrain, contrôle une grande partie du sud du Yémen. Mais il doit aussi composer avec des groupes indépendantistes basés à Aden, la deuxième ville yéménite, qui était contrôlée par les Émirats arabes unis. Il existe également une autre région, le désert oriental, aux mains de formations liées à Al-Qaïda et à l’EI.
Le Yémen est donc fragmenté et divisé. Aucun des acteurs de terrain n’est en mesure de réunifier le pays par des moyens militaires. Mais les progrès dans les sphères politique et diplomatique sont quasi inexistants. Et la situation humanitaire est devenue de plus en plus dramatique, où des millions de familles yéménites n’ont pas accès à la nourriture, aux produits de première nécessité et aux médicaments.