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Les derniers jours des espions: fermeture de la base russe au cœur de l’OTAN

(Rome, 29 octobre 2021). Le commentaire de Sergueï Lavrov est lapidaire, comme c’est souvent le cas lorsque le puissant ministre russe des Affaires étrangères prend la parole. Interrogé sur l’état des relations entre l’OTAN et la Russie, le Diplomate de Moscou répond par une blague très claire : « Elles ne peuvent pas être définis comme catastrophiques, car seul quelque chose qui existe réellement peut être défini comme catastrophique ». Une phrase que Lavrov a voulu résumer encore plus clairement : « Nous n’avons pas de relations avec l’OTAN ».

Pour mieux comprendre les propos du ministre russe, rapporte Lorenzo Vita dans son analyse sur «Inside Over», il faut remonter au 6 octobre, lorsque l’Alliance atlantique a décidé de suspendre l’accréditation au siège bruxellois de huit employés de la mission permanente de Moscou. Selon le commandement de l’OTAN, ces employés n’étaient pas de simples fonctionnaires de la Fédération de Russie assurant la liaison entre Moscou et les commandements atlantique, mais des espions russe. Pas une ambassade, mais un centre d’espionnage : une lentille du Kremlin au cœur battant de l’Alliance qui a été pendant des décennies le symbole du bloc occidental face aux ambitions de Moscou.

Le gouvernement russe, après les premières protestations, a attendu quelques jours. Puis vint la décision : suspension des activités de la mission à Bruxelles et fermeture de ses bureaux à partir du 1er novembre. Si quelqu’un à l’OTAN veut parler à Moscou, a souligné M. Lavrov, l’ambassade en Belgique est disponible. Pour le reste, la Russie ne semble pas disposée à faire marche arrière. Les propos du chef de la diplomatie russe – venu en Norvège pour des réunions institutionnelles – ne laissent aucun doute sur les pensées du Kremlin. Et d’ailleurs, le porte-parole de la présidence, Dmitri Peskov, a utilisé une métaphore qui exprimait parfaitement les idées de Moscou : « Il est impossible de danser le tango tout seul, et nous ne le ferons pas ».

Le numéro un de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a tenté d’éviter une confrontation totale avec Moscou en se disant « désolé » de cette décision de la Fédération de fermer sa représentation au siège de l’Alliance. Mais les propos du secrétaire général semblent être du pur formalisme et pour le bloc occidental il ne semble y avoir aucun doute : les employés expulsés étaient des espions. Et sur ce point, Stoltenberg ne semble pas disposé à faire une quelconque concession à l’ennemi de toujours. Car c’est justement l’infiltration d’agents russes qui constitue l’une des menaces les plus redoutées par l’Etat-major Atlantique.

Pendant ce temps, à Bruxelles, une atmosphère de guerre froide règne. Et les derniers jours de l’ambassade de Russie à Bruxelles apparaissent aussi comme les derniers jours d’un duel qui a caractérisé pendant de nombreuses années la « capitale » de l’Europe et de l’Alliance atlantique. Nombreux sont qui se demandent pourquoi il y a eu une telle accélération de la crise entre les deux vieux pôles de l’Europe. D’autres, en revanche, ne semblent pas surpris, à tel point que le journal espagnol El Pais affirme qu’en réalité l’OTAN travaille sur ce problème des espions russes dans la capitale belge depuis une dizaine d’années. Une source diplomatique a révélé au journal espagnol que, ces derniers temps, il était interdit au personnel occidental même d’accepter une invitation personnelle de l’ambassade de Russie. « Pas de café ni de bière, car tout ce qui est dit est susceptible d’être enregistré et d’être utilisé ou manipulé », tel était l’ordre qui est venu aux employés.

Le fait que les agents de Moscou constituent un problème est également connu en Italie, ajoute Lorenzo Vita. Le cas du capitaine Walter Biot, accusé d’avoir vendu des informations confidentielles aux Russes, a été un épisode marquant (mais pas le seul) de cette guerre des espions qui se joue partout en Europe. Et que, si elle implique Rome, cela ne peut certainement pas exclure Bruxelles, véritable centre névralgique de la politique occidentale, entre les responsables de toutes les nations de l’Union européenne, les hommes de l’UE et le commandement de l’OTAN. Un carrefour d’hommes, d’intérêts et de communications qui fait de la ville belge une scène idéale pour les espions qui jouent le rôle de simples employés.

Cependant, cette ville n’était pas seulement un lieu de rencontre pour les agents infiltrés, les agents doubles ou même simplement les victimes sans méfiance du piège à espion de l’ennemi. La représentation russe à Bruxelles, avec tous les hauts et les bas typiques des relations entre l’Occident et la Russie après la fin de la guerre froide, était également devenue le symbole d’une époque de dialogue moins guerrière. La confrontation entre espions et les tentatives d’extraction d’informations faisaient partie du jeu, mais ce contact physique entre Moscou et Bruxelles (et Washington) a également servi à donner l’idée d’une véritable connexion reliant les deux blocs ennemis. Tout le monde était conscient que dans ce bureau, isolé du reste des représentations, un centre d’espionnage pouvait être caché : mais éviter de tout dévoiler et de condamner publiquement ces fonctionnaires, c’était aussi démontrer qu’ils voulaient dialoguer avec le Kremlin. Aujourd’hui, les choses semblent avoir pris une tournure différente. Pas forcément positive.

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