(Rome, 22 août 2021). Les enfants passaient à travers un fil de fer barbelé de leur mère aux soldats britanniques. C’est l’une des images les plus fortes que nous donne la première semaine du pouvoir des talibans sur l’Afghanistan. Une photo qui avec la vidéo des garçons tombés de l’avion, les photos des premières exécutions et les gifles d’un jeune homme avec un drapeau nous montrent l’autre (le vrai, ndlr) visage de l’émirat. Non pas celle de la « modération » promise par les hommes du mollah Abdoul Ghani Baradar, mais celle de la partie la plus profonde et la plus enracinée du mouvement, lit-on dans l’analyse de Lorenzo Vita dans le quotidien «Il Giornale/Inside Over».
Il y a un fil conducteur relie ces images : les jeunes. Bébés, adolescents ou enfants d’une vingtaine d’années. Les enfants d’Afghanistan et de cette guerre sont les victimes de la trahison. Ceux qui sont nés après le déclenchement de la guerre ou qui étaient trop jeunes pour se souvenir à quoi ressemblait l’Afghanistan avant le 11 septembre 2001.
Des enfants qui sont des victimes, mais aussi des protagonistes. Parce que comme ceux qui protestent, ils fuient et sont relâchés dans l’espoir d’un avenir meilleur, même parmi ceux qui décident, qu’il y a une nouvelle génération. Les mêmes noms et les mêmes ennemis.
Le premier de ces fils afghans est Ahmad Massoud, dont le père fut le légendaire « lion du Panshir ». C’est lui qui mène la révolte depuis les vallées où son père a combattu les talibans avec ses moudjahidines il y a vingt ans. Il a été rejoint par l’ancien vice-président, Amroullah Saleh, un ancien membre de l’Alliance du Nord sous la direction du commandant Massoud et président autoproclamé de l’Afghanistan. Dans les médias internationaux, le jeune lion tente d’appeler le plus d’Afghans possible aux armes, mais il cherche surtout de s’attirer les bonnes grâces des puissances internationales. Son père a laissé son empreinte : il espère faire de même, retraçant le parcours du commandant de l’Alliance du Nord. C’est le visage le plus noble d’une guerre qui n’a jamais pris fin et qui peut désormais se déchaîner dans toute sa violence. Des militaires, des chefs de guerre et des combattants volontaires se rassemblent dans les villages imprenables du Panshir pour la dernière bataille. Massoud, trente-deux ans, est un nom qui peut réveiller les cœurs et les espoirs, mais il doit maintenant mener une guerre qui semble beaucoup plus dure que celle de son père menée contre les talibans, ajoute Lorenzo Vita.
De l’autre côté se trouve Mohammad Yacoub, fils du mollah Omar. Comparé à Ahmad Massoud, Yacoub vit loin des médias, timide devant les caméras. Avec l’avancée des talibans à travers l’Afghanistan, le fils du tristement célèbre fondateur des talibans est devenu un possible leader. Depuis 2020, c’est-à-dire depuis l’activation des accords de Doha avec les États-Unis, Yacoub est chargé des opérations militaires en Afghanistan. Et c’est déjà un signe de la faveur que lui porte le grand leader Hibatoullah Akhoundzada. Comme l’explique le quotidien « Corriere della Sera », le mollah Yacoub est désormais un trait d’union entre les talibans et l’Arabie saoudite. Et par conséquent, un allié de Washington. Peut-être que cela l’aidera à gravir les marches qui le mènent au trône de Kaboul, dans l’espoir ou l’attente qu’Akhoundzada renonce. Mais le monde des étudiants coraniques est divisé en son sein, les mollahs se détestent entre eux. Et les divisions, sur lesquelles souffleront les ennemis et les puissances intéressées à avoir le contrôle de la transition et du futur gouvernement, pourraient investir précisément le fils du mollah Omar.
Mais il ne s’agit pas que de ces deux jeunes hommes qui sont les « fils de l’art » de cette longue guerre. Il existe en effet un troisième, plus obscure, qui pourrait désormais avoir son moment sous les feux de la rampe et son heure de gloire : Sirajouddin Haqqani, fils de Jalalouddin Haqqani, le fondateur du réseau terroriste allié à Oussama ben Laden et aux talibans, et qui opère à la frontière avec le Pakistan. Sirajouddin a gravi les échelons du pouvoir au sein des talibans pour devenir l’un des principaux adjoints d’Akhoundzada. Les membres de Haqqani, qui sont plus violents, plus libres et plus extrémistes que les différentes ailes du groupe qui contrôle désormais Kaboul, sont devenus très influents sur le champ de bataille et dans les allées du pouvoir. Et leur patron pourrait même prétendre au poste de président. Waheedoullah Hashimi, un responsable taliban, a déclaré à Reuters qu’il est possible qu’un adjoint d’Akhoundzada soit à la tête de l’émirat. L’un est Baradar, chef du bureau politique. Les deux autres sont Yacoub et Jalalouddin, fils de cette guerre, alliés mais pas trop, et qui ont désormais un ennemi qui, comme eux, suit sur les traces de son père : Ahmad Massoud.