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Irak: l’ombre des milices pro-iraniennes derrière l’attentat contre le Premier ministre Al Kadhimi

(Rome, 08 novembre 2021). Trois drones chargés d’explosifs ont frappé hier la résidence du premier ministre dans la « zone verte » de Bagdad

Selon la Rédaction de l’agence italienne «Nova News», l’ombre des milices pro-iraniennes plane sur l’attaque contre le premier ministre irakien, Moustafa al Kadhimi, qui a eu lieu hier matin et a été perpétrée à l’aide de trois drones chargés d’explosifs qui ont touché la résidence du premier ministre dans la « zone verte » de Bagdad, le centre de la ville qui abrite non seulement la résidence du premier ministre mais aussi des ambassades étrangères. Al Kadhimi est sorti indemne de l’attaque, mais sept agents de sa sécurité ont été blessés. L’attaque a eu lieu à la fin d’un week-end qui a commencé par des affrontements armés dans la capitale entre des manifestants de la faction chiite pro-iranienne, l’Alliance al Fatah, et les forces de sécurité gouvernementales qui se sont soldés par 125 blessés et quatre morts, selon certaines sources non officielles. A l’heure actuelle, aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité de cette action menée selon les méthodes déjà utilisées par les milices pro-iraniennes non seulement en Irak, mais aussi au Yémen voisin, où les rebelles chiites Houthis, soutenus par Téhéran, ont signé plusieurs attaques avec des drones piégés pour éliminer des membres importants des forces gouvernementales soutenues par l’Arabie saoudite. Après l’attentat d’hier, le soutien et la solidarité des acteurs régionaux et internationaux envers Al Kadhimi ne se sont pas fait attendre, tandis que d’importants déploiements des forces de sécurité irakiennes ont bouclé la « zone verte » de Bagdad.

L’attaque contre le Premier ministre Al Kadhimi intervient à un moment délicat pour l’Irak et pour l’exécutif de Bagdad, engagés dans la difficile tâche de maintenir la paix et la stabilité entre les différentes factions après les élections du 10 octobre dernier. Ces élections ont vu une débâcle de l’Alliance Fatah, branche politique des Unités de mobilisation populaire (les milices chiites pro-iraniennes, UMP, qui ont mené la guerre contre l’État islamique) qui n’ont obtenu que 15 sièges sur 329, contre 48 obtenus lors des précédentes élections en 2018. Les partis pro-iraniens, qui craignent un second mandat d’Al Kadhimi, ont dénoncé des fraudes et des trucages lors des élections qui, selon eux, seraient à la base du succès remporté par la coalition Al thaïroun, du leader politique religieux chiite Moqtada al Sadr. Les brigades du Hezbollah ont qualifié les élections du mois dernier de « pires » depuis 2003. Des sources sécuritaires irakiennes citées par la presse internationale accusent les milices chiites d’avoir perpétré l’attaque, dont les dirigeants iraniens auraient également été informés, mais qui n’auraient pas eu de rôle dans l’attaque, ni ne l’auraient pas non plus empêchée.

L’Iran a rapidement nié toute implication dans l’attaque contre le Premier ministre irakien. « La tentative de tuer Al Kadhimi est une nouvelle sédition qui doit être attribuée à des groupes étrangers », a déclaré le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, Ali Chamkhani. Selon certaines sources, Téhéran a envoyé à Bagdad déjà hier peu après l’attentat, le commandant de la Force al-Qods, la branche du corps des Gardiens de la Révolution islamique (les Pasdarans) chargée des opérations hors des frontières nationales, Esmail Qaani, qui a rencontré les chefs des milices chiites leur demandant d’éviter une escalade de la violence. « Téhéran n’était pas au courant du projet visant à tuer le Premier ministre Moustafa al Kadhimi ni de la partie qui se cache derrière ce plan », a déclaré Qaani cité par l’agence de presse irakienne « Shafaq News » après avoir rencontré le Premier ministre Al Kadhimi. Le commandant de la Force d’al-Qods, qui s’est également entretenu avec le président irakien Barham Saleh, a appelé les factions chiites à « reconnaître les résultats des élections et à unifier le front chiite afin de participer en tant que protagonistes à la prochaine phase » de la formation de l’exécutif de Bagdad.

La débâcle des factions pro-iraniennes lors des élections et le renforcement de Moqtada al Sadr, qui dispose lui-même d’une puissante milice armée, inquiète Téhéran. La nouvelle direction conservatrice conduite par Ebrahim Raïssi, ajoute Nova, craint d’une part de perdre son influence en Irak et continue pour cette raison d’apporter son soutien aux partis proches des UMP contre la faction d’Al Sadr, qui s’oppose aux ingérences étrangères dans le pays. Cependant, dans le même temps, l’Iran craint une escalade de la violence en Irak, préférant maintenir un climat de tension latente, mais sans confrontation ouverte qui affaiblirait sa position. Les relations entre Al Kadhimi, Téhéran et les milices pro-iraniennes ont toujours été très tendues et complexes. En effet, en 2020, le Premier ministre Al-Kadhimi avait manifesté à plusieurs reprises son intention de placer les Forces de mobilisation populaire (UMP) de plus en plus sous l’égide des Forces armées de l’État, un choix peu apprécié par Téhéran, qui entretient d’excellentes relations politiques et économiques avec la plupart des milices chiites irakiennes. Ainsi, à plusieurs reprises, au cours de l’été 2020, des roquettes de fabrication iranienne ont frappé des cibles à l’intérieur de la zone verte de Bagdad, au même moment où des manifestations organisées par des partis pro-iraniens faisaient pression sur des personnalités du gouvernement et sur le Premier ministre lui-même. Fin mai, des milices chiites ont encerclé les bureaux du Premier ministre irakien après l’arrestation de Qassem Mousleh, le commandant des opérations des UMP dans la région d’al-Anbar, accusé d’avoir ordonné l’assassinat d’Ihab Al Wazni, un militant de premier plan dans les manifestations pro-réformes et anti-régime qui ont eu lieu à Karbala début mai. La réaction violente des UMP et le risque d’attentats contre le Premier ministre irakien ont contraint la police à libérer Mousleh et à abandonner les poursuites à son encontre.

En ce moment, l’Iran joue un jeu délicat sur plusieurs fronts, d’abord celui de l’accord nucléaire, essayant de montrer sa force aux pays occidentaux et à ses rivaux régionaux par des attaques menées par des milices alliées ou par des actions visant à perturber la navigation le long des routes pétrolières du golfe Persique et de la mer d’Oman. Le 20 octobre, des drones armés ont frappé la base d’Al-Tanf en Syrie, qui abrite les forces de la coalition dirigée par les États-Unis contre l’État islamique. Bien qu’il n’y ait aucune revendication, selon Washington, l’attaque est attribuable aux milices pro-iraniennes actives dans le gouvernorat de Homs (Syrie). Entre-temps, après des mois d’annonces et de négociations avec les signataires européens (France, Royaume-Uni et Allemagne) du Plan d’action global conjoint (JCPOA) le 3 novembre, l’Iran a accepté de relancer la Commission mixte du Plan d’action global (JCPOA) à Vienne le 29 novembre. Les pourparlers de la Commission mixte du plan JCPOA ont pris fin en juin, après six cycles de réunions ayant débuté en avril dernier. Ceux du 29 novembre seront les premiers pourparlers auxquels participeront des délégués du nouveau gouvernement iranien conservateur du président Raïssi, qui ces derniers mois, a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne souhaitait pas reprendre le dialogue après l’impasse dans laquelle se trouvait l’administration modérée de l’ancien président Hassan Rohani.

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