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Liban: l’approvisionnement en pétrole iranien renforce le Hezbollah, mais Beyrouth risque des sanctions

(Rome, 16 septembre 2021). Les deux premiers convois de fioul et de carburant sont entrés au Liban depuis la frontière syrienne

Comme le rapporte l’agence italienne «Nova News», les deux premiers convois de mazout et de carburant iraniens sont entrés au Liban aujourd’hui depuis la frontière syrienne, renforçant ainsi la position du mouvement chiite Hezbollah quelques jours après la formation du nouveau gouvernement dirigé par Najib Miqati. Selon la chaine «Al Manar», appartenant au mouvement chiite libanais, 40 camions chargés de fioul et de carburant iranien sont arrivés au Liban ce matin en passant par la frontière avec la Syrie. Les 40 citernes devraient contenir une partie de la cargaison de produits pétroliers d’un navire-pétrolier iranien actuellement amarré dans le port syrien de Baniyas afin d’éviter que le Liban n’encourt des sanctions économiques contre les pays commerçant avec l’Iran. Selon les données de suivi de « Tanker Trackers », l’Iran a envoyé quatre pétroliers contenant 33.000 tonnes de produits pétroliers en Syrie dans le but de soulager la crise énergétique du Liban. Environ 792 camions-citernes sont nécessaires pour transférer la cargaison au Liban par voie terrestre. Bien que le pétrolier iranien n’ait pas accosté à Beyrouth, le Liban pourrait faire face à des sanctions car le carburant était financé, transporté et distribué par des entités sanctionnées par les États-Unis.

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré dans un discours plus tôt cette semaine qu’un mois d’approvisionnement en carburant iranien serait reversé à des institutions telles que les hôpitaux, la Croix-Rouge libanaise, les forces de protection civile et les orphelinats. Selon le chef du Hezbollah, les hôpitaux privés, les boulangeries, les usines produisant des médicaments et d’autres institutions pourront acheter du carburant à bas prix en livres libanaises. Nasrallah (appelé le pompiste, ndlr) a déclaré qu’il n’avait pas encore déterminé le prix, mais a affirmé qu’il serait très abordable et «à but non lucratif». La crise énergétique que traverse actuellement le Liban est le résultat d’un effondrement financier qui a dévasté l’économie libanaise depuis 2019, faisant chuter la monnaie d’environ 90 % et plongeant environ les trois quarts de la population dans un état de pauvreté. Les approvisionnements en carburant ont été épuisés car le Liban n’a plus assez de devises fortes pour couvrir les importations, obligeant les services essentiels, y compris certains hôpitaux, à réduire leurs effectifs ou à fermer leurs portes.

La décision d’importer du carburant marque une expansion du rôle joué par le parti de Dieu soutenu par l’Iran, au Liban. L’annonce du mouvement chiite est intervenue quelques heures seulement avant que le gouvernement ne vote sa déclaration ministérielle, un document clé (feuille de route) exposant les priorités du cabinet et qui sera examiné par les parlementaires avant d’accorder la confiance à l’exécutif, et a anticipé l’envoi de fournitures de pétrole irakien convenu par le gouvernement sortant. Le 12 septembre, le désormais ancien ministre de l’Énergie Raymond Ghajar a annoncé que la première cargaison de carburant irakien arriverait cette semaine. L’accord entre le Liban et l’Irak a été accusé par beaucoup d’opacité et de courte vue considérant que Bagdad fournirait du fioul à forte teneur en soufre incompatible avec les centrales électriques du pays. Pour remédier au problème, les autorités libanaises ont conclu un accord avec la société émiratie Enoc pour échanger des fournitures irakiennes contre des produits à faible teneur en soufre compatibles avec les générateurs libanais.

Dans ce contexte, ajoute Nova, les approvisionnements iraniens sont les seuls capables d’alimenter les stations-service à court terme et de permettre le fonctionnement des groupes électrogènes au fioul. Interviewée par la chaine qatari « Al Jazeera », l’experte en politique énergétique Jessica Obeïd a souligné que « ce sont toutes des solutions rapides pour maintenir la fourniture du courant électrique, mais elles ne résoudront pas les problèmes du secteur de l’énergie ». « Le problème, a-t-elle dit, n’est pas de savoir d’où vient notre carburant ou notre électricité, mais comment nous allons le payer ». Selon l’analyste, le carburant iranien ne changera pas les règles du jeu en termes de satisfaction de la demande, mais ne servira uniquement qu’à accroître la popularité du Hezbollah. En effet, avec le pétrole iranien, le Hezbollah tente d’une certaine manière d’exploiter la crise à son avantage en contrecarrant l’initiative annoncée le 8 septembre dernier à Amman par les ministres de l’énergie du Liban, de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie pour fournir du gaz égyptien au Liban et atténuer la crise électrique que traverse le pays.

La proposition fait partie d’un effort coordonné des États-Unis avec l’Égypte et la Jordanie pour contribuer à atténuer la crise électrique au Liban en fournissant du gaz naturel via le gazoduc arabe, qui relie la péninsule égyptienne du Sinaï à la Jordanie, la Syrie et le Liban. Selon le plan américain, le gaz passerait par la Syrie pour atteindre le Liban, qui pourrait ensuite être utilisé par les centrales électriques libanaises pour produire de l’énergie dans le pays. Le gaz égyptien serait pompé via un pipeline existant s’étendant d’Al-Arish à Taba en Égypte, puis à Aqaba et de là, à Rehab en Jordanie, et de Rehab à Jaber jusqu’à la région de Homs en Syrie, ensuite à Deir Ammar au Liban. La longueur de l’infrastructure est de 1.200 kilomètres et sa capacité s’élève à 7 milliards de mètres cubes de gaz par an.

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