« M. Ahmed Nasser al-Raisi a été élu au poste de président », a indiqué Interpol sur Twitter, rapportée par «Radio France Internationale». La fonction de président est essentiellement honorifique – le vrai patron de l’organisation étant son Secrétaire général -, mais des organisations de défense des droits de l’Homme et des élus européens s’étaient opposés à l’élection de M. al-Raisi, estimant qu’elle porterait atteinte à la mission d’Interpol.
Le président d’Interpol, désigné pour quatre ans, occupe ses fonctions à temps partiel et de façon bénévole et conserve ses fonctions dans son pays d’origine. C’est le secrétaire général Jürgen Stock, renommé pour un second mandat de cinq ans en 2019, qui assure la gestion des affaires courantes.
Pour autant, nombre d’observateurs s’inquiètent d’une arrivée de M. al-Raisi à la présidence de l’organisation. « Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général al-Raisi porterait atteinte à la mission et à la réputation d’Interpol et affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission », écrivaient mi-novembre, à la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, trois députés européens dont Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.
En octobre 2020, dix-neuf ONG, dont Human Rights Watch (HRW), s’inquiétaient déjà du choix possible du général émirati, « membre d’un appareil sécuritaire qui prend systématiquement pour cible l’opposition pacifique ». En parallèle, plusieurs plaintes pour « torture » contre M. al-Raisi ont été déposées ces derniers mois en France, où siège l’organisation, et en Turquie, pays hôte de l’Assemblée générale qui se tient à Istanbul depuis mardi.
L’ONG Gulf Centre for Human rights (GCHR) accuse dans l’une de ces plaintes le général émirati d’ « actes de torture et de barbarie » contre l’opposant Ahmed Mansour, détenu depuis 2017 dans une cellule de 4 m2 « sans matelas ni protection contre le froid », ni « accès à un médecin, à l’hygiène, à l’eau et aux installations sanitaires ». Ces procédures n’ont pas abouti jusqu’ici, ajoute RFI.
« Il ne peut pas se cacher des allégations très graves qui pèsent sur lui, nous appelons Interpol à remplir son devoir fondamental d’enquêter sur ces crimes choquants ». C’est ainsi que l’avocat international Rodney Dixon a commenté l’élection du général émirati al Raisi à la présidence d’Interpol, qui a déposé ces derniers jours une plainte contre lui pour torture à Istanbul, comme le rapporte le quotidien «Blue News». Le bureau du procureur de la ville du Bosphore a demandé au ministère de la Justice l’autorisation d’ouvrir une enquête contre al Raisi, qui est accusé d’avoir supervisé la détention arbitraire et la torture de Matthew Hedges et Ali Ahmad Issa, des ressortissants britanniques arrêtés aux Émirats entre 2018 et 2019, alors qu’al Raisi occupait déjà le poste d’inspecteur général du ministère de l’Intérieur émirati. « Je suis très inquiet de ce que [l’élection de Raisi] peut signifier pour des personnes comme moi qui ont été maltraitées aux Émirats et forcées de faire des aveux sous la torture », a déclaré le Britannique Matthew Hedges, qui a été détenu pendant sept mois à l’isolement en 2018, accusé d’espionnage pour le gouvernement britannique alors qu’il se trouvait aux Émirats pour effectuer des recherches. « Je pense honnêtement que le résultat de cette élection a été décidé à l’avance », a commenté Ali Ahmad Issa, l’autre citoyen britannique qui a fait état de tortures subies en 2019 par la police émiratie après avoir été arrêté pour avoir porté un maillot de l’équipe de football du Qatar lors d’un événement sportif.