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Allemagne: du son des clochers à l’appel des minarets

(Rome, 15 octobre 2021). A Cologne, poumon de l’Allemagne historique, désormais, lorsqu’un événement digne de la liesse se produira, les habitants pourront entendre à la fois le battement des cloches et la voix des muezzins provenant des minarets. Car l’actuelle maire de la métropole allemande, Henriette Reker, vient de conclure un accord de deux ans, qui permettra aux mosquées de Cologne d’utiliser leurs haut-parleurs pour inviter l’Oumma à la prière du vendredi.

Comme le souligne Emmanuel Pietrobon dans son article dans le quotidien «Il Giornale-Inside Over», ce qui s’est passé à Cologne, ou plutôt ce qui arrivera sous peu, a quelque chose de mémorable, d’inédit, et parle du présent et de l’avenir de l’Allemagne, une nation dont le visage et l’âme subissent une profonde métamorphose, peut-être irréversible, en raison d’un enchaînement de facteurs démographiques, migratoires, culturels et religieux.

Le tournant

Les trente-cinq mosquées de Cologne, à partir de ce mois, pourront enfin activer les haut-parleurs placés au sommet de leurs minarets pour inviter les fidèles musulmans à la prière du vendredi. Et l’appel des muezzins, qui en arabe s’appelle adhān (الآذان), bien qu’il soit adressé à la Oumma de la métropole allemande, sera entendu par tous les habitants de Cologne. Un tournant historique, qui parle du présent de Cologne et de l’avenir de l’Allemagne.

Ce n’est pas un hasard si cette initiative expérimentale, qui durera deux ans – avec possibilité d’extension – et a été conçue dans le but de refléter la métamorphose du panorama ethno-religieux, sera vécue dans cette métropole allemande. Parce que Cologne, qui abrite depuis 2015 la plus grande mosquée d’Allemagne (financée par Diyanet), est considérée depuis des années comme l’une des villes les plus islamiques du pays, étant donné que les musulmans représentent 11 à 15 % de la population totale, et est, en outre, un bastion bien connu du Parti de la justice et du développement. Ici, au lendemain du coup d’État manqué de juillet 2016, une marée humaine composée d’environ 40.000 personnes est descendue dans la rue pour manifester son soutien à Recep Tayyip Erdogan.

L’Allemagne en mutation

L’avenir de l’Allemagne, ajoute Emmanuel Pietrobon, s’annonce comme un mélange, non seulement architectural, entre le gothique allemand froid et typique et l’arabe mauresque chaleureux et exotique. Fiction politique ? En aucun cas. Les indices, ou plutôt les preuves, à l’appui du scénario de l’islamisation ne manquent pas et, au contraire, ils se multiplient et s’accumulent au fil du temps. La situation actuelle de l’Islam en Allemagne est la suivante :

  • Selon les estimations, les musulmans représentent 6 à 7 % de la population allemande totale.
  • D’ici 2050, grâce aux migrations et à la démographie, les musulmans allemands pourraient représenter entre 8,7% et 19,7% de la population totale.
  • L’Allemagne est la nation du Vieux Continent avec la plus forte densité de mosquées sur son territoire : 2.750. La France suit, avec 2.200.
  • Quatre musulmans allemands sur cinq sont d’origine turque.
  • Le point ci-dessus explique pourquoi la Turquie est le premier bailleur de fonds de l’islam en Allemagne, ainsi que le principal administrateur des mosquées de ce pays, Dibit, le tentacule allemand de Diyanet, gère et entretient plus d’un tiers de tous les sites (un peu plus de 900 sur de 2.750).
  • Au moins 100.000 Allemands renaissent dans l’Islam, c’est-à-dire qu’ils ont prononcé la Shahada, et ce nombre augmente chaque année par milliers.
  • Le nombre de villes qui autorisent leurs mosquées à utiliser les haut-parleurs des minarets pour l’invitation à la prière est en augmentation. Au-delà de Cologne, qui est le cas le plus récent, il y a Duisbourg et Oer-Erkenschwick.
  • La métamorphose (d’époque) de la nation allemande a des répercussions naturelles et prévisibles sur le plan politique. Au Bundestag, par exemple, le nombre de parlementaires turcs augmente élection après élection : 2 en 1994, 11 en 2013 et 19 en 2021.

En bref, s’il est vrai que la démographie est un destin, comme il est tout aussi vrai que les mathématiques ne sont pas une opinion, cela signifie que dans l’avenir de l’Allemagne nous parlerons un peu plus turc et un peu moins allemand, que nous entendrons les muezzins des minarets un peu plus et les cloches frapperont un peu moins et que les panoramas urbains verront de moins en moins d’églises et de plus en plus de mosquées.

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