La colère de la France face au pacte anti-Chine entre les USA, la Grande-Bretagne et l’Australie

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(Rome, 17 septembre 2021). A Bruxelles, ce devait être le jour de la présentation de la stratégie de l’UE pour la coopération dans la région Indo-Pacifique. Mais l’actualité a perturbé le programme du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui devant les journalistes a dû avouer son « regret » pour l’alliance anti-Chine signée hier par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie.

Un pacte contre Pékin mais qui, indirectement, touche aussi Bruxelles. Economiquement, cela nuit à Paris qui voit s’évanouir le riche contrat de fourniture à l’Australie en sous-marins. « Un accord de cette nature n’a pas été préparé avant-hier, cela prend du temps. Mais nous n’avons pas été informés, nous n’avons pas été consultés. Nous le déplorons » a déclaré Borrell, qui a néanmoins exhorté « à ne pas exagérer, à ne pas dramatiser ».

« Cela ne remettra pas en cause les relations avec les Etats-Unis », a-t-il assuré. Tout comme cela n’affectera pas la coopération avec Canberra et Londres, « même si les dirigeants britanniques ne montrent pas beaucoup d’enthousiasme ». Mais les conséquences seront là et selon des sources européennes elles sont « inquiétantes ». Cette question sera discutée en détail lors de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères qui se tiendra le 18 octobre au Luxembourg.

Entre-temps, Paris devra faire face aux conséquences immédiates : la résiliation par l’Australie du contrat de fourniture de sous-marins conventionnels au profit des sous-marins nucléaires proposés par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

« Pour le dire en bon français, c’est vraiment un coup de poignard dans le dos », s’est indigné le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. « Je comprends la déception des Français », a déclaré M. Borrell. « Cet accord nous oblige une fois de plus à réfléchir à la nécessité d’être indépendant et de développer l’autonomie stratégique de l’UE », a-t-il réitéré.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, qui avait tant fait confiance à l’administration Biden pour une revitalisation de l’alliance entre l’UE et les États-Unis, a partagé la même réflexion à Twitter. « Le partenariat de sécurité entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie démontre une fois de plus la nécessité d’une approche commune de l’UE dans une région d’intérêt stratégique. Une stratégie européenne forte pour la région indo-pacifique est plus que jamais nécessaire », a déclaré l’ancien Premier ministre belge.

Pour revenir à M. Borrell, son invitation est désormais de ne pas sous-estimer la stratégie qu’il a présentée. « Une stratégie de coopération avec des partenaires démocratiques qui partagent nos valeurs, et non une stratégie de confrontation » avec la Chine, a-t-il précisé. Et la proposition de coopération avec Pékin reste valable. « L’UE veut créer des liens avec les pays de la région, pas des dépendances », a ajouté le diplomate espagnol.

« Cette région est l’avenir. L’UE est le plus grand investisseur avec 12.000 milliards d’euros, soit deux fois plus que les États-Unis, et est le deuxième marché pour ses exportations », a-t-il déclaré. « 40 % du commerce avec l’UE passent par la mer de Chine et l’UE a intérêt à préserver la libre circulation des navires dans cette région », a-t-il ajouté. Pour cette raison, la stratégie prévoit également une « présence navale européenne » qui, cependant, ne doit pas être comprise comme une menace pour la Chine.

(AGI)