Al-Qaïda n’a plus les moyens de planifier un attentat semblable au 11 septembre

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(Rome, 11 septembre 2021). Il y a vingt ans, al-Qaida se faisait connaître aux yeux du monde en attaquant en plein cœur la superpuissance américaine. Deux décennies plus tard, l’organisation fondée par Oussama ben Laden ne ressemble quasiment plus en rien à ce qu’elle était le 11 septembre 2001, analyse pour CNEWS Antoine Basbous, politologue spécialiste du terrorisme islamiste et fondateur de l’Observatoire des pays arabes.

Y a-t-il un avant et un après 11-Septembre pour Al-Qaïda ?

Le 11 septembre a été l’apogée d’al-Qaida. Elle a réussi un coup qu’aucune autre organisation terroriste ou étatique n’avait réussi, c’est-à-dire frapper le sanctuaire américain, avec des moyens qui étaient dérisoires. A l’époque, elle était à l’offensive, avait des bases en Afghanistan et tout ce qu’il fallait pour s’entraîner, pour frapper. al-Qaida était comme un poisson dans l’eau.

Après cela, il y a eu le retour de bâton. Il s’est traduit par l’occupation de l’Afghanistan par l’armée américaine, la traque des membres de l’organisation, les pressions sur les pays qui ont hébergé ou collaboré avec al-Qaida, avec en point d’orgue, dix ans après, l’élimination de son chef emblématique, Oussama ben Laden.

Tout cela s’est donc traduit par un affaiblissement d’al-Qaida…

Oui, car les structures de l’organisation ont été dissoutes. Elle a perdu sa base territoriale, en Afghanistan. Quant aux autres pays qui hébergeaient al-Qaida, leurs gouvernements n’osaient plus la tolérer, au vu des pressions subies et de ce que cela pouvait leur coûter. Ils se sont mis à frapper al-Qaida, qui représentait désormais une menace contre ces gouvernements islamiques.

Comment s’est transformée Al-Qaïda ?

Le sanctuaire afghan disparu, Al-Qaïda a davantage prospéré sur d’autres terres, en Afrique – notamment au Sahel avec sa branche Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) – ou encore dans le Sinaï. Mais ce n’est plus l’organisation mère qui donne des instructions ou organise des attentats. Maintenant, ce sont des personnes idéologisées qui agissent en petits groupes ou individuellement, en se revendiquant de la doctrine d’Al-Qaïda.

Car l’idéologie est restée. Cet islamisme belliqueux, haineux et rétrograde a été décliné par d’autres organisations, qui s’inspirent du même dogme, du même socle idéologique et théologique. Ça a été le cas de Daesh par la suite notamment.

Peut-on dire que Daesh a «ringardisé» Al-Qaïda ?

Daesh a été une actualisation de la doctrine d’Al-Qaïda, et en quelque sorte une déclinaison territorialisée. Daesh, à la différence d’Al-Qaïda, a des ambitions territoriales. On est donc passé d’un réseau – Al-Qaïda – à un Etat – Daesh –, avec des frontières, un drapeau, une administration…

Alors qu’Al-Qaïda était affaiblie et éclatée sur plein de pays et de continents, Daesh s’est concentré essentiellement sur deux pays (Syrie et Irak), ce qui lui a permis d’avoir une base territoriale et d’attraction sur des gens que le groupe a envoyés pour commettre des attentats.

Vingt ans après les attaques du 11-Septembre, Al-Qaïda n’est-elle donc plus en mesure de planifier un attentat de la même ampleur en Occident ?

Al-Qaïda est traquée, éclatée, sur la défensive. Elle n’a plus de leadership, ni de structure, ni de commandement, ni d’inspirateur. Elle survit un peu à la disparition de son créateur et chef, Oussama ben Laden, et de son fils, qui devait lui succéder et a lui aussi été éliminé. Maintenant, c’est Ayman al-Zawahiri qui dirige l’organisation. Il est vieillissant, il s’exprime très peu, il se cache. Al-Qaïda n’a aujourd’hui plus les moyens de s’organiser pour programmer un attentat d’envergure, semblable au 11-Septembre.

La récente prise de pouvoir des talibans en Afghanistan fait-elle craindre une reconstitution d’Al-Qaïda dans le pays ?

Seul l’avenir nous le dira. Cela dépendra notamment de la branche des talibans qui prendra le dessus. Si c’est celle d’Anas Haqqani, à la tête d’un réseau lié aux talibans, et proche d’Al-Qaïda, l’Afghanistan pourrait accueillir à nouveau l’organisation sur son territoire, ainsi que d’autres formations de cette nature. En revanche, si c’est la branche du mollah Baradar, qui a passé huit ans en prison et quelques années au Qatar, et a négocié avec les Américains, elle ne prêtera pas son territoire à Al-Qaïda.

Par Julien Da Sois. (CNEWS)

(Photo-CNEWS) – [ISSOUF SANOGO/AFP]