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Le message inquiétant de Pékin

(Rome, Paris, 10 novembre 2021). Les images semblent parler d’elles-mêmes : l’armée chinoise utilise des silhouettes de porte-avions et de destroyers américains pour tester des missiles. Des images satellites dévoilées par « Usni News », le site de l’US Naval Institute, avec l’aimable autorisation de la société Maxar, montrent les silhouettes d’un porte-avions et de deux destroyers de la classe Arleigh Burke dans le désert du Taklamakan. Un site qui n’est pas nouveau pour le renseignement américain, puisqu’un autre site d’essai de missiles balistiques était situé à proximité

Selon les enquêtes menées par des analystes américains, le centre d’essais de missiles, située dans la partie nord-ouest de la région turbulente du Xinjiang, a commencé ses travaux au printemps 2019, achevés en octobre de cette année. Un site où l’armée chinoise s’entraîne sur des cibles à l’échelle 1:1, parfaitement similaires dans leur structure à celles qui pourraient être touchées en cas de guerre dans le Pacifique, comme l’explique Lorenzo Vita dans son décryptage dans le quotidien «Il Giornale/Inside Over».

Le précédent iranien

L’image est très évocatrice. Et force est de constater qu’elle attire l’attention des analystes américains. Une opération similaire a également été menée par l’Iran, qui avait déjà utilisé en 2020 un modèle de porte-avions américain comme cible pour des essais de missiles dans le détroit d’Ormuz. À cette occasion, l’Iran a utilisé une barge convertie en une copie d’un porte-avions américain, de classe Nimitz, avec des avions sur le pont d’envol. La Marine des Gardiens de la Révolution, les Pasdaran, a si « bien » fait son travail qu’elle a coulé le faux porte-avions, même si certains experts ont douté de la réelle volonté iranienne de le couler. Au contraire, selon l’expert en affaires navales H. I. Sutton, le navire cible « n’est pas destiné à couler ». En effet, selon ce dernier, la barge était « conçue pour être réutilisable » et pour cette raison elle avait déjà été « symboliquement » détruite au moins deux fois. Le fait qu’elle ait réellement été coulée, et à un endroit où elle n’aurait pas dû l’être, rend plausible l’idée que la Marine des Pasdarans ait commis l’erreur par « excès de zèle ». D’autant que la coque de la barge, renversée sur un côté, se situait juste avant l’entrée du port de Bandar Abbas. Il représentait donc un danger tant pour la marine iranienne que pour les navires engagés dans les opérations d’entrée et de sortie du port.

Double message au Pentagone

Le cas chinois est certainement différent. Mais l’utilisation par Pékin de maquettes de navires de la septième flotte américaine (celle du Pacifique) comme cibles pour les essais de missiles constitue en tout cas un message clair. Pour la République populaire, ce ne sont donc pas seulement des tests de ses capacités militaires, mais aussi un outil de propagande utile. Messages de défi à un ennemi qui, de l’autre côté du Pacifique continue de déplacer sa flotte pour limiter l’expansion de la marine chinoise. Et ce n’est pas un hasard si les navires choisis pour ce type d’exercices sont ceux qui ont tendance à naviguer autour des eaux de Taïwan.

Pour le Pentagone, poursuit Lorenzo Vita, l’alarme a été tirée depuis un certain temps. En fait, l’enjeu n’est pas tant lié à l’utilisation par les forces chinoises des silhouettes des navires américains. Cela pourrait être une méthode peu orthodoxe pour manifester sa rivalité contre un adversaire dont tout le monde sait déjà qui est le véritable ennemi stratégique de la Chine. En revanche, ce qui préoccupe la Défense américaine, outre la décision de Pékin de frapper des cibles « américaines », c’est que ces essais signalent une croissance constante de la menace des missiles chinois. La puissance asiatique, qui mise depuis des années sur un fort développement technologique dans le domaine de la guerre et notamment dans ce domaine de la balistique, apparaît désormais capable de bouleverser l’équilibre stratégique du monde. Et si cela est vrai pour les armes les plus voyantes et les plus modernes, comme cela a pu être le cas du missile hypersonique testé par Pékin cette année lors d’un essai révélé par le Financial Times, il en va de même pour ces systèmes anti-navires, qui sont plutôt particulièrement important quant à leur utilisation potentielle en mer de Chine méridionale, et dans le détroit de Taïwan. Le site du désert de Taklamakan sert précisément à cette fin. Et l’impression est que les forces chinoises sont devenues de plus en plus riches en armements et de plus en plus capables de les utiliser avec succès contre leurs ennemis.

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